Ode à L'Infonie: Viens danser le «O.K. Là»!
Musique

Ode à L’Infonie: Viens danser le «O.K. Là»!

Le «333 ToutArtBel» présente un programme hommage à l’un des ensembles les plus importants de l’histoire de la musique au Québec: L’Infonie!

Le 50e anniversaire d’Expo 67, c’est aussi celui de la rencontre entre Walter Boudreau et Raôul Duguay, qui se sont croisés pour la première fois sur les lieux de la grande fête internationale. De cette rencontre allait naître L’Infonie, un groupe hybride d’artistes dont les concerts étaient, jusqu’en 1974, de véritables happenings où la poésie, le conte et la performance convergeaient sur fond de rock, de jazz d’avant-garde et de musique contemporaine.

L’histoire de L’Infonie peut être retracée à travers sa discographie (le troisième album, Vol. 333, paru en 1972, a été réédité en vinyle à la fin de l’année dernière par Mucho Gusto – on y trouve la grande pièce PAIX, chef-d’œuvre de L’Infonie), quelques films (dont L’Infonie inachevée, 1973, de Roger Frappier) et un livre (L’Infonie – le bouttt de touttt, 2000, de Raôul Duguay, aux Éditions Trois-Pistoles). Le portrait de Raôul Duguay qu’a rédigé Louise Thériault, L’arbre qui cache la forêt, paru en avril dernier aux Éditions du CRAM, compte aussi quelques bonnes pages sur L’Infonie. Walter Boudreau organise encore à l’occasion, à travers son poste de directeur artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), des événements d’essence hautement infoniaque, comme l’interprétation d’In C de Terry Riley par la SMCQ avec Duguay, publiée chez ATMA en 2000 (L’Infonie enregistrait la pièce en 1970) ou la Symphonie du millénaire, en 2000, donnée en « toupartouphonie » par 333 musiciens.

"L'Infonie au Kiosque International de l’Expo, en 1970" (photo fournie par Walter Boudreau)
« L’Infonie au Kiosque International de l’Expo, en 1970 » (photo fournie par Walter Boudreau)

Il était temps que quelqu’un offre un hommage digne de ce nom à ce gros morceau de notre histoire, mais les choses ont bien failli se passer très mal… C’est que le concepteur du projet, Philippe Hode-Keyser (ensemble Kappa), peut-être trop absorbé par l’ampleur de la tâche, n’a malheureusement pas pensé à faire part de son projet à Walter Boudreau, principal compositeur du répertoire du groupe. Sur Facebook, les esprits ont commencé à s’échauffer au début du mois; Guy Thouin (ou Yug Niuoht, selon la tradition infoniaque), batteur et fondateur du Quatuor de jazz libre du Québec et cofondateur de l’Infonie, pestait dans quelques messages contre cette façon de faire, concluant par «Comme disaient les Infoniaques: SHOUUUUU.» Boudreau, que l’on sait très respectueux de la musique des autres, n’en demande pas moins quand il s’agit de la sienne… Apprenant que l’ensemble répétait déjà depuis février, il écrivait à l’organisateur: «Comprenez bien que je suis inquiet et le demeurerai jusqu’à ce que j’entende de mes oreilles ce que vous avez fait de ma musique, et ce, à mon insu.» La menace d’une interdiction planait…

Mais Boudreau a en effet assisté à une répétition et il en est ressorti… comblé! «Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir l’incroyable travail accompli de «reconstitution» de PAIX. Il est plus qu’admirable, franchement surprenant et m’a impressionné au plus haut point! Tout (…) y est restitué dans le texte avec brio et conviction, et même les deux chanteurs – que la difficile prestation «personnelle» de Raôul exige – s’en tirent avec plus que les honneurs de la guerre!» Le compositeur donne son imprimatur en précisant: «Les musiciens sont jeunes, excellents et manifestent un enthousiasme communicatif en naviguant allègrement dans les nombreux (et dangereux) méandres rythmiques de PAIX!» Guy Thouin, pour sa part, commente: «Je trouve dommage qu’on ne nous ait pas informés plus tôt, ça aurait évité cette petite tempête, m’enfin. Ça va me donner l’occasion de voir l’époque de L’Infonie que je n’ai pas vue, parce que j’étais en Inde occupé à trouver autre chose.»

À quelques jours de l’événement, le directeur de l’ensemble 333 ToutArtBel, Philippe Hode-Keyser, conclut: «L’Ode à l’Infonie représente une occasion unique de témoigner de l’intelligence créatrice que L’Infonie a su léguer à l’univers culturel qui nous incombe et constitue l’insigne opportunité d’exposer l’essence même de son élan vital à une nouvelle génération avide de s’abreuver de la démesure, de l’inopinée et de l’insolite que sous-tend avec ferveur et rigueur la perspective infoniaque. Voilà donc l’une des multiples façons de rendre hommage avec déférence aux «enfants de la contreculture» et ainsi éluder l’hébétude, le repli, le statisme chronique, voire la régression obscurantiste.» On y court.

Ode à L’Infonie
1er juin 2017, 20h, La Sala Rossa
Dans le cadre du Suoni Per Il Popolo
suoniperilpopolo.org