Les soeurs Boulay à Petite-Vallée et l'importance de la transmission
Musique

Les soeurs Boulay à Petite-Vallée et l’importance de la transmission

Fières Gaspésiennes, les soeurs Boulay sont les complices de l’artiste-passeur Patrick Norman dans le cadre du 35e Festival en chanson Petite-Vallée qui se déroule dans la région jusqu’au 8 juillet.

Mélanie et Stéphanie Boulay connaissent bien l’organisation du festival. Originaires de New Richmond (à 4h environ de Petite-Vallée), elles ont toutes les deux eu une formation musicale au Camp chanson de Petite-Vallée à l’adolescence. Séparément ou ensemble, les soeurs Boulay ont également pris part au festival à de nombreuses occasions ces dernières années.

Mélanie: «On est ici pour une semaine. C’est la première fois qu’on vient au festival et qu’on a le temps de profiter, de voir des shows, de relaxer, de manger du homard, de voir notre famille.»

Stéphanie: «Notre père est ici et il y serait même si on n’était pas là, comme c’est le cas pour plein de gens de la région qui attendent l’événement chaque année.»

Mélanie: «C’est une des dernières activités culturelles qui restent de ce coté-ci de la Gaspésie – sauf à Gaspé avec le Festival du bout du monde. On vient de la Baie-des-chaleurs plus au sud, mais on a passé pas mal toutes nos fins de semaine ici jusqu’à l’âge de 15 ans.»

VOIR: Est-ce qu’il y a différentes mentalités entre les deux coins?

Mélanie: «C’est deux mondes complètement, le nord et le sud de la Gaspésie. Moi, je me sens moitié-moitié.»

Stéphanie: «Y’a quelque chose ici qui est plus rough, authentique, rude, que du coté sud. Les gens sont plus intéressants à côtoyer parce qu’ils ont des histoires. Y’a une culture de l’oralité et un respect des traditions plus grandes aussi.»

Mélanie: «À la Baie-des-chaleurs, c’est plus chaud l’été. Ici, j’ai l’impression que ce sont des survivants, des gens qui ont bûché plus dur dans la rudesse du climat. C’est beaucoup de villages de pêcheurs donc quand la pêche en mange une claque, les gens doivent se débrouiller avec autre chose comme aller dans les mines.»

Stéphanie: «C’est un coin qui se vide [la population de Petite-Vallée est de 142 personnes présentement, en baisse], mais c’est pas pour rien. On dirait que les gouvernements veulent que ça se vide. Les subventions sont coupées partout. Le festival est un survivant de tornades. Alan Côté [directeur général et artistique] est un passionné est s’est débattu comme un diable dans l’eau bénite. C’est fou que ça existe encore, mais en même temps, ça ne pas ne plus exister. Y’a autant de bénévoles qu’y’a de résidents à Petite-Vallée. Le nombre de bénévoles diminue parce que y’a pas de jeunes tant que ça qui prennent la relève. Et si y’a pas de festival, y’en aura encore moins. Le festival fait vivre le coin, économiquement et humainement.»

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Si le village se vide, Petite-Vallée compte toutefois sur un festival qui attire une jeunesse et un organisateur dévoué à la transmission de la chanson francophone. En plus du Camp chanson, il y a la Petite école, qui rassemble des centaines d’enfants de Gaspésie, du Nouveau-Brunswick, du Bas-St-Laurent et d’autres régions du Québec. Ceux-ci ont la chance de se coller aux mots de nos chanteurs et chanteuses et en comprennent leur valeur. Un record de 425 enfants de la Petite école ont rendu hommage à Patrick Norman et aux Soeurs Boulay lors du concert d’ouverture du festival, sous le grand chapiteau à Grande-Vallée jeudi. «Ils voulaient qu’on entende rien avant le spectacle donc c’était une surprise, dit Mélanie. On a rencontré les enfants 15 minutes avant le show. J’avais oublié à quel point les enfants avaient de l’énergie! C’était un tonnerre de cris et d’applaudissements. Steph a braillé tout le long du show. C’était beau et émouvant.»

Les soeurs Boulay et les jeunes de la Petite école ont chanté pour nous une pièce composée pour les écoles primaires du Québec dans le cadre des Journée de la culture. Puisque les enfants de la Petite école figurent sur l’enregistrement de la chanson, le concert de jeudi était un moment tout indiqué pour qu’ils nous l’offrent en primeur sur scène ensemble. En entrevue, Mélanie et Stéphanie ont réitéré l’importance de l’éducation de la culture chez les jeunes en région.

Stéphanie: «Nous deux, on a été chanceuses. On a eu un contact avec une professeure de chant quand on était jeunes. Elle était exceptionnelle. Elle nous a transmis l’amour de la musique, des mots, de la culture. Des profs de musique, y’en pleut pas en Gaspésie. J’aurais voulu faire de la danse, du ballet, de la gymnastique quand j’étais jeune, mais y’avait pas de cours comme ça ici. Je me demande ce que je serais devenue si j’avais eu accès à ça. Je trouve ça donc important que les jeunes qui ont la passion de la musique puissent avoir un contact avec ça comme on l’a eu.»

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Samedi soir, Mélanie et Stéphanie étaient de retour sur la scène du chapiteau, cette fois-ci pour leur propre concert devant quelques centaines de personnes. La soirée était fort rassembleuse. En guise de surprises, les soeur Boulay ont invité sur scène trois femmes: Amylie, Marie-Pierre Arthur et Klô Pelgag. Si le Festival en chanson Petite-Vallée, lui, offre une belle représentation d’artistes féminines dans sa programmation, c’est loin d’être le cas pour tous les festivals, chose que déplore les soeurs Boulay. Elles sont d’ailleurs les co-instigatrices du mouvement Femmes en musique (FEM) qui fait du bruit depuis quelques semaines.

Stéphanie: «On a épluché toutes les programmations de festivals et j’ai fait des recherches de statistiques. J’ai réalisé qu’à l’ADISQ, y’avait presque jamais de femmes qui avait remporté le prix auteur-compositeur de l’année. On a réalisé qu’il y avait souvent moins de 20% de représentation féminine dans les festivals. On a approché d’autres artistes et on a tous mis notre grain de sel pour la lettre. J’ai l’impression déjà là que les gens sont plus sensibilisés et que ça va changer.»

Mélanie: «J’ai hâte de voir, mais je suis convaincue que l’année prochaine, les programmateurs vont faire une deuxième vérification à cet effet avant de lancer leur festival.»

festivalenchanson.com