Le côté obscur de POP Montréal
Musique

Le côté obscur de POP Montréal

Au-delà de l’étiquette indie-rock qu’on lui colle à la peau encore aujourd’hui, le festival POP Montréal est un réel joyau pour les mélomanes avertis puisqu’il réussi à amener en ville des légendes dans l’ombre et à créer de réels moments musicaux inoubliables.

En jasant avec Dan Seligman, directeur artistique de POP Montréal, on se remémore des concerts assourdissants, suants, brillants. Alors que le festival est né en plein cœur de la fameuse vague indie-rock où Montréal brillait à l’international grâce à Arcade Fire et à Wolf Parade, entre autres, POP Montréal s’est solidifié une réputation et est reconnu aujourd’hui davantage pour deux choses: présenter des genres musicaux qui n’ont autrement pas beaucoup de visibilité dans les festivals, ainsi qu’inviter chaque année des légendes musicales obscures qui ont influencé les plus grands.

«Pour moi, personnellement, c’est toujours un défi de trouver des artistes calypso ou dancehall ou d’autres genres musicaux et de les mêler à la programmation de façon quasiment éducative en disant: ‘‘écoutez, la musique c’est bien plus que quatre gars blancs qui jouent de la guitare’’. C’est important de créer une ouverture d’esprit chez les gens par rapport aux différents styles de musique et d’avoir des groupes de partout dans le monde.»

Aujourd’hui, POP fête ses 15 ans d’existence en présentant de la musique, oui, mais aussi des films avec sa branche Film POP, ses expositions et son incontournable foire artisanale, Puces POP. Parmi les 450 concerts cette année, il y a des dizaines de groupes émergents d’ici et d’ailleurs à découvrir, mais aussi des légendes musicales méconnues, qui représentent les plus grosses prises du festival. Wally Badarou, par exemple, est un musicien et réalisateur né en France ayant collaboré avec Grace Jones et travaillé aux fameux studios de reggae Channel One en Jamaïque. «Dans certains milieux, il est une légende, mais 99,9% des gens ne le connaissent pas, dit Dan Seligman. Je pense que POP a la réputation d’être avant-gardiste et d’aller chercher ces artistes obscurs qui ont beaucoup d’importance sous la surface de la musique populaire. Pour chaque David Bowie ou Prince – qui sont génies et ont été catapulté vers un succès grand public –, il y a tous ces génies qui font de la musique stimulante progressive vraiment intéressante dans l’underground et ils ont un impact sur cette scène.»

POP Montréal se doit d’être davantage créatif au niveau de sa programmation puisque l’événement n’a pas les budgets des gros festivals de Spectra ou d’evenko. Ça prend souvent quelques années de négociation et bien des appels pour que les légendes de l’underground acceptent de participer à POP Montréal. Après des offres infructueuses il y a trois ou quatre ans, le membre fondateur de The Velvet Underground John Cale sera du festival cette année. «Il est totalement brillant et a fait des tonnes d’albums vraiment cool», commente Dan Seligman.

En 2011, grâce à une bourse du gouvernement américain, POP Montréal organisait une soirée avec The Velvelettes et Ralph «Soul» Jackson. Il s’agissait d’un hommage au festival Ponderosa Stomp à la Nouvelle-Orléans qui met en lumière les légendes vivantes du rock n’ roll, du blues, du soul, du reggae. La grande guitariste texane Barbara Lynn n’avait pu être de cette soirée magique, mais quatre ans plus tard (l’année dernière), elle répondait positivement à l’offre de POP Montréal.

«C’était le genre de truc qui se concrétise enfin après des années de travail. Elle est septuagénaire, n’a pas beaucoup d’argent et n’est plus habituée à voyager pour faire des concerts alors elle était nerveuse, mais son spectacle était incroyable et elle a été si gentille.»

Dans ce genre de cas, les artistes n’ont pas nécessairement une tournée planifiée autour de leur apparition à POP Montréal et le processus peut donc être plus complexe. «C’est un peu un travail d’enquêteur parfois. Quand les artistes n’ont pas d’agents ou quoi, tu dois prendre le téléphone et les convaincre. Une fois que c’est fait, il faut s’assurer que la personne a un passeport valide et tout.»

Mais si ces artistes sont méconnus, est-ce le bouche-à-oreille qui amène du public aux concerts? «Y a des mélomanes qui connaissent ces artistes qui sont excités de les voir à Montréal, ou encore des journalistes et des gens de l’industrie de la musique. Et puis, espérons-le, puisque c’est notre 15e année, nous sommes rendus au point où les gens se disent: «‘‘Oh, POP Montréal est un super festival de musique, je devrais peut-être prendre une chance et aller voir quelques concerts.’’»

Dan Seligman, qui a un excellent flair pour les talents de la scène locale, espère, encore cette année, vous faire découvrir des artistes jeunes et moins jeunes. «C’est ce qui est merveilleux en musique: y a toujours quelque chose à découvrir, même si c’est un band qui existe depuis 20 ans. J’espère que c’est ça l’essence de POP Montréal, découvrir un nouveau groupe cool du Mile End ou bien une légende qui a eu une influence majeure sur la musique pop comme John Cale.»

POP Montréal
Du 21 au 25 septembre
popmontreal.com