Suuns + Jerusalem In My Heart: Frères de cœur
Deux joueurs importants et forts respectés de la scène musicale expérimentale locale, Suuns et Jerusalem In My Heart, s’associent pour un album collaboratif.
Ça a commencé avec un jam de quelques jours par pur plaisir. Cinq amis dans un studio. À leur grande surprise, l’excellent groupe art rock Suuns et le génie derrière de nombreux albums percutants Radwan Ghazi Moumneh, du projet musical Jerusalem In My Heart, présentent ce mois-ci un album conjoint, fruit d’un travail de longue haleine.
Radwan: «Tout ça a été et est encore autour de la relation avec les quatre gars de Suuns. Ils sont des amis proches. On a passé beaucoup de temps en tournée ensemble. Ce projet commun repose surtout sur notre chimie, l’expérience de travailler ensemble sur du matériel. Lors de notre courte tournée européenne, j’ai tellement eu du bon temps! C’était une tournée tellement facile! On s’entend tous extrêmement bien.»
Ben Shemie (Suuns): L’album est en quelque sorte une célébration de notre amitié.
R: C’est exactement ça pour moi!
B: On l’a fait pour nous.
<<Écoutez l’album en entier jusqu’au 13 avril.>>
Il n’y avait pas de but précis au départ, donc, ni d’attentes. Les horaires chargés des musiciens ont fait avancer les choses tranquillement mais sûrement, et c’est justement ce lent processus qui a porté ses fruits, explique Radwan: «Le disque a été fait à petites doses, alors on avait beaucoup de recul. À un moment donné, on s’est dit: « OK, on a assez de matériel pour le mixer à quelque chose. Allons-y. » Même après avoir décidé de faire un album avec le matériel, on continuait à se dire que ce n’était pas l’intention de départ. On se disait simplement: « Avançons les choses et on verra ce que ça donne. » Tout le monde est si occupé. Si on s’était investis dans l’album, ça l’aurait gâché. Qu’on l’ait fait sans engagement, c’est ce qui fait qu’on est arrivés à le compléter.»
Les cinq musiciens et amis de longue date se sont imposé des devoirs lors de la semaine en studio. Chacun devait amener des idées et les mettre sur la table. Ils ont expérimenté avec tous ces éléments, les cinq entités s’entraidant, se nourrissant (le vin rouge a aidé aussi). Suuns et Jerusalem In My Heart ont aussi présenté leur œuvre collaborative six fois sur scène depuis les balbutiements du projet il y a deux ans et demi alors que les enregistrements étaient toujours en mutation. Le disque ne sonne pas tout à fait comme un album de Suuns, mais pas tout à fait comme JIMH non plus. C’est vraiment un riche projet à cinq têtes créatives où se mêlent les guitares, les synthétiseurs analogiques et les influences arabes à travers différentes palettes de couleurs.
«Je dirais que ce sont plus des pièces que des chansons structurées. La plupart des pièces étaient des textures et des idées qu’on avait sur une palette et on peinturait ces idées pour en faire des pièces, explique Radwan. On n’a rien abordé de tout ça comme une chanson structurée. On les mettait en place petit à petit avec l’apport de tout le monde, ce qui était super. On est cinq et chaque personne a une esthétique différente des autres. On avait donc cinq opinions différentes, et la personne avec l’idée la plus forte dirigeait la pièce en question. « Collaboration » est un mot qui convient très bien à ce projet.»
Pour les mélomanes, conjuguer Suuns avec JIMH a provoqué des émois dès l’annonce du disque collaboratif, mais Ben amène un point intéressant par rapport à tout ça: «Aucun des deux groupes n’est vraiment populaire, alors c’est difficile de dire à ton public: « Alors voici un projet qu’on fait à côté. » C’est difficile d’avoir des gigs qui sont des bons shows. Même si tu sais que les gens apprécieront s’ils se déplacent pour le voir, c’est assez difficile d’essayer de le présenter au public.»
Et du moment où Suuns et JIMH savaient qu’ils allaient lancer un album ensemble, est-ce qu’ils se sont arrêtés pour penser aux attentes des gens?
«Je dois être honnête, dit Radwan. J’ai exprimé une légère préoccupation sur la réaction des fans de Suuns vis-à-vis ce projet, parce que les gars ont un public plus grand que Jerusalem In My Heart et que l’album passe à travers les canaux de Suuns – ce n’est pas un album de Constellation [la maison de disques de JIMH], c’est un album de Secret City et Secretly Canadian [les maisons de disques de Suuns]. Je suis très reconnaissant. Il y a de l’enthousiasme, et le fait que les gars soient autant derrière le projet que moi et confiants, ça me rend confiant également. J’ai eu mes doutes et j’ai pensé que le changement de direction aurait pu être déroutant pour les gens, mais au moins, à Montréal, la réaction a été extrêmement positive. Extrêmement.»
Alors que Ben avoue ne pas partager cette préoccupation, il conclut que c’est tout à fait à l’honneur des cinq musiciens de défier leurs fans. «Je pense que quand tu enregistres de la musique – peu importe si c’est dans la continuation de ce que tu faisais auparavant ou comment c’est lié au matériel précédent –, si tu te sens profondément bien par rapport au travail, y a rien d’autre qui importe. Et c’est comme ça que je me sens par rapport à ceci. Je pense que c’est vraiment bon, très différent. Et pis… whatever! Si tu penses que t’aimes la bonne musique, tu vas aimer. Peut-être que ce ne sera pas ton truc, mais je pense que c’est génial. Si les groupes que j’aime se mettent à avoir des side projects, tant mieux! Je préfère écouter des choses différentes.»
Suuns + Jerusalem In My Heart (Secret City Records), sortie le 14 avril //
En spectacle à Victoriaville dans le cadre du FIMAV le 14 mai. fimav.qc.ca