Laurence Nerbonne : Sans demi-mesure
Musique

Laurence Nerbonne : Sans demi-mesure

Avec XO, l’ex-chanteuse d’Hôtel Morphée signe l’album d’électro pop dont toute une génération de Québécois n’osait même pas rêver. Une grosse bouffée d’air frais.

Dans une foule de chansonniers folk qui grattent leurs bobos avec leurs stylos, Laurence Nerbonne nage à contre-courant avec des textes positifs qui donnent du courage et du pouvoir (les Anglos parleraient d’empowerment), des mélodies entêtantes, des rythmes dansants. Une pop racée en phase avec le son avant-gardiste des Scandinaves comme Robyn ou MØ, pour ne nommer qu’elles. Un exercice de style qui tranche sur la scène locale de champs gauche. « Les gens autour de moi écoutent ce qui sort internationalement : Beyoncé, Disclosure, et cetera. Je ne sais pas si c’est parce qu’on n’est pas game ou qu’on n’est pas prêts [au Québec], mais l’impression qu’on n’ose jamais ici. On a très peur de faire de la pop à cause de ce que les autres vont dire. » Voyant le siège libre, l’auteure-compositrice-productrice-interprète se lance tête première avec son premier album solo, faisant totalement fi du regard d’autrui. Un acte d’indépendance presque radical.

Connue pour son travail de frontwoman au sein de feu Hôtel Morphée, quatuor indie rock qui avait signé son arrêt de mort en février 2015, et pour sa pratique picturale (elle est aussi peintre!) articulée autour du portrait, Laurence avoue être sortie de sa zone de confort avec XO. « Je pense que je n’étais pas prête, que je n’avais pas la confiance nécessaire pour faire un projet comme ça avant. J’avais pas nécessairement la force d’assumer quelque chose d’aussi typé et d’aussi clair dans le branding ou la proposition. […] Je me suis rendu compte que c’est vraiment ça qui me branche. La pop c’est toujours en changement, toujours en mouvements et c’est aussi le reflet de notre société. C’est ce qui regroupe le plus de gens. »

Une nouvelle direction artistique qui l’a forcée à revoir, et en tous points, sa manière de composer, à rompre avec sa propension pour les chansons guitare-voix mélancoliques. Des pantoufles qu’elle n’avait plus envie de porter malgré le risque d’être quétaine qui lui pend constamment au bout du nez. « Les beats hip hop ou dance, ç’a vraiment été fait avec l’anglais, par les Américains. Nous les francophones, on a un passé avec les chansonniers, la chanson française, le folklore. Quand tu regardes ça, c’est pas des choses, à l’exception du folklore, qui sont si rythmées. Notre histoire musicale s’est beaucoup bâtie autour de la guitare. […] C’est tellement difficile d’écrire en français! C’est tellement carré et, aussi, ça prend beaucoup de mots pour dire une idée simple. » N’empêche, et comme Stromae ou Christine and The Queens, Laurence mise sur sa langue maternelle et son potentiel exotique pour percer à l’international.

 

Jeunesse d’aujourd’hui

Laurence Nerbonne l’avoue dans un éclat de rire : ses paroles témoignent du désormais proverbial amour au temps du numérique. Difficile de faire autrement quand la plage 3 de ton disque s’intitule Tinder Love et que le refrain va comme suit.

J’ai mes yeux sur un écran / Qui ne me parle que de toi / Je m’accrocherai à ton dos / Pour ne pas tomber de haut / Même si on ne se connaît pas / Mes bras vont bien dans tes bras

En osmose avec son temps, la musicienne met à profit toutes les ressources web pour le perfectionnement de son art en s’imposant au passage une discipline assez stricte. « Je suis une vraie geek, mes amis sont désespérés. J’étais vraiment comme un soldat quand j’ai fait cet album. Je me levais le matin, j’allais sur Spotify, sur Apple Music, j’écoutais, je regardais des entrevues avec les producers. Je voulais savoir ce qu’ils utilisaient, je me suis vraiment intéressée à tout le côté de la production. » Une démarche solitaire bonifiée par la réalisation de Philippe Brault, son complice qui a réfléchi avec elle aux tones en plus de travailler chaque pièce comme s’il s’agissait d’un single.

Et sur scène, Laurence, ça ressemblera à quoi? « Le spectacle, c’est un casse-tête incroyable. J’avoue que j’ai passé la dernière semaine à faire des cuts sur mes tracks et je me demandais : « mais dans quoi est-ce que je me suis embarquée? » En même temps, c’est malade parce que j’ai l’impression de tenir quelque chose qui est vraiment weird, une bibitte que je dois dresser. » Elle tenait aussi à nous dire que ce ne serait pas un DJ set, mais bien « un mélange de vrais instruments et d’électro » avec trois autres musiciens, une batterie, des claviers, beaucoup de séquences et de sample. Autant écrire que ça promet pas mal.

 

XO
Disponible le 18 mars
(Coyote Records)

Lancements : le 23 mars à 17h au Belmont (Montréal) et le lendemain à la même heure au District St-Joseph (Québec)