Dan Deacon: L'art de se compliquer la vie
Musique

Dan Deacon: L’art de se compliquer la vie

Dan Deacon est de retour avec un nouvel album et un nouveau spectacle à la démesure mesurée.

Pour Dan Deacon, la simplicité, ce n’est pas trop son truc. Le multi-instrumentiste (clavier, trombone, tuba…) aime bricoler certains de ses instruments ou nombreuses machines quand ce n’est pas son bus de tournée fonctionnant à l’huile et autres matières recyclées… celui qui est aussi arrangeur/compositeur de trames sonores, d’œuvres classiques ou électro-acoustiques est connu pour aimer se compliquer la vie.

Depuis quelques années, le natif de la banlieue de Long Island au pedigree et au cursus académique impressionnant s’était consacré à la création d’oeuvres pour musique contemporaine, orchestres de chambre et autres projets similaires, une approche stylistique et créatrice qui influença beaucoup ses albums Bromst (2009) et America (2012). Pour ce dernier opus, Dan Deacon s’était entouré d’une trentaine de musiciens et d’une bonne vingtaine qui le suivit sur la route. Trop excessif ou ambitieux? Pour ce professeur Tournesol de l’indie électro expérimentale inclassable, cette dernière tournée l’a laissé un peu épuisé. C’est pourquoi il a choisi de faire les choses plus simplement pour son tout récent Gliss Riffer. «J’ai réalisé que je vivais sur l’adrénaline, sur le stress et j’ai commencé à angoisser un peu trop avec tout ça, à être confus», commente Dan Deacon capté quelque part en Colombie-Britannique. «Quand je me suis mis à l’écriture de mon nouvel album, je pensais aux arrangements, à ce que je pourrais ajouter et tout d’un coup j’ai réalisé que ce que je créais sur mon ordi ou avec quelques instruments acoustiques était très bien comme ça et que je n’avais pas besoin d’en faire davantage».

https://www.youtube.com/watch?v=kK-1axSGkXc

Il est nécessaire de relativiser ici. Ce qui est simple pour Dan Deacon est souvent pas mal plus complexe pour le musicien lambda. Hormis la pièce When I Was Done Dying qui est plus calme et aérée – et la préférée de Deacon sur le disque, le reste de Gliss Riffer est un joyeux foutoir de sept chansons indie-électro patraques aux sonorités souvent étranges, aux rythmes épileptiques et aux voix trafiquées. Les fans de la première heure ont vu en cet album un certain parallèle avec le populaire Spiderman of the Rings de 2007. Un avis que ne partage pas nécessairement le principal intéressé mais qu’il dit comprendre puisque ce nouvel effort s’éloigne de ses incartades classico-contemporaines pour une approche plus pop dans la forme et la structure. «Je pense que la grosse différence est au niveau des voix», précise Deacon. «J’ai réalisé après avoir connu quelques problèmes de voix que je ne pourrais probablement pas chanter comme je le fais aujourd’hui pour bien longtemps encore. C’est pourquoi j’ai décidé d’en profiter pendant qu’il est encore temps». Précisons que toutes les voix que vous entendez sur Gliss Riffer sont celles de Deacon, même celle toute féminine qui agrémente entre autres la première pièce du disque, Feel The Lightning.

La révolution ne sera pas télévisée

Basé à Baltimore depuis quelques années, la discussion avec ce polyvalent touche à tout bifurqua immanquablement vers les récents troubles qu’a connu la ville du Maryland. À ce sujet, Dan Deacon en avait long à dire. Alors on résume: «Les troubles qui ont secoué Baltimore n’ont pas été simplement déclenchés par la mort d’un homme mais bien par des années d’oppressions et il est impératif que des changements aient lieu. Il y a un clivage au sein de cette ville. Il y a deux Baltimore: un blanc et un afro-américain. Un généralement plus aisé et un plus pauvre. Ce qu’on souhaite, c’est qu’il n’y ait plus de ségrégation, qu’on ait qu’un seul Baltimore. Il est de mon devoir d’aider les gens et cette ville à y parvenir», insiste Dan Deacon. «Ce que j’ai trouvé difficile, c’est d’assister à ce qui se déroule là-bas à distance, de voir à quel point les médias ne s’intéressaient qu’à la violence, la casse, les émeutes et non à l’essentiel du problème. C’est ça que la grande majorité des Américains voient et c’est ce qu’ultimement le gouvernement veut qu’ils voient et croient. La meilleure couverture des événements de Baltimore ne passe pas par les médias de masse, elle passe par les médias alternatifs et les réseaux sociaux. C’était la même chose avec ce qui s’est passé à Montréal. Ceux de l’extérieur de la ville qui voyaient la couverture des événements telle que traitée par les médias traditionnels étaient plus souvent qu’autrement induits en erreur et c’est ce que veulent ceux qui nous gouvernent, car plus souvent qu’autrement, tous ces médias marchent main dans la main avec les gens au pouvoir. Mais la roue tourne et ils ne pourront pas empêcher les choses de changer. C’est en train de se passer et ça ne va pas cesser!».

Dan Deacon présentera plusieurs de ses nouvelles chansons sur scène seul avec ses machines et ensuite accompagné de quelques musiciens.

En spectacle le 21 mai au Théâtre Fairmount avec Prince Rama et Ben O’Brien

dandeacon.com