Yann Perreau : s’engager dans la danse
Chanteur engagé, chanteur de charme, gars de party. Yann Perreau a eu plusieurs vies. Il a tout canalisé ça pour en arriver à son cinquième album, Le fantastique des astres.
«C’est un saut dans le vide comme pour tous les albums», dit Yann Perreau. Nous nous sommes entretenus avec le chanteur le 5 avril 2016, jour de son 40e anniversaire. Avec son cinquième album, Le fantastique des astres, Yann Perreau a voulu faire un retour en force, l’énergie dans le tapis. Son premier extrait sorti en janvier, J’aime les oiseaux, est un méchant trip dance-psychédélique!
«Quand c’est sorti, ç’a a tellement explosé! J’avais la chienne parce que ça passait ou ça cassait. C’est comme un gros: «Hey, je suis revenu la gang!»», dit-il de la surprenante chanson et du tout aussi coloré vidéoclip.
Nous avons souvent vu Yann Perreau sur les planches ces dernières années, mais son offre était plus intimiste à la suite de son quatrième album À genoux dans le désir. Il a surtout chanté les mots des autres – ceux du poète Claude Péloquin pour ce précédent disque, puis ceux de Gaston Miron en tournée avec les 12 hommes rapaillés. Il fallait un coup d’éclat pour la mise en bouche ce cinquième disque, d’où J’aime les oiseaux, où il chante l’importance de voler au-dessus des trolls et des bandits à cravate de ce monde. «Le but était de surprendre. Si on est rendu en 2016 et j’étais «on» en 2011, ça fait cinq ans que j’ai du public mais qu’il voit que c’est pu tant le party. Puisque j’étais habitué à faire des shows très happening, c’était important pour moi de revenir et surprendre tout le monde».
Juste avant la production de l’album, il nous explique s’être ouvert l’esprit lors d’une cérémonie d’une journée avec un ami shaman lors de laquelle, avec une dizaine d’autres personnes, il a fait un trip de ayahuasca, une plante amazonienne. «C’est très fort, comme un voyage astral. Tu sors quasiment de ton corps et t’hallucines plein d’affaires. Ç’a a été très positif. Je vis des expériences comme celle-là à chaque 5 ou 10 ans et celle-là était forte. L’album n’est pas nécessairement l’expérience de ayahuasca mais c’était l’ouverture.»
Il y a plus d’un an et demi, après ce voyage astral, il a alors commencé à mettre en forme Le fantastique des astres. L’album débute avec l’introduction amazonienne Ayahuasca Waltz pour ensuite se lancer dans quelques chansons plus dance que jamais, parfois théâtrales avec big band, faites pour bouger et où il prône «Y’a qu’une vie faut la rider». «Y’a ben de l’électricité à aller chercher dans toutes les chansons», dit-il. En seconde partie du disque, on retrouve le côté doux et introspectif de Yann Perreau, celui qui rend hommage à sa mère qui s’en va tranquillement et à sa blonde qui embellit sa vie.
«Y’a beaucoup d’instinct et de beaux accidents, mais tout au départ est assumé et voulu», dit-il de ce nouvel album, en précisant que le vinyle a deux côtés aux tons différents: le party et le sensible.
«Pendant mon trip d’ayahuasca, j’ai eu des fous rires, des moments d’extase, et à un moment donné, je suis tombé dans un mood où je devais creuser et aller en moi – ma mère qui est super malade et mon père décédé y’a trois ans – toutes ces choses sont remontées et quand j’ai rencontré le réalisateur de mon album quelques jours plus tard, j’étais encore imbibé de toute cette expérience. Je lui ai dit: «je veux tout faire: revenir fort avec des grosses tounes pour faire danser parce que mon dernier album était plus poétique et à gauche, mais en même temps je ne veux pas perdre ma profondeur, faire des chansons planantes et aller dans des sujets que j’ai pas encore touchés.»
L’importance de montrer toute sa palette était primordiale aux yeux du chanteur lors de la production de Fantastique des astres. Et si Yann Perreau aborde à nouveau ici certains thèmes d’oeuvres précédentes où on le sentait plus engagé – l’inoubliable Le bruit des bottes et son sentiment d’oppression, par exemple -, il les aborde aujourd’hui différemment.
«Y’a eu une grosse désillusion avec le Printemps érable. Dans ce temps, Le bruit des bottes, ça faisait un bout que c’était fait mais on me la demandait encore souvent. Sur À genoux dans le désir, y’avait aussi deux ou trois chansons ben engagées dont Qu’avez-vous fait de mon pays? À un moment donné, je me faisais appeler pour chaque combat, je suis devenu le chanteur engagé! Je remplaçais Biz! Et je l’ai fait, je me suis impliqué dans des shows-bénéfice et tout. Mais quand tu joues trop ce jeu-là, tu deviens une caricature. Ça ne fesse plus autant que quand la chanson a été créée et que t’étais enragé. Il faut faire attention avec ces rôles-là, mais je suis assez fier parce que j’ai jamais dépassé la ligne. Avec les Hommes rapaillés, j’étais le chanteur de charme. Quand tu voulais une chanson d’amour, on appelait Yann Perreau. T’as besoin d’un gars qui danse? On appelle Yann Perreau, il est party, il va danser. En même temps, je me suis toujours respecté. Quand j’étais trop gars de party, je me suis imposé piano-voix; quand j’étais trop piano-voix, je suis devenu plus engagé. Ça prend des années avant que les gens acceptent que t’es party mais aussi sensible ou engagé. Là, j’ai tout fait. C’est pour ça que cet album, j’ai un détachement. J’ai tout canalisé. Je suis enragé et je peux m’engager, mais en dansant.»
Aujourd’hui, Yann Perreau a 40 ans et est père de deux jeunes enfants. S’il prend encore des risques artistiques sur ce cinquième album, c’est qu’il a un besoin plus fort que jamais de s’assumer. La paternité a repoussé ses limites, dit-il. «Tant et aussi longtemps que je serai en forme et en santé, j’aurai toujours ce besoin-là de m’assumer et de me lancer dans le feu.»
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Le fantastique des astres (Bonsound), disponible le 15 avril
En concert à l’Impérial de Québec le 29 avril à 20h. Aux FrancoFolies de Montréal le 17 juin au Club Soda.