Ariane Moffatt : La mère de toutes les pop
Après l’aventure MA et un flirt avec le marché anglophone, Ariane Moffatt revient en terrains connus avec 22h22, un album tout en français créé en s’ajustant aux réalités d’être une nouvelle maman.
La vie familiale d’Ariane Moffatt s’est multipliée en 2013 – les deux mamans (la chanteuse et sa conjointe Florence) ont accueilli deux garçons – et six mois plus tard, de retour en studio, quelque chose de mystique l’a poussée à nouveau vers la création d’un album. Elle tombait souvent sur 22:22 sur des cadrans et ça a fini par lui parler. 22h22, c’est la multiplication de paires, mais c’est aussi cette heure de transition où la nuit s’installe et le silence suit.
«Je ne sais pas si c’est le fait d’être dans des situations de sommeil fuckées, d’être dans un état second, mais on dirait que ça m’a donné envie d’aborder ces différents états de conscience, de l’éveil, du sommeil. Ça m’a donné envie de quelque chose de new age, de planant», détaille Ariane Moffatt à propos de son cinquième album, en entrevue dans un atelier de l’avenue Van Horne.
Les artistes et musiciens goûtent aussi au fameux facteur «conciliation travail-famille», bien sûr, et l’horaire de travail que s’est imposé la jeune maman aura somme toute été fort bénéfique à la création de 22h22. «C’est nouveau pour cet album-là d’avoir un cadre de création qui est serré. Faire le petit déjeuner, partir à pied par la ruelle, travailler de 10h à 16h. Revenir tranquillement. C’était ça tout le temps. Je pense que je n’ai jamais eu autant d’assiduité dans le travail, parce que c’était ça, mes espaces. Il fallait qu’il se passe de la magie dans ces moments-là. Ça a fait en sorte que je me suis investie d’une manière plus comme une course de fond, plutôt que de « popper » au studio après une fête pour avoir une idée.»
Bien sûr, la vie de famille est abordée à quelques moments dans les textes de l’album et on entend même les jumeaux sur Matelots et frères, mais le sujet n’accapare pas le disque pour autant. Il y a aussi sur 22h22 un hommage à un sans-abri (la douce Domenico) et un conte onirique autour de la réincarnation (De mort à vivant). En plus de l’accrocheuse ode au couple qu’est Debout, on retrouve le «cri du cœur instinct maternel» d’Ariane Moffatt dans Les tireurs fous, à propos de la violence accrue un peu partout dans le monde. «Je ne suis pas une freak mom, mais c’est l’idée de dire: « Je prépare un jour mon enfant pour l’école et c’est rendu que je ne sais pas dans quoi je le mets ».»
Concocté avec Jean-Phi Goncalves, qui avait réalisé le troisième album d’Ariane (Tous les sens, 2008), 22h22 navigue entre des pièces plus douces au piano et d’autres, plus dansantes, où se marient les claviers et synthés. Les âmes sœurs musicales se retrouvent quelques années plus tard, donc, mais cette fois-ci, c’est à travers leurs différences qu’ils ont su trouver le juste milieu.
«Je suis bien à l’aise de dire qu’on est des meilleurs amis. On a un côté soulmate dans notre personnalité, dans notre ludisme et dans le feu d’artifice qui se passe quand on est ensemble. Dans le travail, à un moment donné, c’était quasiment un gag de dire: « Si je dis quelque chose, lui ça va être complètement le contraire! » Sans avoir l’impression qu’on lâchait notre morceau, c’était un peu dans ce compromis qu’on trouvait ce qu’il nous fallait, notre espace au milieu.»
L’absence (ou presque) de guitare sur 22h22 était un choix volontaire du duo. On constate qu’après 5 albums et 15 ans de carrière, Ariane Moffatt a toujours cette soif d’explorer la pop actuelle. Quand on lui demande de commenter son rapport à la pop au fil des années, elle y va d’un éloquent bilan de carrière qu’on aurait aimé mettre intégralement dans cet article. On rigole, mais elle se raconte en cinq étapes à travers la pop: un premier album de candeur et d’innocence et le sentiment d’imposteur après le succès; un second album un peu plus rough et indie; un troisième album plus limpide où la pop est assumée et où la production est plus léchée; un quatrième album bilingue gonflé d’élans musicaux sans la typique structure de chanson.
«Tout ça pour dire que dans mon état général, je ne me pose plus de questions indie/pop, dit la chanteuse. En général, dans le milieu de la musique, c’est pas mal en train de se décloisonner. Les gens de la scène indie tripent sur Beyoncé. Y a une revalorisation de la pop pure qui est le fun. Quand t’es artiste et que t’aimes tout ça, tu te laisses aller là-dedans. C’est aussi le fait d’avoir touché à un très grand public avec La Voix et d’avoir eu l’impression de rester qui j’étais; que mes goûts n’ont pas changé, que je ne me suis pas prostituée et que les gens m’ont pris comme j’étais. On dirait que ça a réglé ce dossier-là. Je n’ai plus envie de m’adresser à personne en particulier, mais j’ai envie de faire plus ce que j’entends.»
22h22 (Simone Records)
En vente le 10 mars
Lancement montréalais le même jour à 17h30 au Stereo Nightclub
Concert à Québec le 1er mai à 19h30 à l’Impérial Bell