Entrevue: Lydia Képinski va vous montrer de quoi elle est capable
Si sur le premier extrait de son EP on l’entend chanter «Viens, je vais t’apprendre à mentir», Lydia Képinski nous disait en entrevue plus tôt ce mois-ci qu’elle a pas mal menti qu’une seule fois en 2015 et que cette expérience est devenue la genèse de la chanson. «J’ai pas l’habitude de mentir. J’ai plutôt l’habitude d’être très franche, en fait!».
Nous profitons donc de sa franchise pour lui demander d’emblée ce que ça représente pour elle de débarquer avec un premier album au cours d’un automne où l’ADISQ a lancé un cri d’alarme et que les acteurs du milieu de la musique sont nombreux à condamner le trop peu de redevances des services de streaming.
«Je pense qu’il y a de l’argent à faire en étant musicien. Il faut juste trouver comment. Je suis pas obsédée par l’argent, mais si j’ai pas d’argent, je peux pas créer et je dois travailler dans un café. Mais j’ai pas peur, je pense que ça va bien se passer pour moi», dit-elle, en mentionnant qu’elle préfère ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. «J’ai mon booking chez Bonsound, ma gérante est indépendante, la production du EP a été faite chez une petite boîte, Chivi Chivi. C’est en ayant un instinct de survie dès le départ que je ferai de l’argent éventuellement.»
Table rase
Sur ce tout premier EP de quatre titres qu’elle lançait mardi, Lydia Képinski présente en quelque sorte le deuxième chapitre de sa musique. Après quelque temps en formule band, elle a décidé de participer au Cabaret Festif à Baie-St-Paul en solo l’hiver dernier, un choix qui s’est avéré positif pour la jeune interprète puisque ça lui a permis de remettre en question ses idées et de trouver la bonne voie pour son EP d’introduction: de la pop alternative teintée de synthés concoctée avec un allié qui n’a pas peur de trafiquer les sons, Blaise B. Léonard (ex-Hôtel Morphée, Queen K). «À la base, je suis pianiste classique, donc au début, c’était naturel d’aller vers quelque chose de plus puriste, mais avant de faire le EP, Blaise et moi avons fait table rase des arrangements. Je voulais quelque chose de plus électronique et de synthétique. En faisant ça, je me suis de plus en plus dissociée de tout ce qui pourrait être folk. Je pense pas que je fais du folk, mais la chanson francophone est souvent associée à ça.»
Lydia dévoile sa palette sur ce EP. Il y a des moments fort entraînants et d’autres plus planants, intimistes. Les textes dévoilent une auteure franche, mature et poétique. Sur la pièce qui ouvre, elle est Andromaque et plus tard, sur Brise-glace, elle s’imagine Pygmalion. La mythologie est une grande source d’inspiration? «On n’invente rien en art, tranche-t-elle. Y’a eu quelques mythes fondateurs, mais après ça les histoires d’amour, d’amitié et de trahison, ça reste un remix de Roméo et Juliette et des grands récits d’Antiquité, selon moi. Oui, ça me fascine. C’est un raccourci, dans le fond. Au lieu de m’inspirer de l’affaire qui s’inspire de telle autre chose qui s’inspire de tel autre truc, etc., je vais à la source. Je m’épargne des millénaires de gossage!»
Ah, les concours!
En août dernier, alors qu’elle allait prendre part à la grande finale du Festival international de la chanson de Granby et était déjà coiffée de trois prix, Lydia ne mâchait pas ses mots envers l’«establishment» des concours musicaux au Québec. Elle y écrivait qu’elle trouvait ça désolant que les artistes québécois doivent se soumettre à ces concours pour espérer lancer leur carrière. «J’ai jamais entendu dire que Serge Gainsbourg, Jacques Brel ou Barbara avaient lancé leur carrière grâce à un concours. Paraît qu’au Québec en 2016, faut en gagner pour que ça marche notre affaire».
Elle a expliqué sa pensée plus longuement avec nous en débutant avec le gros point positif: «Les concours m’ont souvent aidée en me disant non. Quand ça arrive, t’as deux choix: soit tu vas faire autre chose; soit tu te dis que tu vas prouver au concours que t’es bon et tu te représentes l’année suivante. Et c’est ce qui est arrivé pour moi: j’ai pas été prise la première fois à Ma Première Place des arts ni à Granby. Je me suis déjà fait dire qu’il ne fallait pas que je chante… Mais c’est correct parce que ça m’a fait travailler. J’étais assez acharnée pour dire: «ben non criss, je me présente l’an prochain et je vais leur montrer que j’suis capable».»
Elle poursuit: «Ce que je n’aime pas des concours, c’est quand on te fait croire que le milieu est anémique, qu’y’a pas d’argent, que les gens sortent pas voir des shows, que les gens achètent pas de CD, que les gens sont pas intéressés et que ta seule porte de sortie c’est des plugs et que les concours ont des plugs. C’est une expérience de vie qui m’a autant désabusée qu’elle m’a aidée. Y’a eu autant de frustration que de joie.»
Alors tu vas sans doute passer ton tour pour les Francouvertes et autres concours cette année, Lydia? «Ah non, mets-en que je me suis inscrite aux Francouvertes! J’ai pas le choix, tout le monde me conseille de le faire. Ils m’ont pas pris l’an passé. Je vais leur montrer!»
Lydia Képinski EP (Chivi Chivi), disponible maintenant