Walter Boudreau : Dans l’asile poétique de Gauvreau
Walter Boudreau n’a pas beaucoup changé depuis ses années infoniaques, et avec un Prix du Gouverneur général en poche, le voilà qui nous invite à l’asile pour partager avec nous ses obsessions!
Walter Boudreau a pris le devant de la scène au Québec à travers l’Infonie, un groupe qu’il cofondait en 1968 avec son ami Raôul Duguay (entre autres) et qui a été un phare pour les musiques de création d’ici. Vingt ans plus tard, on lui confiait la direction artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), un poste qu’il occupe toujours aujourd’hui et qui lui a permis de mettre sur pied de nombreux projets, tous plus fous les uns que les autres (pensons à la Symphonie du millénaire et à ses 40 000 spectateurs, ou au festival Montréal/Nouvelles Musiques, dont la dernière édition a attiré plus de 25 000 personnes).
Pour dire à quel point l’homme sort du lot, il suffit de penser que c’est lui que l’Orchestre symphonique de Toronto (OST) choisissait comme compositeur en résidence entre 1990 et 1992. Boudreau venait de commencer à la SMCQ, mais le saxophoniste-compositeur-directeur avait déjà l’habitude des bouchées doubles! «Ça a été un geste de bravoure de la part de l’orchestre de donner ce poste à un Québécois, commente-t-il. On imagine mal l’OSM offrir un poste de ce genre à un Torontois!» Boudreau a composé trois œuvres pour l’OST à cette époque, mais on a malheureusement trop peu l’occasion d’entendre sa musique symphonique chez nous, d’autant plus que la situation de la musique d’aujourd’hui n’est guère enviable par les temps qui courent… «On parle un peu de moi ces jours-ci, parce que j’ai reçu le Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, ce qui est magnifique, mais il y a de moins en moins de rayonnement pour ce que nous faisons… Il y a une certaine unanimité pour dire que j’ai écrit un très beau concerto de piano pour Alain Lefèvre, une pièce qui fait le lien entre la tradition romantique et la musique contemporaine et qui s’est attirée des ovations deux fois à l’OSM et deux fois à l’OSQ; Analekta voudrait bien l’enregistrer, mais on ne trouve pas d’orchestre canadien pour le faire! Enfin… on y travaille!»
Boudreau n’est pas du genre à se laisser abattre: «Je me bats depuis que j’ai ouvert les yeux contre le principe d’inertie, c’est-à-dire que si on veut que les choses bougent, il faut dépenser de l’énergie!» Ces dernières années, le compositeur a fait tandem avec un interprète de choix pour faire bouger les choses: «Tout ça a commencé lorsque Lorraine Pintal m’a demandé d’écrire une valse pour sa mise en scène de la pièce de Claude Gauvreau L’asile de la pureté [présenté au TNM en 2004]. J’ai reçu le Masque de la meilleure musique de scène pour mon travail dans cette pièce, et aussi le prix du public des abonnés du TNM! Alain Lefèvre a assisté à une représentation et il m’a demandé une version pour piano de la Valse de l’asile, qu’il a endisquée et qui a connu un grand succès. Nous sommes devenus de bons amis, et il m’a demandé de lui écrire un concerto.»
Le Concerto de l’asile, créé en janvier 2013 à l’OSM, se rappellera à notre bon souvenir à l’occasion du prochain concert de la SMCQ. Boudreau explique: «La soirée débutera par le prélude de L’asile de la pureté (2003), avec le chœur Mruta Mertsi, dirigé par André Pappathomas. Le comédien François Papineau donnera un extrait de La charge de l’orignal épormyable, une autre pièce de Gauvreau, qui donne son titre au troisième mouvement de mon concerto, dont on va entendre la version pour deux pianos (Alain Lefèvre et Matthieu Fortin). On n’aura pas les feux d’artifice de l’orchestration, mais au contraire, on ira à l’essentiel. Claude Gauvreau sera présent en vidéo, à travers sa participation à la Nuit de la poésie de 1970, qui avait été un véritable triomphe pour lui [et où Walter Boudreau et l’Infonie avaient partagé la scène avec le poète]. Et bien sûr, Alain jouera la Valse.»
Le jour du concert, la SMCQ signera aussi un protocole d’entente de trois ans avec la Commission scolaire de Montréal pour les activités de son volet jeune public, une autre des réalisations que Boudreau brandit avec fierté: «On met beaucoup d’énergie depuis 15 ans dans la SMCQ-Jeunesse, parce que c’est là qu’est notre public de demain, et ça marche!»
Le 30 mai, le chef participera au Gala des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle au Centre national des Arts en recevant officiellement son prix, bien sûr, mais surtout en dirigeant l’orchestre du CNA et Alain Lefèvre dans une nouvelle orchestration de la Valse de l’asile. Après ça, il fera ce qu’il sait faire de mieux, soit concocter un autre projet complètement fou pour le 375e anniversaire de Montréal, en 2017!
Une soirée à l’asile, le 20 mai, 19h, salle Pierre-Mercure
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Walter Boudreau le visionnaire
Compositeur, chef d’orchestre et guerrier de la musique contemporaine, Walter Boudreau recevra le Prix du Gouverneur général pour son énorme contribution aux arts du spectacle dans la catégorie musique classique lors d’un gala le 30 mai au Centre national des Arts à Ottawa. Ces dernières années ont été fastes en honneurs pour l’artiste visionnaire né en 1947. Il est membre de l’Ordre du Canada depuis l’année dernière et a été nommé Chevalier de l’Ordre national du Québec en 2013. M. Boudreau a dirigé, entre autres, l’Orchestre du Centre national des Arts à Ottawa et l’Orchestre Métropolitain de Montréal. Il a souvent bonifié ses créations d’un aspect participatif ou collectif tout au long de sa carrière, notamment en fondant le groupe de 33 musiciens l’Infonie en 1968, lors de sa Symphonie du millénaire – en 2000 – réunissant 19 compositeurs pour 333 musiciens et 2000 carillonneurs ou encore au concert Le téléphone bien tempéré en 2011 au cours duquel les spectateurs étaient conviés à utiliser leur sonnerie de cellulaire. Depuis maintenant 27 ans, il porte fièrement les couleurs de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) en tant que directeur artistique et pour laquelle il a lancé un volet jeunesse en 1997. (V. Thérien)