L’annulation du concert de Solange a jeté de l’ombre sur le second jour d’Osheaga, idem pour son remplaçant (Lil Uzi Vert) qui s’est lui même désisté, mais la malchance n’aura pas eu raison de mon plaisir hier au Parc Jean-Drapeau. Retour fragmenté.
14:45. Ma journée de s’entame avec Peter Peter, artiste que j’ai bien dû voir une dizaine de fois, artiste qui meuble mes allers-retours entre Québec et Montréal, bien souvent. On le sentait accablé par la chaleur, n’importe quel chanteur l’aurait été, soucieux de garder quelques onces d’énergie en réserves pour mieux exposer ses (nouveaux) pas de danse alla Ian Curtis en fin de parcours. Seule ombre au tableau en ce qui me concerne: ces réarrangements organiques qui éclipsent les synthés et les pulsations presque house sur Bien réel. Sur toutes les pièces plus électro, en fait. Or, et outre ses textes ultra travaillés, c’est justement ce qui me plaît le plus sur Noir Éden.
15:25. Je me dirige vers la Scène de la montagne pour la sensation française Jain, pétillante femme orchestre qui allie échantillonages de voix mis en boucles, rythmes d’inspiration africaine et phrasé presque rap à l’occasion (Impostor) avec fougue. Une prestation toute en modestie (« oups, je m’excuse c’est moi qui me suis trompée », lancera-t-elle au technicien) et en charisme pour cette chanteuse unique dans le paysage pop actuel. J’aime aussi comment elle interagit avec la foule, notamment en « samplant » la voix des gens à l’avant sur Come, mais aussi en réussissant à nous faire faire à peu près n’importe quoi.
Puis vient une petite pause qui m’amènera à tergiverser sur le site, entre Petit Biscuit (DJ tout sauf statique), la soul polie et honnête de Honne puis le DJ set de Young Galaxy qui sera finalement pré-enregistré. Oui, le type est simplement venu peser sur play et est reparti. C’était, c’est le moins qu’on puisse dire, particulier.
18:30. Retour à la scène de la montagne pour Broken Social Scene, mythique band torontois qui incarnait à mon sens la quintessence de la coolitude indie rock lorsque j’étais adolescente. Les membres de ce groupe à géométrie variable ont vieilli, moi aussi d’ailleurs, mais ils ont livré un récital sans faille sur le plan musical. Ils ont même invité Emily Haines, la leader de Metric, qui a volé la vedette à tout le monde même en tentant de se montrer mille fois plus décontractée qu’à l’habitude.
20:20. La pluie n’a pas eu raison du récital de Father John Misty, gentleman ironique, charmeur pince-sans-rire devant l’éternel. Il s’était, cette fois, entouré de huit musiciens de haut niveau pour livrer ses textes parfois drôles, mais qui livrent aussi un regard amer sur notre époque. Des petits bijoux de chansons souvent désamorcés par des blagues ou cette gestuelle fantaisiste propre à son personnage. Comme toujours, c’était beau, c’était drôle, aussi théâtral (voire clownesque) que musicalement épatant.
21:25. Mon dernier choix s’arrête sur le compositeur américano-chilien Nicolas Jaar, de la visite rare. Très différent sur scène, il nous a offert un concert à la frontière de l’art audio, une proposition expérimentale étrange et envoûtante à la fois qui cadrait hyper bien avec la Scène de l’île. Le parterre, un espace d’immense tapis flottant, tanguait au rythme de ses tracks et sous le poids des basses fréquences. Une expérience multisensorielle assez unique qui m’a donné l’impression de vivre mon premier semblant de rave.