Térez Montcalm : Tout est facile
Térez Montcalm chante l’ivresse de l’amour qui met en fête et le chagrin de celui qui fout le cafard sur Quand on s’aime, un nouvel album de jazz entièrement en français.
Existe-t-il plus précieux moment de plénitude que lorsque vous sortez dehors pour promener votre chien? Pendant plusieurs années, Térez Montcalm fredonnait pourtant systématiquement au moment d’aller faire marcher ses clébards une chanson pas sereine du tout, Que veux-tu que je te dise, cafardeuse complainte d’un Jean-Pierre Ferland qui peine à effacer le nom d’une ancienne amoureuse de sa mémoire.
«Je la chantais sans arrêt, se rappelle la principale intéressée, alors à un moment donné, je me suis dit: « Enregistre-la, fais-toi plaisir et arrête d’achaler tout le monde avec ça dans la rue! »»
Chose due, chose faite. Sur Quand on s’aime, son nouvel album de jazz entièrement en français, la chanteuse à la rugueuse voix de satin insuffle à sa relecture une légèreté que la version originale ne recelait pas, en l’habillant d’un arrangement digne de Bill Evans.
L’élégante et suave stratégie – envisager la joie et la mélancolie comme les deux faces d’une même médaille – prévaut sur l’ensemble de ce huitième album, qui voit la plus incandescente de nos interprètes goûter aux charmes exquis de standards comme Les feuilles mortes, La belle vie ou Que reste-t-il de nos amours. «Je m’enivre tout doucement, la vie coule tout simplement, le temps s’arrête et chaque jour est une fête», murmure-t-elle sur une deux pièces originales de l’album, avec une langueur typique d’un coucher de sommeil estival.
Indolence, paisibilité, bonheur tranquille: Térez Montcalm magnifie ici la demi-teinte, la nuance, l’émotion mélangée, quelque part entre ivresse et équanimité. Contrairement à Billie Holiday (le premier disque qu’elle a acheté à 12 ans), la jazzwoman ne s’alimente pas au puits de sa propre douleur lorsqu’elle crée. «Quand je vis un pépin ou un problème, je ne peux pas dire que j’ai le goût de chanter. Pas du tout.»
Merci Nougaro
Térez Montcalm a longtemps interprété sur scène Le cinéma, immortelle de Claude Nougaro. «Il m’avait même envoyé un fax pour me dire qu’il aimait ma version!», se rappelle-t-elle au sujet de la pièce qu’elle a enregistrée en 2006 sur son album Voodoo.
Sur Quand on s’aime, la Montréalaise mord cette fois-ci dans Docteur, brûlante adaptation de Fever qu’avait signée le grand Claude. Elle pose aussi une musique sur Chagrin d’amour, un texte inédit du jazzman français que lui a confié sa veuve, Hélène, qui assiste régulièrement à ses concerts. Montcalm connaît depuis quelques années un impressionnant succès en France, qu’elle attribue à la «grande culture jazz des Européens. Ils ont des stations de radio, des magazines, des centaines de salles consacrés au genre. Le jazz est encore très vivant là-bas.»
Compte tenu du petit répertoire jazz francophone, Térez Montclam se mesure bien sûr ici à des classiques des dizaines de fois visités et revisités, que l’on pourrait croire usés jusqu’à la trame, mais qu’ elle parvient néanmoins à transcender. Son secret? «Faut que tu les aimes, faut qu’elles te parlent, les chansons. Ça vient avec l’arrangement. Mon pianiste américain Gil Goldstein est extraordinaire. Quand il joue, c’est tellement beau. Tu poses ta voix là-dessus et ça se fait pas mal tout seul.» C’est là tout l’art de la séduction chez Térez Montcalm, qui parvient toujours à nous convaincre que tout est facile.
Quand on s’aime disponible maintenant
Térez Montcalm en spectacle les 7 et 9 mai à 20h à L’Astral