Heart: Une affaire de cœur
Heart, Vancouver, Montréal et la soupe à l’oignon.
L’histoire d’amour entre Heart et le Canada est née d’une autre histoire d’amour. Au début des années 1970, Ann Wilson, chanteuse d’un groupe américain peu connu, s’entiche de Michael Fisher, le frère du guitariste dudit groupe, objecteur de conscience qui a fuit, comme plusieurs autres jeunes américains à l’époque, l’enrôlement forcé pour le Vietnam en trouvant refuge au Canada. Ann plaque tout et rejoint son amoureux dans le coin de Vancouver, ce qui reste de la bande demeure derrière vers Seattle. Puis, un après l’autre, les membres rejoignent le couple et s’installent en Colombie-Britannique où ils redémarrent le groupe. Ils s’appelaient Hocus Pocus puis White Heart, ils ont opté simplement pour Heart.
Nous sommes en 1974. La bande écume depuis quelque temps les bars, salles paroissiales et autres petits lieux de diffusion de l’Ouest canadien jusqu’au jour où Nancy, la petite sœur guitariste de Ann, se décide enfin à les rejoindre. À partir de là, les choses s’accélèrent. Le groupe, mené par deux talentueuses jolies filles attire vite l’attention avec son mélange de hard-rock, de folk et la puissante voix d’Ann. «On a signé une entente avec une étiquette de disque canadienne et on a enregistré Dreamboat Annie, notre premier album, dans les studios du label à Vancouver. Ann a vécu là pendant aisément huit ans. J’y ai habité environ trois ans», relate Nancy Wilson, rejoint alors qu’elle entame une énième tournée canadienne avec Heart, cette fois-ci en compagnie de Joan Jett qui assure la première partie. «On a beaucoup roulé à l’époque dans notre petite fourgonnette, comme tous les groupes. Des heures et des heures de route pour jouer devant quelques centaines de personnes, manquer de se tuer en frappant des orignaux…. C’est assez éreintant de faire de la tournée au Canada».
La magie de Magic Man
Après un premier single boudé par les radios, le groupe opte pour Magic Man comme deuxième tentative. Une certaine station de Montréal nommée CJFM embarque et diffuse la chanson qui devient un succès local puis national. Sort Dreamboat Annie quelques mois plus tard; la galette se vend plutôt bien au Canada, alimentée aussi par un autre single ravageur, le brulôt Crazy On You.
Heart, qui tente de percer le marché américain en ratissant les villes frontalières où le groupe commence à être connu grâce aux radios canadiennes qui sont captées jusque là, ne se doute pas que son album est en train de grimper les échelons des palmarès jusqu’à ce que la formation se retrouve catapultée à la dernière minute en première partie de Rod Stewart au Forum de Montréal en octobre 1975. «On jouait en résidence au Lucifer’s je crois, un bar-restaurant où on devait tous s’habiller de manière uniforme afin de ne pas paraître trop étranges, ne pas dire de gros mots sur scène, ne pas mâcher de gomme et la bouffe était dégueulasse», raconte Nancy. «C’était souvent ça jouer aux États-Unis à l’époque alors que nous étions habitués au Canada où on ne nous disait rien et on nous prenait comme on était. Difficile d’avoir un esprit conformiste quand tu es jeune et que tu fais du rock, non? Donc on s’est fait virer du bar après quelques soirs et notre gérant de l’époque nous a proposé ce concert avec Rod Stewart. On a tous pris le train de la côte Ouest jusqu’à Montréal pour se retrouver sur la plus grande scène sur laquelle on n’avait jamais encore mis les pieds. C’était impressionnant et on était assez intimidé mais quand on est monté sur scène on a reçu un super accueil, les gens avaient leurs briquets allumés et on s’est rendu compte qu’ils connaissaient plusieurs de nos chansons. On n’arrivait pas à le croire. C’était notre premier grand moment de rock», relate Nancy, qui ajoute que le groupe est tombé sous le charme de Montréal, son côté français, sa bohème et sa gastronomie. «C’est là que j’ai mangé ma première soupe à l’oignon gratinée et c’était un régal, une expérience qui a changé ma vie, je m’en souviendrai toujours!»
La suite, on vous la fait vite. Le groupe lance un deuxième album en 1977, Little Queen, où se retrouve le tube géant Barracuda (tog toga tog toga tog toga da da), puis les disques s’enchaînent et les succès aussi, jusqu’aux années 1980 avec les coupes de cheveux ridicules (Nancy en rit encore aujourd’hui), les paillettes, l’alcool et la poudre magique où les soeurs Wilson se perdent tout en vendant de plus en plus de disques avec des power ballades sirupeuses mais gagnantes – What About Love, Alone, All I Wanna Do Is Make Love to You… – pour disparaître ensuite un peu des écrans radars, se marier, faire des enfants, se retrouver et reprendre la route, plus sereines, en revenant toujours aux sources… et à Montréal!
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En concert au Centre Bell le 21 mars avec Joan Jett & The Blackhearts et The Mandevilles
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