Les Marinellis : Hawaï 514
Le soleil se lève enfin sur Montréal et les Marinellis chantent les louanges de leur Île de rêve.
Quelque part dans leur vannette de tournée, sur une route allemande, le bassiste des Marinellis Benoit Gromko se remet du concert de la veille et pitonne sur son téléphone les réponses aux questions que nous lui avons soumises par le biais de Facebook. C’est devenu une tradition: chaque année, le plus indompté des groupes de rock montréalais bat la campagne et rallie tous les racoins de l’Europe où il pourra s’encanailler, se rouler par terre et faire frire les amplis. Grâce à l’imprimatur apposé par l’américaine Burger Records et l’allemande P. Trash Records sur ses albums, dont le récent Île de rêve, la troupe parvient à rameuter un ardent contingent de membres de la fidèle diaspora du rock garage.
«Au début de notre carrière, nous avons priorisé et sommes allés cogner aux portes de labels locaux avec des attentes, mais avons tout de même envoyé notre matériel à des étiquettes internationales. On prenait une chance, se rappelle Gromko. Étonnement, la réponse des labels internationaux a été beaucoup plus rapide et positive. Je trouve que les labels locaux se tiennent toujours dans une « safe zone ». Ils ne prennent pas de risque et souvent passent à coté d’artistes super intéressants, qui se développent très bien a l’international: King Khan and the Shrines, Mac DeMarco, Homeshake, Mark Sultan et j’en passe.»
Lors de notre dernière entrevue avec Cedric Marinelli en 2014, nous dressions avec force détails l’inventaire des turpitudes auxquelles s’abandonnaient les Montréalais à l’étranger. Portons cette inélégance au compte de l’influence un brin tyrannique qu’exerce la mythologie rock sur l’imaginaire de l’auteur de ces lignes. Mea maxima culpa: il aurait sans doute fallu davantage et mieux souligner comment les Marinellis ne sont pas tant des étourdis que de loyaux guérilleros de cette grande guerre de tranchées qu’est le rock’n’roll, et que leur légère inclinaison pour l’excès creuse de profondes racines dans leur lecture très jusqu’au-boutiste du carpe diem. Les Marinellis donnent tout, en toutes circonstances, et s’attendent aux mêmes égards de votre part.
«Pendant cette tournée-ci, nous jouons dans des sous-sols, dans des squats qui sentent l’humidité et la clope, mais aussi dans des endroits super structurés. Généralement, en début de semaine, on tombe sur des événements plus «DIY» organisés par des kids qui tripent et le week-end, c’est des trucs plus officiels. Mais on aime mieux jouer dans une salle pourrie avec un système de son merdique devant une bande de kids disjonctés que de jouer dans une super salle devant un public de record geeks blasés qui s’attendent à entendre du sixties québécois. Nous ne sommes pas des couche-tôt et aimons faire la fête avec les gens qui se déplacent pour nos shows. Ce sont nos habitudes de tournée et nous ne planifions pas les changer. Nous nous calmerons et commencerons à se plaindre quand nous serons vieux.»
Montréal, t’es tellement froide
Île de rêve a été enregistré le mors aux dents et l’épée de Damoclès au-dessus de la tête par un groupe qui s’était peinturé dans le coin en organisant sa tournée européenne avant même d’avoir ébauché le moindre nouveau refrain. Pas le choix donc de balancer la sauce rapidement.
Et si les Marinellis étaient les Patrick Roy du rock garage, meilleurs sous pression? C’est du moins la conclusion à laquelle nous contraint ce second album sur lequel la bande à Cedric fait flèche de tous bois, tout en munissant son artillerie de nouvelles armes et en craquant quelques allumettes sur ses guitares dont émergent des riffs plus pyromanes que jamais. Seule la pièce-titre offre une rare trêve en faisant déferler une grosse et floconneuse tempête hivernale. Mais Benoit, l’album ne s’appelle-t-il pas Île de rêve?
«Notre guitariste Alexis est arrivé par hasard avec un riff hawaïen, explique-t-il. On a tous trouvé ça bon et on a décidé d’inclure la pièce comme interlude entre la face A et la face B du disque. On ne savait pas comment l’appeler, alors on a choisi un nom typiquement quétaine, comme ceux qui se retrouvent sur les albums hawaïens, du genre: Plage paradisiaque, Île du bonheur, etc. On se fait souvent comparer à la vague de groupes garage de la côte Ouest, qui chantent le soleil californien, les plages, le surf. Sauf que nous, notre réalité, c’est un hiver interminable et des froids polaires. Appeler l’album Île de rêve et remplacer les bruits de vagues par ceux d’une tempête nordique est un clin d’œil à ceux qui croient qu’on vient du Sud, mais surtout un hommage à notre île de rêve, Montréal. Avec une touche de sarcasme, bien sûr.»
Mais ce n’est quand même pas la peine de ressortir votre anorak du coffre en cèdre dans lequel vous venez tout juste de le balancer. Les Marinellis ferment Île de rêve en s’enfonçant, des santiags aux pieds, dans le sable inquiétant d’un désert morriconien. Leur regard défie la ligne d’horizon, manière de signaler qu’ils sont, au fin fond, un tiers bons, un tiers brutes, et un tiers truands. Tarot Part 1 & 2, que ça s’appelle. «Elle a été écrite pour un ami proche qui est décédé. On voulait faire naître des images très précises, évoquer la mort qui nous hante. Nous sommes tous des fans de western, qui rêvons de tirer du gun au soleil couchant, de participer à un duel sanglant, de manger du bison, de côtoyer les bordels et de faire régner la terreur sur l’Amérique.»
Lancement de Île de rêve