Patrick Watson : Une question de mécanismes
Osheaga 2015

Patrick Watson : Une question de mécanismes

Patrick Watson saupoudre son cinquième album de sa passion pour la science-fiction et s’interroge sur les mécanismes de nos émotions. 

«Notre manière de faire de la musique n’a jamais changé, on raconte des histoires. Quelle que soit la direction que prend l’histoire, les arrangements vont suivre cette même direction.» Patrick Watson nous offre un cinquième album de riche pop-rock aérienne, plus simple dans sa structure, selon les dires des principaux intéressés, mais qui souffle le bon vent d’une énergie renouvelée chez la bande. Love Songs for Robots est plus groovy, on y entend plus de synthés, des sample pads – sur Bollywood, par exemple – et exit les cordes.

«On a essayé des cordes, à un moment, mais ça ne fonctionnait pas dans le feeling des chansons, ça marchait mieux avec des synths, explique le chanteur Patrick Watson dans son loft du boulevard Saint-Laurent à Montréal. Après Adventures in Your Own Backyard [son précédent disque sorti en 2012], je me suis dit que ce serait le fun d’avoir un album qui explore la science-fiction puisque c’est ma passion. C’est toutefois très difficile à faire en musique parce que ça devient kétaine assez vite. On a fait beaucoup de recherches pour trouver une façon chaleureuse de toucher ces thèmes-là, sur le plan du son, que ça ne sonne pas trop électronique non plus, que ça sonne live

Cette direction inspirée de la science-fiction, elle s’entend dès les premières notes du disque et permet aux synthés de François Lafontaine – qui accompagnera Patrick Watson sur scène en alternance avec Mathieu Charbonneau –, à la batterie de Robbie Kuster, à la basse de Mishka Stein et aux guitares de Joe Grass de nous emmener hors de ce monde, de nous transporter dans un univers qui évoque un sentiment d’étrangeté. Turn Into the Noise, présentée en grandes pompes dans une promo de la série américaine The Walking Dead en janvier dernier, est une pièce magnifique qui confirme toute la force créative du groupe. C’est aussi une chanson-clé de cet album, selon Patrick.

«C’est un album de transformation pour moi. Turn Into the Noise, c’est la réelle transformation. Love Songs for Robots représente les ingrédients. C’est comme quelqu’un de brisé qui a besoin de se faire réparer. On prend tous les morceaux, on les met sur la table et on les remet en place, dit-il avant de discuter plus tard de l’aspect musical de la chanson: «Turn Into the Noise a été inspirée du hip-hop et du r’n’b. Quand t’as un kick et snare comme ça, il y a beaucoup plus de place pour la voix, précise Patrick. Ça ne sonne ni comme une ballade ni comme une chanson au rythme rapide, c’est quelque part au milieu. Ça laisse plus de place à mon chant sans que j’aie à faire des « ooooh » tout le temps.»

Les robots du titre, eux, font référence à des mécanismes innés chez nous qui provoquent certains gestes. Patrick s’est posé des questions à savoir si les choses que l’on fait parfois ne seraient pas un peu mécaniques. «L’exemple que j’utilise est celui-ci: s’il y a 20 ans, tu as vécu quelque chose d’étrange et à ce moment tu as aperçu un parapluie jaune, 20 ans plus tard, si tu vois un parapluie jaune et que tu te sens tout à l’envers et que tu ne sais pas trop pourquoi, tu pourrais probablement argumenter que ta réponse émotionnelle est un peu mécanique. Je ne dis pas que tes émotions ne sont pas correctes, mais il faut être vigilant. Parfois, les émotions ne sont qu’une réponse mécanique à la suite de choses qui se sont passées et elles sortent de façon étrange.»

Parlant de mécanismes, les membres du groupe ont dû s’ajuster, repenser au langage musical établi après le départ de l’excellent Simon Angell et l’arrivée du tout aussi excellent Joe Grass, qui a gravité longtemps autour de la famille Watson avant de se joindre officiellement à la troupe.

«Après 15 ans ensemble, changer un quart de la formation a donné au groupe une occasion d’avoir un nouveau départ, comme si c’était notre premier album. Ça nous a aidés parce que tout le monde s’était installé dans son propre rôle dans le groupe. Quand tu changes un rôle, tout le monde doit prendre de nouveaux rôles», explique Patrick, avant de mentionner que Joe étant aussi chanteur, l’ajout de son support vocal lui permet de jouer moins du piano.

Lors des quelques concerts intimes que Patrick Watson a donnés récemment afin de présenter au public québécois les chansons de Love Songs for Robots, on a constaté que le nouveau matériel a déjà conquis le cœur des fans. La réputation du groupe, tant sur disque que sur scène, n’est clairement plus à faire. À force de s’acharner à donner le meilleur de lui, à être un «people’s band», comme dit Patrick, le groupe jouit aujourd’hui d’un beau succès et en est très fier.

«Ça a été énormément de travail et de sacrifices, dit Robbie. Où on est maintenant, j’en suis vraiment fier parce que je pense qu’on le mérite. On se donne à 100 000% quand on va sur scène et on adore ça d’amour, tous. On est amoureux de la musique comme ça se peut pas et on va faire ça toute notre vie.» 

Love Songs for Robots (Secret City Records) Sortie le 12 mai

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