Charlotte Cardin : Combustion lente
Charlotte Cardin est la chanteuse québécoise à surveiller de près cette année.
C’est difficile de plaire à tout le monde, mais Charlotte Cardin est sur une bonne lancée. Elle plaît à l’œil, on ne s’en cachera pas. Elle fait d’ailleurs du mannequinat depuis l’âge de 15 ans. L’interprète de Ville-Mont-Royal plaît aussi à un gros bassin de fans depuis sa participation à La Voix en 2013, où elle s’est rendue en finale. Mais c’est aujourd’hui, à 21 ans, qu’elle se met vraiment en danger sous le regard du public puisqu’elle commence à dévoiler ses propres compositions.
«C’est plus stressant et beaucoup plus personnel, avoue-t-elle en entrevue dans les bureaux de sa boîte de gérance, Cult Nation. Je sens beaucoup plus que je me dévoile quand je chante mes paroles et quand je parle au public qu’en faisant un photoshoot et où je suis habillée et maquillée en quelqu’un qui n’est pas moi.»
Pour ce qui est de l’aventure télévisuelle, elle est très reconnaissante de son passage puisque son expérience de scène avant La Voix était composée surtout de récitals de chant et de spectacles à l’école durant son adolescence. «Faire La Voix, c’est pas la « vraie vie ». Oui, t’apprends à gérer la télévision et tout, mais y a pas trois millions de personnes qui t’écoutent quand tu fais un show d’habitude. Faire des petites salles, maintenant, avoir un contact avec un public qui est là pour te découvrir, c’est quelque chose que je découvre, c’est vraiment le fun et j’ai l’impression que, finalement, je peux vraiment montrer mon style et ma personnalité sur scène.»
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Et Charlotte est bien consciente que les vrais défis de sa carrière musicale s’en viennent. «C’est complexe parce que, oui, t’as l’avantage d’être connu parce que t’as été à la télé sous les yeux de la moitié du Québec, mais, en même temps, tu sors de là et y a beaucoup de gens qui ont des préjugés: « Tsé, elle est passée par La Voix, elle l’a eu facile »… Je dois me prouver que je peux chanter plus de deux minutes sans danseurs derrière moi, que je suis capable de performer, que je suis une artiste aussi, et pas juste une voix qui fait partie d’une télé-réalité.»
Le temps de se connaître
En 2013, il n’était pas question pour elle de faire des choix de carrière trop vite. Après son passage à la populaire émission, elle a terminé son cégep et a pris son temps pour mieux se connaître. «Je me suis dit que j’allais mettre ça sur la glace, voyager, faire des expériences pour réaliser qui je suis, et qu’après tout ça, je prendrais une décision parce qu’un premier album c’est extrêmement important. C’est de ça que les gens se souviennent.»
Il faut trouver sa propre voix et prendre des risques si l’on veut aussi plaire à un public au-delà de celui de La Voix, à un bassin plus large de mélomanes, et c’est le défi que la jeune interprète se donne cette année. Elle travaille à temps plein sur sa musique depuis mai et a fait quelques spectacles, dont la première partie de Mika à la Place des Arts cet été, à l’invitation du Festival international de jazz de Montréal.
Le premier album complet de Charlotte Cardin devrait sortir à l’automne, mais entre-temps, elle prévoit sortir des extraits au compte-gouttes, comme elle l’a fait avec la pièce pop-jazzée Big Boy et la ballade en français Les échardes. «On devait sortir un EP cet automne, mais finalement, on a décidé de sortir des extraits tout au long de l’année, de continuer à faire des shows et de faire découvrir mon matériel par des vidéos, par exemple, question de garder ça en mouvement», dit la grande fan de Daniel Bélanger et d’Ariane Moffatt.
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À la sortie de Big Boy en juillet dernier, la machine s’est enclenchée et le buzz a bien résonné. Que l’on soit spectateur de TVA ou pas, c’est pratiquement impossible de ne pas tomber sous le charme de ce premier extrait. Avec la voix envoûtante et la touche électro, Big Boy est accrocheur dans toute sa simplicité. Les Échardes, sorti en novembre, a su confirmer notre coup de coeur collectif. Enfin, la voilà, Charlotte Cardin.
Opération séduction
Son gérant, Jason Brando, nous dit que c’est le talent vocal de Charlotte qui l’a jeté par terre de prime abord et que Cult Nation, bien qu’aucunement pressé de trouver un label sur lequel sortir son disque à venir, voit grand avec elle. «On vise avant tout un développement optimal de son immense talent artistique qui encouragera une longue carrière internationale.»
Cult Nation est un choix intéressant pour la jeune compositrice. L’entreprise, fondée l’année dernière, est une agence musicale composée de deux volets: d’un côté, l’équipe produit et développe la carrière d’artistes émergents (comme la chanteuse électropop Iris et le rappeur Husser) et, de l’autre, offre son expertise – composition de musique, postproduction sonore, mix, stratégie musicale, etc. – sous forme de services aux agences de publicité, aux producteurs de contenus et aux marques.
«Les deux unités s’élèvent mutuellement en échangeant des ressources, du talent, explique Jason Brando. D’un côté, notre culture de services se distingue car elle est « ploguée à la source » et, de l’autre, nous pouvons prendre plus de risques sur les artistes grâce à l’indépendance que l’unité de services nous amène. C’est un mariage entre la volonté artistique et celle du service ou du commerce.»
Si on a choisi Charlotte Cardin à la une de notre tout premier magazine, c’est qu’on est tombés sous le charme de Big Boy et qu’on a hâte de la voir évoluer en 2016. Ça aura valu la peine de patienter le temps qu’elle se dévoile. Il est intéressant de noter aussi qu’en choisissant Cult Nation, elle s’associe avec une boîte qui sait comment combler un besoin musical et offrir ses stratégies aux agences publicitaires qui ont besoin de musique «désirable».
Mais le but premier, évidemment, est de faire de la bonne musique et de mettre en valeur les atouts vocaux et compositionnels de Charlotte. Elle veut plaire pour les bonnes raisons. «Quand t’es une artiste de scène, ce n’est pas nécessairement avec ton physique et ton image que tu plais, mais c’est dans ce que tu dégages, dans ta musique. Oui, y a une notion de plaire dans mes deux métiers, le mannequinat et le monde de la musique, mais je suis beaucoup plus à l’aise avec le fait de plaire par mon intellect, mon raisonnement et ma musique, bref, par mon intérieur plutôt que par mon extérieur.»
Nul doute que Charlotte est sur la bonne piste.
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En première partie de Emilie & Ogden, le 20 février à 20h au Club Soda, dans le cadre de Montréal en lumière montrealenlumiere.com