Il est loin le temps de son premier album solo (Exposure en 1979), alors que le guitariste émérite, gêné par l’étiquette « prog rock » en pleine explosion punk, se baladait avec un macaron disant « I am NOT Robert Fripp »… Aujourd’hui, 47 ans (!) après la publication du premier disque, viral avant la lettre, de King Crimson, le groupe récolte enfin tout ce qu’il a semé au fil de ses multiples transformations, et il peut en jouir à bon droit.
King Crimson n’est plus le petit combo de jazz sauvage qu’il était à l’époque de Earthbound (1972), alors que Fripp et le saxophoniste Mel Collins formaient la moitié du groupe, et ils peuvent bien se surprendre d’être invités aujourd’hui dans un festival de jazz (comme l’écrit Tony Levin sur sa page). De ce côté-ci de la scène, on ne chipote pas et on remercie Laurent Saulnier d’avoir booké ça! D’autant plus, d’ailleurs, qu’en bon prophète de malheur, j’étais bien certain que les concerts des 16 et 17 novembre 2015 étaient les derniers que le groupe donnerait à Montréal…
Alors, ça a changé depuis ce retour en 2015? Pas vraiment, non. À part l’arrivée de Jeremy Stacey au sein du trio de percussionnistes à l’automne 2016, pour remplacer Bill Rieflin qui avait choisi de prendre un congé (et qui est maintenant de retour comme huitième homme, relégué, derrière ses claviers, à un rôle de coloriste qui ne se fait pas trop remarquer), le seul changement, c’est une cohésion encore plus grande, ce qui n’est pas rien considérant ce que les gars ont à jouer… Oh, et, tout de même, l’ajout de deux pièces vocales de l’époque d’Adrian Belew, dont l’ombre était étonnamment tout à fait absente du répertoire de la tournée précédente. Cette fois-ci, on ouvre carrément le concert avec Neurotica (de l’album Beat, un titre passablement de circonstances!), et on aura en deuxième partie de concert une Indiscipline d’anthologie, durant laquelle le jeu des trois batteurs est une véritable démonstration de savoir-faire. Jakko Jakszyk fait ce qu’il peut pour s’approprier les paroles de ces chansons, mais le souvenir de Belew restera difficile à effacer. Outre ça, il y a quelques variations dans le répertoire (Fallen Angel au lieu de One More Red Nightmare, par exemple, et Lizard, dont on nous offre la troisième partie), mais les « nouveautés » sont les mêmes (le trio de batteries de Devil Dogs Of Tessellation Row, et Meltdown, jumelée à Radical Action II).
Évidemment, un pareil groupe n’est sans doute pas facile à sonoriser (la scène est un véritable festival du gear), et la première partie a été assez pénible de ce côté-là, mais on s’est rattrapé en deuxième, avec une nette amélioration dans le découpage et la clarté de l’ensemble. Montréal a eu droit aux grands hommages, avec un programme très fourni, complété par un rappel d’enfer de trois chansons: In The Court of the Crimson King, Heroes, pour saluer l’ami Bowie, et pour finir, une 21st Century Schizoid Man comme seul ce groupe-là peut la jouer, et incluant un solo de batterie de Gavin Harrison qui valait presque la soirée à lui seul.
Pas vu beaucoup de jeunots dans la salle, mais la compagnie du bon vieux temps en a eu pour son argent! Bref, le roi n’est pas mort, loin de là, et on s’en réjouit encore.
Setlist
1ère partie
Neurotica
The Construction of Light
Peace
Red
Fallen Angel
Devil Dogs Of Tessellation Row
Cirkus
Lizard: The Battle of Glass Tears (Dawn Song, Last Skirmish & Prince Rupert’s Lament)
Island
2e partie
Pictures of a City
Indiscipline
Easy Money
The Letters
Meltdown
Radical Action II
Level 5
Starless
Rappel
The Court of the Crimson King
Heroes (David Bowie)
21st Century Schizoid Man
King Crimson sera en concert à Québec le 7 juillet (Centre Vidéotron)