Camellia Sinensis, SAQ, est-ce qu’on en oublie ? Chose certaine : l’homme derrière Millimetrik est un grand enthousiaste du breuvage, « des bonnes choses » admet-il comme pour résumer sans avoir l’air de se prendre la tête. Un fanatique de thé et de vin, donc, qui cultive aussi une passion pour les spiritueux. « Sour Mash, c’est un double sens. Pour la préparation de certains whiskys américains, on garde un fond de baril pour démarrer une autre batch. Comme trois des quatre tunes [du EP] sont des sons non utilisés de Fog Dreams, des retailles de chansons, ça fait un beau clin d’œil. »
La seule pièce que Pascal Asselin n’a pas laissé macérer dans son tonneau vogue en eaux rock, contrée loud qu’il n’avait jamais vraiment explorée en dehors de sa tâche de batteur au sein du groupe Les Indiens. L’intro, des boucles de guitares électriques coupées au couteau, donne le ton et met la table pour le vocaliste Joey Proteau. Le protagoniste d’Ego Death et leader de feu Modern Primitive s’y révèle particulièrement inspiré, renouant au passage avec un type de chant, de phrasé qui frôle le cri. Un segment enrobé de basses fréquences et précédé d’une drop rythmique qui déboulonne. Une cassure euphorique, surprenante surtout, qui prend au cœur. « C’est lui qui a décidé d’aller vers ça. Il avait carte blanche. Tout ce que je lui ai donné, c’est un titre : Seasick. […] Lui, il a vu ça intense de même. On dirait du emo électro ! »
« Dans la dernière année, j’ai entendu beaucoup de voix qui ne viennent pas de l’électro qui en ont chanté. Cat Power, par exemple, qui a chanté une grosse tune house avec Cassius. […] Moi je me suis demandé à qui je pourrais demander localement. »
Le Marin de Fort Lover, composition instrumentale, embrasse un style et une orchestration similaire à la track uno. Un filon neuf pour Asselin. « Dans le bridge du milieu, il y a une guit qui embarque. C’est une genre de petite guit en harmonique et c’est Kim Gadoury alias aKido qui la joue. Je lui ai demandé une guitare post-rock. […] Ça doit être mes vieilles influences, je sais pas. Je voulais simplement que Le Marin de Fort Lover s’agence avec le côté vintage des films 8 mm. Elle sonne vraiment plus comme de l’électro de la fin des années 1990, comme du vieux DJ Shadow, ces affaires-là. »
« Vintage ». L’adjectif reviendra souvent dans nos échanges arrosés de whisky, thématique oblige, avec le faiseur de rythmes dans la verrière du Sacrilège qui l’a longtemps accueilli comme DJ. Une esthétique qu’il exploit dans toutes es angles de son Sour Mash EP : de la pochette verdâtre mais presque minimaliste assemblée par Thomas B. Martin au son en passant par la vidéo avec un clip de Daniel B. Ricard, réalisateur du récent documentaire Surfer sur la grâce. « Quand mon père est décédé, ça va faire deux ans et demi, j’ai vidé l’appart et trouvé des bobines de films 8 mm avec mon nom d’écrit dessus. Genre : Pascal 1 ans, Pascal 2 ans. […] Entre temps, j’ai rencontré David et il m’a dit qu’il pouvait développer ça sans problème. Tout est parti de là. Je lui ai dit que je voulais un vidéoclip en 8 mm qui respecterait le look original des bobines un peu scrap. »
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Amitié épistolaire
La douce Maude Audet renoue avec Pascal Asselin, et moins d’un an après la sortie de l’enivrante Port Ellen Bass, pour une chanson d’amour enregistré en deux temps, entre St-Sauveur (le quartier de Québec) et Longueuil. L’auteure-compositrice-interprète nous raconte comme ça s’est passé. « Il m’a envoyée la pièce instrumentale en me donnant un thème général. Il m’a demandé de parler d’amour et de remise en question. Mon écriture est différente lorsque c’est pour Pascal. Je me laisse prendre par sa musique, par la mood que ça amène et, effectivement, je vais complètement ailleurs. Les textes que j’écris pour mon projet à moi sont beaucoup plus personnels. » Trop loin de toi, c’est le titre de l’œuvre signée à quatre mains, nous révèle justement une parolière et chanteuse changée, épanouie dans la contrainte, animée d’une énergie nouvelle.
Un duo aussi improbable que puissant, la collision de deux univers parallèles : le folk et l’électro, la poésie de dentelles et les rythmes bruts. Le beau est toujours bizarre, comme dirait l’autre.
Sour Mash EP (Coyote Records, Chez Kito Kat)
Disponible le 24 février
En écoute exclusive via voir.ca d’ici à la sortie