Festival d'opéra de Québec 2015 / Robert Lepage : L'amour de loin arrive enfin!
Musique

Festival d’opéra de Québec 2015 / Robert Lepage : L’amour de loin arrive enfin!

On ne s’étonne pas lorsque Robert Lepage dit qu’il ne prend pas de vacances cette année… On se réjouit seulement qu’il soit à Québec pour nous offrir une nouvelle mise en scène!

Je parle à Robert Lepage juste avant son départ pour la première mondiale, à Toronto, de son nouveau spectacle 887, une œuvre dont il a écrit le texte, réalisé la mise en scène et qu’il interprète seul. Un travail bien différent de celui que demande la mise en scène d’opéra: «J’aime bien travailler sur une œuvre qui est très encadrée, explique-t-il. Quand on monte une pièce de théâtre, on passe beaucoup de temps à décortiquer les motivations psychologiques. À l’opéra, ces choses-là sont indiquées dans la musique, alors on travaille plus vite, plus en profondeur.» 

L’amour de loin est sa quatrième collaboration avec le Festival d’opéra de Québec et son travail contribue largement à faire rayonner l’organisation, comme le remarque le directeur général et artistique de l’Opéra de Québec, Grégoire Legendre: «Il y a une tendance mondiale qui a forcé de nombreuses compagnies à réduire leurs activités, ou même à fermer leurs portes, tandis que chez nous, depuis cinq ans, on a maintenu nos activités régulières et on a même ajouté un festival! Ça nous ouvre beaucoup de portes à l’international, mais aussi dans notre propre communauté.»

Grégoire Legendre (Courtoisie: Festival d'opéra de Québec)
Grégoire Legendre (Courtoisie: Festival d’opéra de Québec)

Robert Lepage a bien failli travailler à la création de L’amour de loin il y a quinze ans: «Je n’étais pas familier avec le travail de Kaija Saariaho, et j’étais en tournée avec La face cachée de la lune à ce moment-là, alors ce n’est pas par snobisme que j’ai refusé, mais simplement parce que je n’avais pas le temps. J’ai vu par la suite que c’est devenu une œuvre phare qui a fait entrer l’art lyrique dans le 21e siècle, et la production de Peter Sellars à l’époque était très audacieuse…» Il ajoute en éclatant de rire: «Mais je crois que nous faisons mieux! Alors j’essaie un peu de me racheter.»

On sait l’importance de la scénographie dans le travail de Lepage, le décor étant souvent élevé au rang de personnage, et ce concept prend tout son sens à l’opéra: «C’est la grande discipline rassembleuse, où l’on trouve la musique, le théâtre, la littérature, la chorégraphie, l’architecture… Il y a même parfois du cirque! La musique est l’élément déclencheur des images, mais les images nous aident à mieux entendre la musique.» Dans L’amour de loin, les deux personnages principaux sont séparés par la mer, un élément déterminant que le metteur en scène, connu pour utiliser à son maximum l’espace scénique, a intégré avec brio: «Bien sûr, avec la thématique de la traversée en mer, l’horizontalité a son importance, sauf qu’il y a aussi une structure motorisée qui amène de la verticalité dans le plan d’ensemble.» La thématique a aussi des effets sur la musique: «Elle symbolise l’étalement de la mer, alors il y a des changements d’humeur, mais on est dans un flot continu, qui devient très envoûtant; le résultat est très contemplatif.»

L'amour de loin (Crédit: Josiane Roberge et Daniel Richard)
L’amour de loin (Crédit: Josiane Roberge et Daniel Richard)

Le metteur en scène a été appuyé dans son travail par Michael Curry («On avait besoin d’un tel collaborateur, spécialiste de la cinétique, pour trouver une façon d’articuler ce qui n’est pas « articulable », en l’occurrence: la mer»), Lionel Arnould («Qui fait un travail remarquable et qui a programmé les 28 000 lumières LED») et Kevin Adams («Un grand éclairagiste de Broadway qui fait un travail magnifique sur le plan des couleurs»). Présentée en primeur à Québec, l’œuvre est une coproduction avec le Metropolitan Opera, et on pourra la revoir à New York en 2016-2017. «J’essaie de montrer au public tout ce qu’il est possible de faire à l’opéra, explique Grégoire Legendre, alors on passe de plus populaire, avec la Brigade lyrique dans les espaces publics, à l’opéra contemporain à la fine pointe de la technologie, avec Robert Lepage.» Il est réjouissant que le festival connaisse un tel succès avec des productions qui pourraient sembler difficiles d’accès. Le directeur en rajoute: «Si on n’innove pas d’une année à l’autre, si on ne réussit pas à faire grandir le festival, ce sera un recul; on est parti très fort, mais il faut aller encore plus fort!»

Cette production à Québec est l’occasion de travailler avec des chanteurs canadiens: le baryton Phillip Addis et la soprano Erin Wall, qui ont déjà chanté les rôles principaux. Lepage ajoute: «Et qui chantent cet opéra en français! Pour diriger les chanteurs, quand c’est ta langue maternelle, tu comprends mieux les nuances du texte, et celui d’Amin Maalouf est tellement magnifique! C’est l’un des grands poètes de notre époque.» Bref, une rencontre au sommet à ne pas rater!

 

Les 30 juillet, 1er, 3 et 5 août à 20h

Grand Théâtre de Québec

(Dans le cadre du Festival d’opéra de Québec)