Quatuor Molinari / Chostakovitch : Audacité intégrale
Le Quatuor Molinari consacre ses prochains concerts-marathons à l’important compositeur russe du 20e siècle Dimitri Chostakovitch.
«Il avait un côté super émotionnel, mais, en même temps, c’était un méga nerd!», lance Frédéric Lambert à propos du grand Dimitri Chostakovitch. L’altiste et ses trois collègues du Quatuor Molinari offriront l’intégrale des quatuors à cordes du compositeur russe lors de leurs prochains concerts-marathons – en plus de conférences, tables rondes et dialogues.
«C’est environ huit heures de musique. Ça fait cinq ans qu’on est sur ce projet. On l’a monté à petites doses. On montait au moins trois quatuors par année et on les jouait à différentes occasions puis on les laissait reposer», précise Frédéric.
Le Quatuor Molinari a enregistré dans le passé du Schnittke et a sorti en début 2015 un disque autour des œuvres de Gubaidulina. Maintenant, place au maître.
«Ces compositeurs étaient tous des collègues et surtout des étudiants de Chostakovitch. Donc, c’est un peu le parrain de la chambre de musique russe. Ce monsieur a vraiment innové là-dessus.»
En discutant de quelques moments plus sombres des quatuors à cordes 11 et 15, Frédéric mentionne que le Quatuor Molinari jouera tout ça en suivant à la lettre les instructions du compositeur et les tempos qui sont indiqués pour chaque mouvement. «Le quatuor 15, c’est vraiment lourd, c’est la mort. C’était vers la fin de sa vie [en 1974]. Sur les partitions, il demande que les musiciens jouent les pièces dans le noir avec des chandelles, ce qu’on va faire d’ailleurs en concert. C’est ça un peu le but de l’expérience. On veut offrir aux gens une immersion qui est le plus près du texte.»
Dimitri Chostakovitch a œuvré dans une URSS communiste au 20e siècle, sous Staline, entre autres. Artistiquement, la tâche était extrêmement difficile, mais il prenait quand même des risques, explique Frédéric. «Il était à la merci de son gouvernement. Il était obligé de faire de la musique patriotique. Il le faisait, mais toujours avec une pointe d’ironie; il se moquait beaucoup de la tradition russe en donnant des sons plus sales à ses compositions. À cause de ça, il était toujours nerveux lors des premières représentations. Parfois, le gouvernement était très fâché après lui.»
Si Chostakovitch démontrait beaucoup d’audace malgré les contraintes du climat politique en URSS, Frédéric Lambert y voit là un lien à faire avec l’époque dans laquelle on vit. Il explique: «Aujourd’hui, on est dans les débuts de l’austérité, on la vit de façon très économique. Mais l’austérité culturelle, au-delà d’avoir des moyens, c’est aussi dans l’expression. Des fois, je trouve que les artistes de nos jours sont en mode survie. On commence à jouer des trucs qui ne représentent pas notre art ou notre esthétique, mais on le fait parce qu’on a besoin d’argent. Pour moi, ça, c’est un début d’austérité. On s’en rend pas compte, mais culturellement, c’est en train de se faire, tranquillement.»
Le Quatuor selon Chostakovitch /
Concerts et conférences du 27 au 30 mai au Conservatoire de musique de Montréal /