Misc: jusqu’aux étoiles
Changement de cap pour le Trio Jérôme Beaulieu, qui change de nom pour Misc et qui prend le pari d’ouvrir ses horizons à la recherche de nouveaux publics.
L’annonce a été faite il y a quelques semaines: le Trio Jérôme Beaulieu devient Misc et lance un troisième album, homonyme, avec une nouvelle équipe, Bonsound (Lisa LeBlanc, Milk & Bone). Les musiciens jazz expliquent ces changements en deux temps: ils désiraient un nom de band puisque la démarche du groupe est résolument collective et un label plus à leur image afin de «se séparer de l’espèce de carcan jazz au Québec», disent-ils.
«Au Québec, on dirait qu’on est pognés… le jazz n’est pas représenté par tant de monde, explique la batteur William Côté. L’étiquette Bonsound a décidé d’avoir une branche jazz et pour nous c’était une belle option. On travaille avec des gens de notre âge, qui vivent de la musique de la même façon que nous et qui suivent les tendances et changements dans le milieu de la musique actuellement. Ensuite, il faudra voir ce que ça donne. Est-ce que c’est un bon move pour un band jazz de se séparer de la scène jazz? On verra.»
Misc ne change pas de registre musical – le groupe demeure résolument jazz – mais les trois musiciens remarquent que les choses changent en musique, que l’industrie est en mouvance et ils ne veulent pas manquer le bateau. Ils ont trouvé chez Bonsound une équipe qui va tenter de les mener vers de nouveaux publics, en plus de continuer à épater les gens friands de jazz.
«C’est le fun faire la tournée des festivals de jazz ou des endroits qui sont réservés au jazz, mais moi je triperais avec Misc de faire les premières parties de Patrick Watson, par exemple, ajoute William. Ce mélange-là pourrait être inattendu, mais moi je pense qu’il faut le mettre ainsi dans la face des gens. Ceux qui vont oser présenter du jazz à leur public sont de plus en plus rares, je crois. Mais je pense qu’avec l’association avec Bonsound et le type de jazz qu’on fait, ce qu’on essaie de démontrer c’est que tu peux présenter du jazz à un public qui est complètement néophyte, mais si c’est un bon band et des bonnes tounes, les gens vont triper.»
Et son collègue contrebassiste Philippe Leduc croit qu’il est sans doute préférable de ne pas trop penser à la fameuse étiquette jazz. «Si on regarde la scène instrumentale, Pawa Up First par exemple, tu vas pas dire ce que c’est exactement comme style de musique. Mais on dirait que quand tu joues du jazz, c’est comme: «by the way, c’est du jazz!» L’étiquette jazz a tout un passé, une esthétique, tandis que quand tu fais du indie/pop/électro, c’est plus facile à classer. J’ai l’impression que Misc va plus vers ce monde de musique instrumentale. On ne tient pas à s’attacher aux racines jazz même si on tripe sur le jazz.»
Alors qu’en est-il de ce nouvel album homonyme? Le trio nous offre trois nouvelles compositions et trois reprises. Les musiciens ont trouvé un bon laboratoire de création aux soirées slam O Patro Vys où ils agissent à titre de house band depuis plus de deux ans. Ils nous expliquent que les genèses des grooves que l’on retrouve sur l’album sont en grande partie nées d’improvisations lors de ces soirées. Cinq ans après la formation du groupe, les musiciens estiment que c’est leur grande amitié qui fait battre le coeur de Misc. La camaraderie et la confiance qu’ils ont développées leur permettent aussi de se «confronter solide» et de régler les choses plus rapidement.
Pour ce troisième album, les musiciens, qui se sont rencontrés à l’université, mélangent leurs compositions à d’excellentes reprises. Il y a sur Misc Messenger de Blonde Redhead, Respirer dans l’eau de Daniel Bélanger et Overgrown de James Blake. Mais le groupe ne veut pas faire des reprises à tout prix. Ils testent des chansons qu’ils apprécient et si ça fonctionne, qu’ils trouvent aux pièces une personnalité qui les représente, c’est un go. Sinon, «les mauvais choix, tu les entendras pas!».
Sur le précédent Chercher l’équilibre, coiffé d’un Félix de l’Album de l’année – création jazz en 2014, le choix de reprises était tout aussi honorable: Fred Fortin (Ti-chien aveugle) et Radiohead (I Might Be Wrong).
«Notre reprise de Radiohead, ç’a a pogné en malade, dit Jérôme Beaulieu. Elle a quand même un bon punch et c’était la pièce avec laquelle on finissait le spectacle. Je ne sens pas que la réponse du public est différente pour les covers ou pour nos compositions. Après, nous, on aime ça faire ça. En tant que compositeur, ça me force à jouer quelque chose que je n’ai pas écrit, ça me force à changer mes patterns.»
Grâce à leur agente de booking en France, Misc a pu enregistrer son nouvel album au Manoir Équivocal, qui date du 14e siècle et qui est situé juste au sud de Dijon. Ils ont fait du troc: du temps d’enregistrement contre un concert et des ateliers pour des jeunes autour de la création. «On aime bien s’isoler pour enregistrer, dit William. Le premier album, c’était dans un petit chalet, le deuxième, au Centre d’art de Richmond, le troisième, un manoir en Bourgogne. La prochaine préproduction, on pense faire ça dans l’espace!»
Quand on voit grand, pourquoi pas aller jusqu’aux étoiles?
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L’album Misc (Bonsound) est disponible maintenant.
Spectacle de lancement montréalais à la Sala Rossa le 22 mars. En concert au Cercle à Québec le 12 avril.