Ibrahim Maalouf: Le trompettiste rebelle
Musique

Ibrahim Maalouf: Le trompettiste rebelle

Il a appris à aimer son instrument, à dompter l’embouchure et les pistons. Après une courte carrière sur le scène classique, et depuis presque une décennie, Ibrahim Maalouf cartonne en France avec son style inorthodoxe. 

Ibrahim Maalouf est un mouton noir. Le compositeur libano-français ne cache pas le lien amour-haine qui l’unie à son instrument, c’est presque sa marque de commerce en entrevue.

Sa vraie passion, et pour reprendre ses mots, c’est la « conception architecturale de la musique ». Les arrangements touffus, la composition, les émotions transmises, les timbres sonores.  C’est, aussi, ce désir qu’il a de faire disparaître les sons cuivrés qui l’agacent. « La trompette, c’est pas ce qui m’intéresse le plus en fait. J’aime la trompette, j’ai fini par apprendre à aimer cet instrument. […] J’en faisais parce que mon père en jouait, parce qu’il aimait être assis à côté de moi et m’apprendre à en jouer. Comme on avait un rapport très compliqué quand j’étais petit, c’était une manière pour moi de l’attendrir, d’avoir mon père qui s’occupe de moi de manière plus zen et sereine. »

Son géniteur et professeur privé, c’est le grand Nassim Maalouf, l’inventeur de la trompette à quarts de tons. Une sommité, une figure respectée par ses confrères d’armes, mais un modèle que son propre fils ne suit pas. « Aussi bizarre que cela puisse paraître, et même si c’est lui qui m’a tout appris sur cet instrument, nos jeux sont radicalement différents et opposés. Mon père a aimé la trompette quand il devait avoir 22 ou 23 ans et ce qui lui plaisait dans cet instrument, c’était la possibilité de jouer fort, aiguë, avec un son qui claque un peu. Il a toujours joué de cette manière-là. Moi, à l’inverse, c’est tout ce que je n’aimais pas, tout ce que je détestais dans cet instrument! »

Ibrahim Maalouf (Crédit: Denis Rouvre)
Ibrahim Maalouf (Crédit: Denis Rouvre)

« On me reproche souvent que la trompette arrive beaucoup trop loin dans mes pièces, comme si le rôle principal apparaissait 20 minutes après le début du film. »

Il ne faudrait pas croire qu’Ibrahim Maalouf renie ses racines familiales et culturelles pour autant. C’est précisément le contraire. Son nouveau disque, celui qu’il viendra présenter en Amérique du Nord sous peu, est un hommage à la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum. Une musicienne qui a bercé sa petite enfance à Beyrouth. « C’est aussi une manière pour moi de remercier mes parents de m’avoir fait découvrir cette voix pendant toute ma jeunesse. Elle m’a beaucoup inspirée et elle m’inspire encore aujourd’hui. Après tout, et en plus de tout ça, Oum Kalthoum a été une personne incroyablement influente. Artistiquement, aujourd’hui, on peut dire qu’elle a clairement été la seule qui a fédéré autant autour d’elle dans toute la culture arabe. […] Elle a su imposer sa voix et sa personnalité. En fait, elle est l’une des premières féministes de l’histoire contemporaine arabe. »

Maître chez lui

Les huit opus du prolifique personnage ont tous été mis en marché de façon strictement indépendante, un gros risque pour le quasi inconnu qu’il était, mais qui s’est avéré payant en termes de ventes d’albums et de billets de concerts. Remplir Bercy (la plus grande salle de France) avec un projet de musique instrumentale? Ça, personne n’aurait pu le prédire. « J’ai monté mon label à une époque où les maisons de disques n’étaient pas intéressées par mon travail. […] Du coup, moi ça m’a permis de rester libre artistiquement, même si j’apprécie toutes les démarches qui sont [maintenant] faites par les majors. C’est normal: personne, même moi, ne pouvait s’imagine que ma musique serait autant appréciée et suivie! »

Récipiendaire d’un prix aux Victoires de la chanson en 2014, un exploit qu’aucun non-vocaliste n’avait pu réaliser avant, Ibrahim Maalouf creuse des sillons et défonce des portes pour ses contemporains avec sa musique qui transcendent les créneaux médiatiques. Un succès qui fait mentir les règles d’une industrie formatée.

22 septembre à 20h au Palais Montcalm (Québec)
23 septembre à 20h à la Maison symphonique dans le cadre de Pop Montréal

Mise à jour, 20 septembre à 16h: On vient d’apprendre que trompettiste pédagogue offrira aussi une classe de maître gratuite ce vendredi 23 septembre à 10h à la salle d’Youville du Palais Montcalm. Réservation téléphonique obligatoire au 418 641-6040.