Slowdive : L’art de regarder ses chaussures
Trois années après s’être reformé, Slowdive gratifie ses fans d’un nouvel album qui prouve que malgré le temps, la formation n’a rien perdu de sa superbe. Le groupe est de retour à Montréal pour nous le présenter.
Monté en épingle par une presse musicale britannique toujours en quête d’un next big thing, Slowdive s’est aussitôt fait coller l’étiquette «shoegaze» et s’est vu propulsé en tête des chefs de file de cette toute nouvelle tendance sonore aux côtés de Ride et My Bloody Valentine lorsqu’il a fait paraître son premier EP en 1990. Comme la plupart des autres formations du même acabit, Slowdive a été élevé à l’école des Cocteau Twins, Spacemen 3, Jesus and Mary Chain, Sonic Youth et autre Loop. Avec ses guitares abrasives mais très mélodiques et ses voix célestes, les membres de Slowdive se sont retrouvés bien malgré eux enfermés dans une catégorie qu’ils avaient en quelque sorte contribué à créer, mais dont ils ont toujours refusé l’appartenance.
Trop vite, trop tôt
Endossée par le label Creation, la formation de Reading est passée de héros à zéro en trois albums, Just for a Day paru en 1991, Souvlaki en 1993 et l’étrange Pygmalion en 1995. De chouchous de la presse, ils en sont devenus les souffre-douleur sans jamais avoir compris pourquoi. En 1995, Slowdive a sabordé un navire qui prenait déjà dangereusement l’eau et les membres sont passés à autre chose, Mojave 3 pour certains en l’occurrence. «Nous étions si jeunes et naïfs à l’époque, on avait à peine 19 ans quand toute cette aventure a commencé», se souvient Neil Halstead, chanteur, guitariste et principal compositeur de la formation. «On n’a jamais trop saisi pourquoi la presse, après nous avoir encensés, s’est déchaînée à tel point sur nous. Ça nous a paralysés, on n’était plus sûr de rien à la sortie de Souvlaki. Heureusement, les choses ont bien changé et avec la venue de l’Internet et l’apparition des webzines et autres blogues, cette presse n’a plus autant droit de vie ou de mort sur les groupes. Mais j’avoue qu’on était encore inquiet quand on s’est reformé en 2014».
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Décomplexés
Ainsi, après être disparu des écrans radars suite à trois albums et une poignée de EP, Slowdive a non seulement repris du service, mais se fend en plus d’un tout nouvel album – simplement titré Slowdive – après 22 ans de silence studio. «Nous avons tous été très surpris par la réaction très positive du public et des médias suite à notre retour. Au départ, c’était pour faire quelques concerts, mais aussi avec l’idée d’un album à la clé, car on n’avait pas envie de se retrouver à jouer nos vieux morceaux encore et encore. On voulait du neuf. Quand on a réalisé à quel point les gens étaient intéressés, après s’être retrouvés parmi les têtes d’affiche de plusieurs gros festivals, on a décidé de poursuivre, mais on ne voulait pas non plus se précipiter en studio pour enregistrer, on voulait que les chansons viennent d’elles-mêmes», note Halstead. «Mais ce qui nous a surtout étonnés, c’est à quel point la synergie était bonne entre nous tous après toutes ces années. Ça nous a motivés et inspirés».
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Si en 2014 Slowdive a repris là où il s’était arrêté en 1995, Halstead précise que le groupe tel qu’il est aujourd’hui, formé des mêmes musiciens qu’on retrouvait sur les deux premiers disques, est beaucoup plus en contrôle et confiant. «Je pense que notre son n’a guère changé depuis, mais je dirais que nous avons une approche plus mature et aussi que nous maîtrisons beaucoup mieux ce que nous faisons qu’à l’époque. Notre album est sans contredit un pas en avant et non une copie du Slowdive des années 1990 – bien que nous ayons gardé le même penchant pour les guitares oniriques et saturées et les voix éthérées. Je pense aussi que nous apprécions beaucoup plus de jouer sur scène. Avant, on devait en quelque sorte se mesurer aux autres groupes alors que maintenant c’est une tout autre dynamique, on sent qu’on n’a plus rien à prouver à personne et on joue sans ce poids sur les épaules».
Slowdive (Dead Oceans)
Disponible le 5 mai
Le 6 mai à l’Olympia