Bob Walsh : Le roi de cœur
Musique

Bob Walsh : Le roi de cœur

«Monsieur-moi pas, c’est Bob mon nom.» Humble et tendre, le légendaire bluesman de Québec traîne avec lui son lot d’histoires, des cartes postales de la scène locale étalées sur quatre décennies.

Il y a des gens, quelques rares artistes, pour qui la musique est une vocation. Comme un professionnel de la santé, comme une enseignante. Qu’est-ce que vous auriez fait, si vous n’aviez pas chanté? Silence. «Je pense que j’aurais été pompiste.» Difficile de répondre à une question qu’on ne s’est (probablement) jamais posée. Depuis le début des années 1970, Bob Walsh console ceux qui l’écoutent et leur fait du bien. Des nuits enfumées des bars du Vieux-Québec d’alors aux salles officielles qui l’accueillent aujourd’hui, le chanteur continue de rouler sa bosse, de construire son mythe avec la force tranquille du vétéran.

Originaire de Montcalm, ce quartier de la Haute-Ville associé à la St. Patrick’s High School qu’il a fréquentée, le petit Bob a été bercé par Ray Charles, Louis Armstrong et les autres héros des fifties entendues sur les bandes AM (feu CHRC) et FM de la Capitale. Chez lui, il n’y avait pas d’instruments, pas de joueurs, mais la musique était omniprésente. «Maman chantait, mais elle chantait tellement faux! Moi, j’aimais ça, je l’encourageais… Mais mes sœurs et mes frères disaient: “Maman, arrête! Tu fausses, ça a pas de bon sens!” Et moi, je répondais: “Laissez-la tranquille! Vous ne voyez pas qu’elle est bien? Elle chante!” […] C’était plus mon père qui chantait, il était aveugle comme une taupe, il s’assoyait au bout de la table et il chantait avec la radio. Il chantait comme un vieux. J’imagine que c’est de là que me vient mon intérêt pour le chant.»

C’est finalement son chum Frédéric Bisson, son mentor, qui l’initiera à la guitare et lui prêtera la sienne pendant des semaines. «J’avais peut-être 9, 10 ou 11 ans, dans ces eaux-là. J’en jouais dès que je m’ennuyais, et je m’ennuyais souvent. […] À ce moment-là, je faisais du country, du folk. Le country, ça peut se rapprocher du blues un peu. Quant à moi, le country c’est le blues de l’homme blanc, point final.» 

Vivre dans la nuit

La nostalgie l’emporte souvent. Même s’il a gravi les échelons un à un, même s’il n’a absolument pas volé son succès, cette notoriété le dépasse. Avant d’être médiatisé et d’endisquer, parce que «ça ne veut pas tout dire pour un artiste», Bob (puisque c’est comme ça qu’il a demandé d’être appelé) était la super vedette de la scène indie. C’était bien avant que ce terme-là soit popularisé, avant MySpace, Bandcamp, Soundcloud et Facebook. Pour entendre sa voix, il fallait se déplacer. Traquer les affiches sur les poteaux de téléphone, être initié par un ami ou boire sa pinte au bon endroit, par pur hasard. «Ces années-là, pour moi, c’était magique. On était connus comme Barabbas à travers la province même si on faisait juste trois ou quatre bars dans le Quartier latin.»

L’Ostradamus (seul survivant), Le Figaro, le 1123, L’Élite… Le Vieux-Québec, c’était sa talle. Son royaume. Une période charnière qui risque de lui inspirer son prochain disque. «Faudrait que je me mette à écrire, je devrais avoir quelque chose à dire, depuis le temps. Parler des années folles, etc. Ce serait l’fun. Ce serait mes mémoires en musique.»

Photo : James Saint-Laurent
Photo : James Saint-Laurent

Sa rencontre avec l’harmoniciste Guy Bélanger, complice précieux encore à ce jour, remonte précisément à cette époque. «J’étais en train de jouer tout seul et j’entendais un harmonica. Je ne savais pas d’où ça venait, je ne voyais pas parce que l’éclairage était sur moi. Finalement, je l’ai spotté et, pendant un break, je suis allé chercher un fil et un autre micro. J’ai branché ça dans l’ampli et j’ai dit: “Toi, viens ici p’tit bonhomme!” C’est de là que ça part, le partnership. […] C’était dans mes débuts à moi aussi, je ne gagnais pas une tonne d’argent et c’était dur de le payer. Ça fait que, de temps en temps, il rentrait et il jammait. Ça faisait du bien et tout le monde aimait ça. [Les propriétaires de bar] ont fini par nous engager et on a joué à droite et à gauche. C’est un peu flou tout ça. Quand j’y repense, je trouve ça un peu romantique.»

Le temps passe, file à vive allure, mais l’union musicale de Ti-Guy et Bob est scellée. Peut-être même pour le reste de leur vie. C’est avec lui que l’interprète et guitariste montera sur scène au Festiblues ainsi qu’au Festival Jazz Etcetera de Lévis, aussi accompagné du chef d’orchestre Jean-Fernand Gingras, de la batterie de Bernard «Ringo» Deslauriers, de la guitare de Christian Martin, de la basse de Jean Cyr et de quelques cuivres. Au programme: des standards blues, bien sûr, mais surtout l’album After the Storm, un titre évocateur, une collection de chansons livrées «toutes faites» par des auteurs (dont Ray Bonneville), qui se clôt par une rare compo autobiographique du chanteur. Un texte, une musique qui a pris tout le monde par surprise en 2015, un cadeau inestimable et un hommage à sa douce Maddy qui veille sur lui. «C’était après l’opération, mon triple pontage, avec le changement de valve, tout ça. Ça m’a tenu à l’hôpital pour un bon six mois. Après ça, peut-être un an après, on a décidé qu’on ferait un album et j’ai composé cette affaire-là. C’est sorti d’un jet. Un gros 20 minutes ou une demi-heure, et la chanson était écrite. C’est spontané et ça dit ce que ça a à dire.»

En pleine forme au moment de notre entretien avec lui, Bob Walsh touche du bois et rayonne, profite d’une santé chèrement acquise. Il continue de panser les plaies des autres avec sa voix pure (lire: raw) et chaleureuse à la fois, son amour profond de la musique qui l’habitera «pour le restant de [ses] jours». Il nous en donne sa parole.

Samedi 13 août à 19h30
Dans le cadre du Festival Jazz Etcetera Lévis

Dimanche 14 août à 21h
Dans le cadre du Festiblues