Kid Koala : faire sauter l’aiguille
Ce serait le pire euphémisme que de dire que la réputation de Kid Koala n’est plus à faire. Après avoir grafigné des centaines de vinyles en aiguisant son art de la table tournante, le vancouverois d’origine a participé à de très nombreux projets tous plus prolifiques les uns que les autres. Entre le légendaire premier album de Deltron 3030 (où il collabore avec Dan The Automator et Del The Funky Homosapien) jusqu’à leur récent deuxième opus, il a entre autres suivi Radiohead en tournée, lancé le projet The Slew, dessiné et écrit deux bandes dessinées et collaboré à diverses trames sonores de films.
À travers tout ce travail extensif, il a eu le temps d’élever une petite famille et de s’installer dans un grand appartement de Rosemont, dans lequel il a également établi son studio ainsi qu’un énorme hangar servant à l’élaboration et aux pratiques de Nufonia Must Fall : Live, une version théâtrale/cinématique/musicale de sa bande dessinée Nufonia Must Fall. C’est dans cet endroit extrêmement inspirant qu’il m’a reçu le temps de quelques questions (en fait, nous avons jasé plus d’une heure) concernant ses derniers projets, ainsi que sa présence au FME 2015 du dimanche 6 septembre, où il livrera un Dj set entre deux vols internationaux.
Kid Koala – 8 bit Blues (Chicago to LA to NY)
Bien qu’il soit issu de la scène du DJing, Eric San a besoin aujourd’hui d’équilibrer ses projets : « Je suis embarqué dans de nombreux projets qui sont sur le long-terme, ce qui est horrible avec la durée de l’attention que les gens ont pour quoi que ce soit aujourd’hui. […] Mais je ne m’en fais pas trop avec ça. Je suis chanceux d’être au point où il y a un public pour les trucs que je fais avec mon équipe (Nufonia). Ce n’est pas une histoire de conquérir le monde, aujourd’hui je veux juste faire ce dont j’ai envie. Ça peut avoir l’air égocentrique, mais ce n’est pas le cas. […] J’ai réalisé après un bout de temps que je devais m’investir dans de nouveaux projets artistiques, parce qu’avant j’étais complètement seul. Moi, un sac de vinyles et un mixeur. […] Maintenant il y a la famille, les enfants, des choses que je ne veux pas manquer. J’essaie donc de créer de nouveaux projets qui me permettent d’être là. »
Il n’en est toutefois pas au point où il quittera le monde du DJing. À peine de retour d’Espagne, il adore encore se promener partout dans le monde pour livrer des performances en solo. Il en fait d’ailleurs une analogie intéressante : « Je rapporte le monde du DJ à l’écoute d’un film d’action. Parfois, tu veux juste voir des gens qui conduisent des voitures rapides, des explosions, des mouvements de kung-fu. C’est un peu la même énergie, c’est très viscéral, une expérience bourrée d’adrénaline. La musique est forte, c’est rapide, les coupures se font vite, c’est excitant. Mais j’ai dû faire 2 000 concerts de ce style. Ce serait comme une retraite si j’arrêtais, l’adrénaline me manquerait. Mais en vieillissant, j’ai décidé d’équilibrer ça avec d’autres types de projets. Si tu me donnes 10 billets de cinéma, tu peux être certain que ce ne seront pas dix films d’action. »
Kid Koala en concert à Austin, Texas
Malgré le statut presque légendaire dont il jouit maintenant, Kid Koala considère qu’il n’a jamais cessé d’apprendre tout au long de sa carrière. Il sait s’inspirer de tout ce qu’il entend, de tout ce qu’il voit ainsi que des artistes qui l’entourent. Il m’a longuement entretenu de la tournée où il a accompagné les Beastie Boys et Money Mark, leur claviériste. Lui et Mark allaient souvent faire de plus petites performances dans des bars des environs après les concerts d’arénas. Il se souvient encore vivement d’avoir vu Money Mark jouer des pièces très intenses puis retomber dans de longues ballades qui menaient l’audience aux larmes : « C’était magnifique. C’était lourd. Pas dans un mauvais sens, mais c’était lourd. Et c’était surprenant pour les gens qui étaient là pour faire le party. Tout d’un coup, ils vivaient du vrai. Depuis cette tournée, je me demandais constamment si je pouvais faire ça dans un set. […] C’est en discutant avec Money Mark à propos des dynamiques d’un concert que j’ai réussi à devenir assez brave pour tenter de placer des morceaux comme Moon River en live. »
Kid Koala – Moon River en concert
Lorsque le sujet de sa performance au FME a été abordé, Eric s’est montré confiant du fait que l’emplacement ainsi que la programmation « champ gauche» du festival allaient probablement donner lieu à quelque chose d’unique : « Tout est une question de raconter une histoire. Ça l’a toujours été. Quand tu prépares un set, tu prépares une histoire. […] Mes sets changent constamment selon l’ambiance, à la manière d’un organisme vivant. Quand je suis dans le club avec la foule devant moi, qu’il est trois heures du matin et que tout le monde commence à s’endormir, j’y vais parfois plus doucement, mais il m’arrive aussi de leur en mettre plein la gueule! […] À Londres, j’étais dans un boat party. L’heure avançait et j’ai décidé de mettre My Heart Will Go On, de Céline Dion. Parce que, bon, on était sur un bateau. Je n’avais aucune idée de comment les gens réagiraient. Le public est devenu FOU! Les gens criaient ‘‘Je suis le roi du monde!’’ et couraient à l’avant du bateau pour recréer la fameuse scène… C’est des moments comme ça qu’on ne prévoit pas et qui donnent certaines des meilleurs soirées. […] J’adore l’effet de surprise, si je peux avoir un seul instant où les gens se disent ‘‘Mais qu’est-ce qui se passe en ce moment?’’, ma mission est accomplie. »
Photo : Getty Images
Pour ce qui est du futur plus lointain, Kid Koala n’est pas sur le point de prendre des vacances. Il y a deux nouveaux albums qui s’en viennent sous ce pseudonyme : « Ils sont pratiquement finis. Le premier, c’est Music To Draw To, qui est fortement inspiré de ce que j’écoute quand je dessine, de l’électronique très lent et épuré. C’est réellement un album d’hiver. Je n’ai même pas l’intention de le distribuer où la neige ne tombe pas! De l’autre côté, j’ai un album chaud qui est également presque prêt. Celui-là, c’est plutôt basé sur du swing, beaucoup plus rapide, plus hip-hop. C’est toujours une question d’équilibre, tu sais? » Il m’a également confié qu’il lancerait sous peu un nouvel album avec le projet The Slew, un disque qui est extrêmement attendu depuis 100%, sorti en 2009.
Quoiqu’il en soit, si vous êtes à Rouyn-Noranda ce week-end pour le FME, ne manquez surtout pas son set du dimanche 6 septembre à minuit, sur la Scène Paramount.