Santa Teresa : hérésie thérésienne
Entre les agglutinements massifs d’individus houblonnés au sortir des bars, les émanations musicales composites qui fusent de partout et la menace constante du spectre de Xavier Caféine, le centre-ville de Sainte-Thérèse avait des airs d’avenue Mont-Royal ce samedi, lors du troisième et dernier jour de Santa Teresa. Retour fragmentaire sur une soirée qui l’était tout autant.
Après un joyeux et presque trépidant parcours au sein de la 9 Saint-Jérôme, nous faisons de notre mieux pour tenter de comprendre où nous en sommes géographiquement. Premier constat : oui, nous sommes bel et bien à Sainte-Thérèse, mais le gros de l’action se déroule sur la rue Blainville. Bref, la Rive-Nord semble redoubler de mises en abyme, ce que nous apprécions grandement.
Nous entrons sur le site extérieur juste après la performance de Rymz, aussi surpris que médusés devant le choix d’ambiance sonore qui prévaut, soit un mélange de drone et de musique actuelle laissant subitement place à l’hymne banlieusard d’Arcade Fire.
Rempli au tiers, le site rappelle celui du Festif!, mais en plus étroit et avec moins de saucissons gratuits dans la section V.I.P.
Heureux d’exister, les barmans de la place affichent leurs plus beaux attraits et leur plus beau sourire pour cette première (et peut-être historique) édition de Santa Teresa.
Il commence à faire pas mal plus froid que ce qu’on avait prévu comme petite laine, mais heureusement, les improbables matamores d’Alaclair Ensemble se pointent sur scène avec une fougue qui ne met pas de temps à se transformer en chaleur. Après quelques minutes de préliminaires bas-canadiens, on se rend compte que le sphinx en chef, Ogden, n’est pas de la partie. Maître de la rime, le puissant KNLO se charge avec tact des parties rimées du chevelu Bosniaque.
Toujours aussi souple, le précieux Claude Bégin reste fidèle à ses habitudes : émettre un nombre minime de sons par minute. Photogénique, il n’hésite pas à laisser tomber l’action musicale pour croiser le regard de notre appareil.
L’attente en aura valu le coup, car notre Claude national sort de son mutisme pour livrer une interprétation incarnée de la torturée Mon Ange du maître rebelle Éric Lapointe. Le voici aux prises avec une émotion.
À l’orée de la nuit, la faim se fait sentir et le spectacle de The Franklin Electric nous semble un moment bien choisi pour poursuivre nos explorations.
Nous y découvrons notamment cette attirante devanture.
Nous trouvons le temps de nous arrêter, post-déglutition, à l’espace festif interactif installé par l’artiste Louis TB (une présentation de SOIR), tout près de notre lieu de mangeaille. On y danse, on y chante, on y selfie à tous vents.
La poutine au philly steak désormais en processus de digestion, l’appel à la démesure électronique se fait ressentir.
Tête d’affiche du spectacle extérieur, le trio A Tribe Called Red impressionne à tous les instants avec un DJ set de haut calibre, qui mélange pow wow step, dancehall, trap et électro. Encore une fois, les trois Ottaviens montrent qu’on peut faire de grandes choses tout en ayant l’air de chiller paisiblement.
À plusieurs reprises, une talentueuse danseuse prend d’assaut la scène avec différents accoutrements. Considérant les mouvements limités de Bear Witness, cette présence ajoute un certain dynamisme à la performance.
Avant de quitter pour divers horizons, nous savons apprécier ce moment de franche rigolade au bar.
Un coup l’hilarité générale terminée, nous décidons de poursuivre notre éreintant périple vers un haut lieu de la mélomanie thérésienne : le chic Café Bistro Monte Cristo. Dès que nous gravissons les toutes premières marches nous menant à la salle de spectacle, la voix envoûtante d’Helena Deland se fait entendre.
Livrant sa pop dreamy avec une émotion palpable, la jeune auteure-compositrice-interprète captive la foule présente. Ressemblant le temps d’un instant à une assistance du Mile-End, le public dodeline lentement la tête au son des instruments, rêveur. Le bassiste, pour sa part, s’amuse fort.
D’une chanson à l’autre, d’une grosse Pabst à la suivante, nous nous sentons de moins en moins loin de notre confortable Montréal dans cette salle de spectacle normalement plutôt destinée au billard et au karaoké. Du moins, c’est ce que laisse croire la liste d’événements que l’on retrouve sur le site web de l’établissement.
La splendide Deland fait bientôt place aux hurleurs membres de Dilly Dally pour le plaisir de tout ce qu’il y a de punk dans le bar. Arborant fièrement coupes de cheveux extrêmes et fishnet percé aux bras, la troupe de heavy-troubadours brasse la cage du public, qui est manifestement pris par surprise dans les premiers instants.
Heureusement, la voix rauque et puissante de la chanteuse finit par faire son chemin vers les tympans les plus réticents, et on assiste rapidement à un resserrement de l’assistance autour de la scène. Les plus doux se mettent à se shaker la tête de mouvements de plus en plus amples, jusqu’à ce que l’on assiste à de véritables et authentiques headbangs.
Conquise, la salle en redemande et le groupe livre la marchandise grâce à ses guitares agressives, sa batterie puissante et autres râles soutenus. Infatigable, la frontwoman dégage une énergie communicative qui prend d’assaut les corps lourds et enivrés de cette demeure temporaire de l’émergence.
Nous sommes enchantés, la susmentionnée Pabst coule à flot, alouette. Nous y allons d’un second selfie thématique.
Vers minuit, nous devons malheureusement cesser nos activités musicalo-houblonnées afin d’attraper le dernier passage de la 9 Saint-Jérôme. Un mal pour un bien vous direz, car en chemin, nous croisons l’Académie Chien, qui offre plusieurs activités canines prometteuses.
L’avenue Mont-Royal devrait prendre des notes.