Les OFF-festivals : La switch à OFF
Musique

Les OFF-festivals : La switch à OFF

Les «OFF-festivals» sont devenus monnaie courante au cours des dernières décennies. Il semble désormais que chaque festival d’envergure se doit d’avoir une célébration alternative en à côté, au point où certains d’entre eux créent eux-mêmes leurs propres OFF. Mais d’où est né ce besoin d’offres sortant des sentiers battus, de programmations éclatées et de soirées improvisées?

Pour quiconque n’a jamais mis les pieds dans un OFF, le concept peut sembler flou. De prime abord, le néophyte ne voit de l’extérieur qu’un petit festival essayant d’entrer en compétition avec un géant bien établi, un véritable combat entre David et Goliath qui ne peut se solder qu’en un échec cuisant. Ce qu’ignore ce dit néophyte, c’est qu’il n’en est strictement rien. L’esprit d’un OFF n’est pas de rivaliser avec le festival dont il découle, mais bien de bonifier l’offre au public avec des spectacles inusités ou qui n’auraient tout simplement pas leur place au sein d’une programmation plus conservatrice dont sont souvent affligés les monstres de l’univers festivalesque.

Un peu d’histoire

Il faut remonter loin en arrière pour découvrir les origines de ces festivals alternatifs. Le nom «off» prend sa source dans une tradition ancienne, le off-Broadway. Cette désignation fut employée dès la première moitié des années 1950 pour définir toute pièce de théâtre, comédie musicale ou revue présentée à New York mais ne cadrant pas dans les standards stricts de Broadway. Les salles où l’on présentait ces performances ne dépassaient jamais les 499 places, les règles de Broadway demandant un établissement d’au moins 500 sièges. C’est le plus gros et influent de tous les OFF, celui d’Avignon, qui a ouvert le bal pas plus tard qu’en 1968, empruntant ce nom pour définir ses activités. C’est en réponse au très important Festival d’Avignon que s’est amorcée cette célébration d’un théâtre différent, présentant des pièces interdites par son homonyme institutionnalisé. Alors qu’il s’agissait à l’époque de contestation pure et dure, le festival a lentement muté vers une position d’ouverture complète, embrassant toute forme d’art de la scène n’ayant pas nécessairement sa place dans le festival «officiel». Il offre aujourd’hui plus de 1300 spectacles.

Crédit : Cindy Voitus, OFFTA
Crédit : Cindy Voitus, OFFTA

Qu’offrent les OFF?

Maintenant que l’appellation OFF est bien connue et répandue, son utilisation s’est légèrement transformée. Selon Guillaume Sirois, directeur général du Festival OFF de Québec, un OFF répond à deux critères importants: «Dans un premier temps, le OFF doit se tenir en même temps que l’événement auquel il se rattache. Sinon, tu peux pas vraiment appeler ça un OFF, c’est juste autre chose. Ensuite, à mon avis, c’est super important que le OFF ne soit pas organisé par le même monde qui s’occupe du festival principal. Pour moi, ça ne fait juste pas de sens. Appelle ça la “scène émergente” si tu veux, mais c’est pas un OFF.» Autre caractéristique cruciale, un OFF, ça doit servir l’émergence, la scène locale et la créativité. Guillaume poursuit sur sa lancée: «Quand le festival OFF est né, c’était dans un souci de redonner une place aux pratiques de recherche, aux productions de niche, à tout ce qui était rendu complètement écarté par le Festival d’été de Québec. Je ne pousse pas une critique, c’est bien correct de vouloir faire jouer AC/DC sur les plaines, mais il manquait quelque chose pour la relève. Un de nos meilleurs slogans, ça a été Voir le futur pour dix piasses, je pense que ça résume à la perfection notre mission.» Il n’a pas tort, car il suffit de jeter un œil aux artistes des années passées pour voir qu’ils sont tous désormais sur les planches des plus gros événements: Les Sœurs Boulay, Patrick Watson, Klô Pelgag ou Preoccupations (ex-Viet Cong), pour ne nommer que ceux-là.

Preoccupations, Crédit : Maryon Desjardins, Festival OFF de Québec
Preoccupations, Crédit : Maryon Desjardins, Festival OFF de Québec

Cet esprit d’ouverture résonne dans tous les OFF. L’expérience qu’on y vit est considérablement différente de celle d’un festival régulier. La découverte est au centre du menu, et on doit y aller sans barrière psychologique pour en profiter à fond. «C’est certain que dans certains plus gros festivals, les artistes peuvent un peu moins s’en permettre, confie Fannie Dulude (directrice de la programmation du Zoofest). Il y a des captations, des choses du genre. À Zoofest, ce qui se passe dans la salle reste dans la salle. Les artistes ont donc une bien plus grande liberté, ça leur permet de faire des tests, un genre de laboratoire pour roder du nouveau matériel. Ils vont être moins stressés de présenter des numéros qui sortent de l’ordinaire, quitte à surprendre le public.»

Adib Alkhalidey au ZOOFEST
Adib Alkhalidey au ZOOFEST

Entre la défiance et la cohésion

Bien que la plupart des OFF aient d’abord été établis comme un genre de pied de nez aux festivals massifs et formatés, leurs missions évoluent avec le temps, et certains s’inscrivent même directement dans une volonté d’évoluer en parallèle avec les entités «officielles» qui les ont vus naître. C’est le cas entre autres du OFFTA, à Montréal. Selon Jasmine Catudal, sa codirectrice, ce OFF est né pour redonner sa place à l’émergence, mais jamais ses organisateurs n’ont voulu se mettre en opposition au Festival TransAmériques. «Même dans le FTA, il y a un peu plus de place désormais pour l’émergence, les choses ont évolué. Mais de notre côté, au OFFTA, il y a une notion de prise de risque qui ne se retrouve pas dans le FTA. Ce n’est pas une question de défi en tant que tel. On a vraiment une relation de mutualisme avec le FTA, une relation que je qualifierais de gagnante pour les deux parties.»

Crédit : Maryon Desjardins, Festival OFF de Québec
Crédit : Maryon Desjardins, Festival OFF de Québec

C’est un peu le même constat à Québec, du côté du FEQ et du OFF de Québec. Selon Guillaume Sirois, le Festival d’été s’est amélioré en matière de place qu’il laisse aux artistes locaux et émergents: «On va se le dire, le terme émergent est à la mode. Donc, ils n’ont pas vraiment le choix de suivre la vague. C’est une bonne affaire, y a une conscience supplémentaire qui s’est développée. Mais ça reste en surface; nous, on a une équipe qui est dédiée entièrement au défrichage culturel, une recherche constante de présenter quelque chose de nouveau. C’est correct de même. Eux font venir AC/DC, pis pendant ce temps-là, nous autres on présente des shows qui n’ont jamais été vus nulle part ailleurs.»

le festival OFF de Québec, du 6 au 9 juillet 2016

le ZOOFEST, du 7 au 30 juillet 2016

le OFFTA s’est tenu du 30 mai au 8 juin 2016