Shakespeare par Wainwright
Musique

Shakespeare par Wainwright

Rufus Wainwright poursuit son travail d’adaptation des sonnets de Shakespeare, par amour pour sa maîtrise des nuances des sentiments humains.

Dans l’immense œuvre de William Shakespeare, il y a ses 154 sonnets, des poèmes de 14 vers, publiés au début du 17e siècle. Rufus Wainwright, qui ne manque jamais une occasion de faire les choses en grand, célèbre le 400e anniversaire de la mort de l’écrivain avec un album sur lequel il met en musique neuf de ces sonnets.

Mais Take All My Loves: 9 Shakespeare Sonnets est bien plus qu’un simple album hommage. Rufus Wainwright a déjà couché sur disque les sonnets 10, 20 et 43 sur son précédent disque All Days Are Nights: Songs for Lulu (2010) et en a adapté quelques autres pour la scène ces dernières années. Ce nouvel album représenterait-il un peu l’achèvement d’une thèse sur les sonnets du grand poète anglais?

«Oh oui, tout à fait, admet le compositeur au bout du fil. Le premier sonnet que j’ai adapté en musique était le Sonnet 29, il y a de nombreuses années pour la Royal Academy of Dramatic Art de Londres. Ensuite, en 2009, j’ai fait la musique de Shakespeare’s Sonnets de Robert Wilson, un spectacle qui est encore aujourd’hui présenté sur scène. En 2012, il y a eu le spectacle avec l’Orchestre symphonique de la BBC autour de cinq sonnets, et ainsi de suite. Alors oui, c’est une énorme combinaison de plusieurs années de travail.»

Les sonnets de Shakespeare évoquent l’amour, le désir et la passion, entre autres, toujours de façon très nuancée et avec une maîtrise des mots impeccable. Si le langage peut être difficile à comprendre pour les gens peu habitués à la poésie de l’auteur de Roméo et Juliette, Rufus Wainwright tend la main à l’auditeur sur son disque en présentant les poèmes en deux temps: d’abord les sonnets sont lus par des acteurs britanniques ou encore des invités comme William Shatner et Carrie Fisher, ensuite on entend le sonnet une deuxième fois, cette fois-ci mis en musique. Le musicien québécois estime que cette répétition est cruciale, un préliminaire nécessaire à la compréhension.

«Les sonnets ont été écrits comme des poèmes, alors on doit avoir la lecture du texte sinon on n’honore pas respectueusement Shakespeare, explique le chanteur. Aussi, plus on entend les sonnets, mieux c’est puisque les mots s’approfondissent à chaque lecture. Même aujourd’hui, après avoir lu ces sonnets des centaines de fois, je suis encore abasourdi par le mystère de leur construction.»

photo Matthew Welch / Deutsche Grammophon
photo Matthew Welch / Deutsche Grammophon

Pour livrer à bon port ses adaptations de sonnets, Rufus Wainwright a renoué avec Marius de Vries, le compositeur et réalisateur anglais responsable de ses albums phares Want One (2003) et Want Two (2004). Ils produisent ici un arc-en-ciel psychédélique de chansons, comme le dit si bien Rufus, naviguant dans des styles différents, du très classique avec la jeune star d’opéra Anna Prohaska en passant par un son plus cabaret ou encore par la pop. En milieu de disque, les deux compositeurs brassent la cage avec Unperfect Actor, une pièce très rock.

«Cette chanson est devenue la pièce maîtresse de notre relation professionnelle pour cet album, avoue Rufus. Tout comme Go or Go Ahead de Want One ou Memphis Skyline de Want Two, Marius voulait créer une pièce épique qui serait l’ancre du projet.»

Seul Rufus Wainwright peut nous donner du vent dans l’toupet en chantant Shakespeare.

//

Take All My Loves: 9 Shakespeare Sonnets (Deutsche Grammophon/Universal Music) sortie le 22 avril

Rufus Wainwright sera en concert en version symphonique les 2 et 3 juillet, dans le cadre du FIJM. Détails: montrealjazzfest.com