ès TRAD, QETL / Michel Faubert : Écarter le rideau des ombres
En amont de son passage en ville à l’occasion du festival littéraire Québec en toutes lettres et des Rendez-vous ès TRAD, Michel Faubert rappelle comment une partie de notre folklore a toujours eu quelque chose de profondément… fucké!
«Ben des gens pensent que j’aime toutes sortes d’affaires qui n’ont pas de rapport ensemble, mais c’est pas vrai», lance un Michel Faubert, plus amusé qu’agacé, au terme d’une conversation au cours de laquelle nous discutons, oui, de trad, mais aussi de culture punk et de cette marge avec laquelle il a beaucoup frayé. Les deux prétextes de notre jasette posent les balises de ces constants allers-retours que mène le chanteur/conteur entre revalorisation d’un répertoire en passe de sombrer dans l’oubli et transplantation de ce même répertoire au cœur d’ateliers valorisant davantage l’exploration.
Dans Mémoire maudite, album paru en 2013 et spectacle présenté pendant les Rendez-vous ès TRAD, le plus bellement nasillard de nos chanteurs renoue avec ce tragique art de la complainte grâce auquel il surgissait sur la scène il y a 20 ans à la barre de son premier disque, lui intitulé Maudite mémoire.
Dans Parlures et parjures, qui inaugure le festival littéraire Québec en toutes lettres, Faubert débite quelques-uns de ses contes et des poèmes de Miron (entre autres) pendant que le compositeur et saxophoniste Pierre Labbé ourdit en compagnie des pointures de la musique actuelle Bernard Falaise (guitare électrique) et Pierre Tanguay (percussions) des élucubrations mêlant free jazz, rock et musique électronique.
D’aucuns concevraient ce double emploi comme un écartèlement. Lui ne voit que recoupements, que cohérence. Tout se tient, insiste-t-il, en suggérant que Parlures et parjures, certes la proposition le plus déstabilisante des deux dans sa facture, est peut-être moins profondément fucké que Mémoire maudite, un tour de chant pourtant assez… traditionnel!
«Les complaintes que je collecte depuis des années et qui se retrouvent dans Mémoire maudite, on ne les chantait pas en public, on les chantait dans le privé, pour soi-même, les femmes en travaillant au métier à tisser, les hommes en travaillant au champ. On est dans une sorte de tradition du silence, de transmission underground, parce que ces chansons-là abordent des thèmes nocturnes et dramatiques, souvent cauchemardesques. Ça parle beaucoup de cette chose qui m’a longtemps fait énormément peur, la mort. Enfant, j’avais tout le temps peur que mes parents meurent. C’est comme si j’avais voulu apprivoiser la bibitte en la chantant, comme si j’avais voulu écarter le rideau des ombres pour voir ce qu’il y avait de l’autre bord.»
Toute est dans toute?
Michel Faubert n’a donc jamais entretenu de gêne à l’idée d’entrechoquer tradition et musiques marginales, comme il le fait dans Parlures et parjures, sans doute parce que les cousinages entre ces deux mondes lui sont toujours apparus comme autant d’éclatantes évidences.
«Mon livre de chevet a longtemps été le Manuel de la petite littérature du Québec. Victor-Lévy Beaulieu recense là-dedans des personnages capotés, ça parle de meurtres, d’apparitions. Il y avait des histoires comme celle de Marie-Rose Ferron, une femme épouvantablement religieuse, une martyre stigmatisée, qui croyait dans ses délires porter les marques de la crucifixion. Je lisais ça et je pensais à Stigmata Martyr de Bauhaus [mythique groupe goth rock britannique que vénère Faubert]. C’est un univers qui ressemblait plus au punk et à la cold wave que j’écoutais qu’à la musique traditionnelle qu’on valorisait dans les années 1970 et 80, qui, elle, était beaucoup tournée vers les chansons à boire. Joy Division et les complaintes a cappella que je chante, pour moi, c’est proche.»
Parlures et parjures
Le 8 octobre à 20h à la Coopérative Méduse
(À l’occasion du Festival littéraire Québec en toutes lettres)
Mémoire maudite
Le 10 octobre à 20h aux Voûtes de la Maison Chevalier
(À l’occasion des Rendez-vous ès TRAD)