Destroyer : Baroque and roll
Musique

Destroyer : Baroque and roll

Destroyer reprend la route pour présenter son tout nouvel effort, Poison Season.

Connu pour ne jamais faire le même genre d’album deux fois, Destroyer déploit l’artillerie lourde avec Poison Season. La dixième galette du groupe est une œuvre rock-baroque touffue et ambitieuse, un maelström sonore dans lequel se bouscule cuivres, cordes, pianos, guitares, batterie et le chant toujours un peu détaché de Dan Bejar, l’âme derrière Destroyer. Un disque qui n’est pas facile à décortiquer. «Le titre n’a pas de réelle signification. Je trouvais que ces deux mots mis ensemble sonnaient bien à mes oreilles. J’estime que l’album a quelque chose de sombre et de théâtral et je pense que le titre est de cette nature», décrit Bejar en route pour un concert à Détroit. «Je suis content du résultat. C’est un disque bizarre, un ensemble de chansons un peu sinistres. Il a une portée, une sorte d’ambition dans laquelle je ne me reconnais pas tout à fait mais ça me plaît car j’aime bien ne pas me reconnaître. C’est aussi le premier album où je suis le plus près de l’idée que je me fais de moi-même comme chanteur. C’était plus simple cette fois-ci pour l’enregistrement. Peut-être c’était cet énorme studio, le micro hyper cher avec lequel je chantais… Je sais pas… ».

Selon le leader de la formation de Vancouver, Poison Season a été créé en deux étapes bien différentes l’une de l’autre, créant par le fait même un certain écart entre les chansons. «La moitié du disque a été enregistrée avec tout le groupe dans une même grande salle en studio. Je chantais pendant qu’ils jouaient. Ça faisait longtemps que je voulais faire ça, me payer un vrai bon studio où on pourrait tous jouer dans la même pièce et obtenir un son clair, très 70’s. L’autre moitié du disque concerne l’orchestration des cordes qui ont été confiés à des arrangeurs. Ça s’est fait petit à petit, en échangeant des idées et des démos. Ça donne une certaine distance entre les chansons et aussi au sein d’une même chanson. Je trouve que ces tensions sont vraiment cool et c’est ce à quoi je m’attendais. Un arrangeur agit plus comme un musicologue, quelqu’un qui travaille davantage dans les sphères de la musique lithurgique ou d’avant-garde que dans la pop. Je me disais que ce conflit entre deux écoles de pensées serait intéressant. Ce disque c’est le son de tout ce que j’aime en musique, mais tout ça en même temps», relativise Dan Bejar tout en tentant de citer un passage de 8 ½ de Fellini dont il se rappelle à moitié mais qui en quelque sorte justifie sa pensée. «Ça me donne envie de répéter l’expérience, de me salir davantage les mains, de réellement m’asseoir avec différents instruments et voir ce que je peux en tirer au lieu d’être ce genre de Willy Wonka chef de piste détraqué. De toute façon, je suis de moins en moins intéressé par l’orchestration typiquement rock et bien plus par différentes formes d’orchestrations et de musiques même si le rock demeure à la base de Destroyer».

Apprivoiser la scène

Sur la route, Dan Bejar se déplace en compagnie de 7 musiciens, les mêmes avec qui il a enregistré l’album. Guitares, basse, batterie, claviers, cuivres mais pas de cordes. «Je joue avec ces gars-là depuis 2012 et je trouve que ça se passe plutôt bien. On est huit sur scène. Si je devais ajouter les cordes, ce serait ma mort», rigole le chanteur. «Ça voudrait dire qu’on tournerait à 12 ou 13 et ce serait bien trop difficile, il faudrait de toute façon que je vende tout ce que je possède pour y arriver. En plus, je ne suis pas quelqu’un qui tient absolument à reproduire fidèlement sur scène ce qu’il y a sur disque. J’aime déconstruire un peu mes chansons en concert», poursuit Bejar qui avoue se sentir désormais plus à l’aise sur scène. «Je n’ai plus à boire autant pour assurer, j’ai plus confiance. Mais je ne pense pas être vraiment capable d’être moi-même sur scène. Ça m’est arrivé quelques-fois mais c’est rare. Je suis peut-être trop conscient des gens qu’il y a devant moi. Je ne suis pas de ces chanteurs qui peuvent mettre une foule dans leur poche ou complètement l’ignorer. C’est pour ça que je passe la moitié du concert à chanter les yeux fermés».

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En spectacle ce soir, 1er octobre, au Théâtre Fairmount