KROY : Douloureuse cohérence
Alors que le duo électropop qu’elle forme avec Laurence Lafond-Beaulne, Milk & Bone, est sur une bonne lancée depuis plus d’un an, Camille Poliquin lance ce mois-ci le premier album complet de son projet solo KROY.
Alors que le duo électropop qu’elle forme avec Laurence Lafond-Beaulne, Milk & Bone, est sur une bonne lancée depuis plus d’un an, Camille Poliquin lance ce mois-ci le premier album complet de son projet solo KROY.
Scavenger est un disque chanté dans la langue de Shakespeare. La musicienne y explore bien les possibilités de l’électropop en s’aventurant parfois vers quelque chose de plus dance ou encore vers la ballade vaporeuse. Camille Poliquin nous explique que le disque représente bien sa recherche de cohérence chez KROY: dans le look (toujours du noir), dans les textes (souvent la mort et la douleur), dans les titres (toujours qu’un seul mot), etc.
«C’est important d’avoir un rapport avec la qualité dans ce que je fais pour montrer que je ne m’en fous pas. Y a des projets qui appellent à être ben relax et les gens qui écoutent ça aiment le rapport relax qui vient avec, mais moi j’ai envie que ce soit bien mis et léché dans toute l’esthétique du projet.»
Il suffit de regarder ses photos de presse et ses vidéoclips pour comprendre l’importance de la facture visuelle chez KROY. «Quand j’ai du temps, je regarde In Residence – une série de vidéos sur des architectes ou des designers qui nous montrent leur maison. C’est quelque chose que je voulais rendre aussi dans ce que je fais; que ce soit intéressant musicalement, mais que les gens se sentent interpellés visuellement.»
Temps mort
La musique sur Scavenger est tout aussi soignée, Camille et ses réalisateurs Marc Bell et Pascal Shefteshy s’étant payé le luxe de prendre leur temps. Lorsqu’une chanson était sur les rails, les trois créateurs pouvaient parfois prendre des semaines avant de se revoir afin de bien la digérer. «C’est important d’avoir un temps mort dans le processus créatif pour s’assurer qu’on aime ça», explique la principale intéressée.
«On est vraiment allés en profondeur, plus que sur le EP sorti il y a deux ans, poursuit-elle. On avait des soft synths et là c’est quasiment juste du synthé analogue. On a travaillé sur les textures. C’était le fun d’en beurrer trop et trois mois après d’enlever plein de couches pour amortir à sa simplicité.»
Les textes assez sombres, parfois très imagés de Scavenger évoquent surtout les relations et les amours. Les paroles sont nées naturellement, avec le temps. Quand elle se sentait un peu déréglée, Camille devait mettre ses pensées en chanson. «Tu sais, au primaire, t’apprends que ça prend un élément déclencheur et des péripéties, etc. pour faire une histoire. Pour écrire mes chansons, y a tout le temps quelque chose qui tombe, ce qui fait que mon bien-être est juste un peu off et si j’écris pas cette chanson-là, je ne pourrai pas me ramener droite. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais eu à provoquer ça, c’est juste arrivé.»
Toujours dans un souci de cohérence, le titre de l’album est une bonne indication du matériel de Scavenger. En français, le mot désigne charognard. «Ce sont des animaux ou insectes qui sont souvent seuls et qui attendent la mort. C’est très imagé et ça peut décrire plein d’affaires qui peuvent se passer dans un contexte de relation. J’ai un vocabulaire qui tend vers ce genre de choses. Y a comme un spectre de la mort qui règne sur mes chansons en général!»
Si Camille Poliquin cite l’album Third de Portishead comme grande inspiration musicale, on l’entend surtout sur l’excellente Days, une espèce de conte vampirique trip-hop. Autrement, la chanteuse marie sa voix douce et quelque peu enfantine à des ambiances électroniques très actuelles, recherchées. C’est le genre d’album où à chaque nouvelle écoute, on détecte de nouveaux détails.
L’écho américain
Alors que KROY présentera les chansons de Scavenger sur scène cet automne et cet hiver, on aura droit à un nouveau spectacle plus vitaminé, avec l’ajout d’un batteur et d’autres instruments. «Ces derniers mois, je ne voulais pas trop modifier le spectacle avant d’arriver l’album parce que je trouve ça le fun de donner aux gens une genre d’exclusivité, un spectacle qui n’a jamais été présenté. On veut monter un spectacle qui est en cohésion avec l’album.»
Ce spectacle, elle souhaite le présenter partout en Amérique du Nord. Les États-Unis sont définitivement dans sa mire et il y a déjà de l’écho. Elle a fait un concert là-bas il y a quelques mois – la première partie de Cœur de pirate à Brooklyn – et elle vient tout juste de signer un contrat avec le label new-yorkais Honeymoon, qui chapeaute également Milk & Bone.
Pour l’instant, travailler sur deux projets au grand potentiel en parallèle n’effraie pas Camille Poliquin. «Je tiens aux deux groupes énormément. On a décidé que je lançais mon album à l’automne alors que notre tournée se termine tranquillement et qu’on rentre en écriture pour Milk & Bone, pour un nouvel album possiblement l’année prochaine. Donc c’est super. Ça va me donner aussi le temps de voir où je suis capable d’aller avec KROY – essayer d’aller dans d’autres territoires – sans me mettre des bâtons dans les roues en ayant 12 tournées avec Milk & Bone et lancer mon album un peu dans le vide. C’est exactement ça que je voulais éviter.»
Scavenger (Dare To Care Records)
Disponible le 23 septembre
En concert le 23 septembre à Artgang Montréal
En concert le 29 septembre à l’Anti (Québec)
Petit questionnaire pour mieux connaître KROY
Quel est ton instrument de prédilection?
«Le synthétiseur. Ce que j’aime du synthé, c’est l’apprentissage. Quand je suis rendue au stade où je connais un synthé, j’en ai un autre qui devient mon synthé de prédilection. C’est une éternelle évolution.»
Qui est ton idole musicale?
«Grimes, pas parce que j’ai envie de faire ce qu’elle fait, mais parce qu’elle est elle-même à 100%. La raison pour laquelle elle a tellement une place importante dans la musique et qu’elle a un impact chez les gens, c’est parce qu’elle assume complètement ce qu’elle fait. Elle a jeté un album au complet parce qu’elle a voulu faire quelque chose qui lui ressemblait plus.»
Quelles sont les chansons de ta jeunesse?
«Wake Me Up When Septembre Ends (Green Day), My Immortal (Evanescence) et I Will Follow You Into the Dark (Death Cab for Cutie). Juste pour que les gens sachent à quel point je suis triste!»