A Place to Bury Strangers : Laboratoire sonore
A Place to Bury Strangers se remet de la douloureuse gestation de son nouvel album dans le bruit et la fureur.
On pourrait blâmer A Place to Bury Strangers de faire un peu toujours la même chose depuis son premier album de 2007, on pourrait facilement l’accuser de suivre d’un peu trop près les premiers pas des bruitistes Jesus & Mary Chain (quand ces derniers faisaient vraiment du bruit), mais ce serait prouver du même coup sa méconnaissance de APTBS. Le trio de New York, mené par le guitariste/chanteur/bricoleur Oliver Ackermann, le bassiste néo-zélandais Dion Lunadon (ex-D4) et le batteur Robi Gonzalez, s’évertue à créer une musique qui se veut tout sauf statique; une musique vivante, en mouvement, quelquefois incontrôlable, souvent improvisée, sans réelles balises. Son quatrième effort, Transfixiation, paru en février 2015, que la formation viendra en partie présenter à La Sala Rossa, donne une petite idée de la folie qui anime le groupe sur scène. «On tournait pas mal sans arrêt depuis deux ans, la synergie du groupe était vraiment bonne, donc on avait envie de faire un album qui puisse capturer toute la folie et les dérapages de nos spectacles», précise Oliver Ackermann, joint alors que le groupe donnait une série de concerts sur la côte Ouest. «Ça, c’était l’idée de départ pour ce disque, mais quand on s’est mis à l’enregistrer, ça devenait de plus en plus difficile et à un certain moment, on a dû prendre une pause. Donc cet arrêt momentané a donné lieu à un autre type d’enregistrement. Ce qui fait qu’au final, il y a deux côtés à ce disque. Il y a l’aspect fou et imprévisible de nos concerts et un autre plus lourd qui reflète notre quasi-point de non-retour, là où on a failli arrêter le groupe».
Heureux accidents
APTBS est une sorte de laboratoire sonore dans lequel le groupe explore avec toutes sortes d’appareils, de pédales et autres gadgets. Lors d’un concert explosif au CMJ de New York l’année dernière, le trio, qui s’était installé complètement à l’arrière de la salle plutôt que sur scène, était entouré de fils qui sortaient d’une vieille console de son pour entrer dans une série de pédales, d’amplis massacrés et d’instruments déglingués, le tout éclairé par les lents flashs d’un puissant stroboscope. «Pour ce concert, j’ai utilisé un vieux 4 pistes à cassette et, de temps en temps, j’enregistrais ce qu’on faisait pour ensuite changer la cassette de côté et faire jouer l’enregistrement à l’envers. On fait des trucs comme ça souvent. Je trouve que ça ajoute une sorte d’esthétisme, des fois pour le meilleur, d’autres fois pour le pire», détaille Ackermann. «Nous aimons que ce soit extrême, irrationnel, opérer des changements radicaux dans le son, en direct, comme on le sent. Pour nous, ç’a du sens. C’est comme ça que tu arrives à découvrir les sons les plus cool, comme si c’était une force qui te faisait créer quelque chose que tu n’aurais jamais songé. Ça te permet de changer ton esthétique sonore et ça t’emmène sur autre chose.»
On l’aura compris, les APTBS ne sont pas des créateurs de chansons selon les standards, mais plutôt une bande de bruitistes explorateurs, de savants fous. «Sur scène, il faut apprendre à travailler avec ce que tu as. On utilise toute une gamme de pédales à effet qu’on bricole nous-mêmes et des amplificateurs qu’on trafique et qui nous permettent d’obtenir des sons perçants, de très basses fréquences et toutes sortes d’autres effets», explique le créateur des fameuses pédales Death by Audio. «Nous jouons tellement fort et poussons tellement à bout nos amplificateurs et nos instruments que quelquefois on dirait qu’ils ont une âme et qu’on en perd le contrôle. Tu dois donc tenter de contenir ou maîtriser ces dérapages. J’en ai assez de voir ces groupes qui sonnent exactement comme sur leur album, tout propres et prévisibles. Ça m’ennuie rapidement», déplore le leader de la formation qui admet ne jamais prévoir ce que le groupe va jouer en concert. «J’aime quand il y a de la spontanéité, quand quelque chose d’excitant se passe. C’est pour ça qu’on essaye tout le temps de faire quelque chose qu’on n’a jamais essayé auparavant.»
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En concert à La Sala Rossa le 6 octobre à 21h