Musique

Max Cooper à Mutek : Le monde selon Max

Le producteur irlandais Max Cooper vient présenter son ambitieuse œuvre Emergence ainsi que le tout nouveau projet Hyperform dans le cadre de MUTEK.

Dire que Max Cooper est un artiste occupé serait un euphémisme. Depuis 2007, le prolifique producteur et DJ enchaîne les projets, albums, sets DJ et tournées sans jamais perdre la cadence. Détenant un doctorat en biologie des systèmes, Max Cooper est ce qu’on pourrait appeler un artiste scientifique. Sur sa dernière œuvre, l’imposante Emergence, le natif de Belfast s’est plongé dans un projet de longue haleine qui lui a demandé plus de trois ans de travail et dans lequel il marie ses passions pour la science, la musique et les arts visuels d’impressionnante façon. Oeuvre musicale et visuelle en 25 chapitres et créée en compagnie de plusieurs artistes AV, mathématiciens et musiciens, Emergence explore librement les relations entre la science, la technologie et l’humain. Si la chose entière est résumée sur son site avec des explications complètes, les crédits, la musique et les vidéos (emergence.maxcooper.net), Max Cooper a bien voulu tenter de nous résumer tout ça avant son passage à MUTEK. 

Voir – Peux-tu nous expliquer ce que le titre – Emergence – signifie pour toi et ce qu’il implique, ainsi que l’ensemble du concept derrière ce spectacle et le disque?

Max Cooper – La science porte habituellement sur le réductionnisme, séparant les choses en parties de plus en plus petites pour en expliquer le fonctionnement. L’émergence est lorsque ce raisonnement ne s’applique pas, et les plus petites parties du système ne peuvent pas expliquer toutes les propriétés de l’ensemble. Prends ta pensée, par exemple, Elle n’est pas située dans un type ou l’autre de molécule ou de cellule, c’est une propriété qui est le fruit d’interactions complexes de nombreuses parties. L’album est une exploration de la façon dont cette idée peut être appliquée à la nature dans son ensemble, en regardant quelles sortes de systèmes ont fonctionné tout au long de l’histoire de l’univers et ce qui est sorti de tout ça – en commençant par les lois naturelles abstraites les plus basiques et les structures telles que la symétrie et la structure des nombres par l’entremise des nombres premiers, jusqu’à la naissance de l’univers physique, la formation des étoiles et des planètes, les processus géologiques, la naissance de la vie, l’évolution, la vie complexe, la civilisation, les structures humaines abstraites, l’ère numérique et l’avenir. Il y a 25 chapitres dans cette oeuvre, chacun avec son propre vidéo, créé par un artiste différent à chaque fois. J’ai écrit la musique en parallèle, pour qu’elle puisse s’adapter à l’histoire visuelle, comme une bande sonore de film traditionnel.

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Voir – Comment le spectacle et l’album ont-ils été conçus et complétés? Quel a été le processus de travail?

M.C. – C’était un choix naturel compte tenu de mes antécédents en sciences et de mon amour des arts visuels et de la musique. C’était juste une façon de mettre tous mes intérêts dans un seul projet. Il a fallu beaucoup de temps pour créer tout cela, puisque j’ai dû chercher et ensuite travailler avec les nombreux artistes visuels et collaborateurs musicaux que j’avais trouvé. Tout ce travail a été fait en fonction d’un spectacle, afin que je puisse jouer tous les éléments visuels et audio en direct, en travaillant avec le contenu d’origine.

Voir – D’habitude, un spectacle est monté à la suite d’un album, mais toi tu as fait le contraire. Comment alors as-tu transposé l’esprit et l’âme de la performance AV sur l’album?

M.C. – J’ai commencé à présenter en tournée une première version du projet tout en continuant à travailler sur la musique et le contenu visuel, testant tout ça dans les spectacles et m’ajustant selon ce qui semblait fonctionner. En fait, il n’était même pas question de faire un album au départ, le concept global a juste continué à engendrer de plus en plus d’idées que je me devais d’essayer, et l’album est en quelque sorte un sous-produit de ce processus. Cependant, je n’ai pas essayé d’intégrer un élément live dans l’album; le disque est conçu pour être un projet autonome qui peut se tenir seul, mais il suit toujours l’arc narratif du spectacle en direct, à partir des principes abstraits fondamentaux puis devenant plus complexe alors que l’univers et son contenu se développent au fil du temps.

Voir – Mesh est une nouvelle étiquette de disque que tu as créé pour ce projet. Peux-tu nous en parler et nous dire ce que tu comptes accomplir avec ce label?

M.C. – Emergence a été la première parution chez Mesh. L’idée sous-jacente est que chaque parution soit liée à un projet de création plus large, afin d’expérimenter, de développer des façons d’utiliser la musique dans de nouveaux contextes. Quelques-uns de mes autres projets qui devraient voir le jour sur Mesh incluent une collaboration avec des généticiens de l’Institut Babraham et Andy Lomas pour créer une visualisation en réalité virtuelle des données réelles de l’agrégation de l’ADN (la complexité des structures chromosomiques issues de longues chaînes d’ADN), ainsi qu’un projet d’installation physique du champ lumineux appelé Aether. J’ai plusieurs projets en cours, chacun étant lié à un autre type de collaboration, en se concentrant un peu sur le potentiel de développement de logiciels expérimentaux dans la production musicale. Ce sont tous des terrains d’exploration fascinants, nous essayons simplement de bâtir une communauté de gens qui souhaitent vraiment essayer de nouvelles choses.

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Voir – Quelle importance accordes-tu aux rythmes, autant pour l’album que les performances AV d’Emergence?

M.C. – Parfois, je participe à des événements où le public est assis, je peux alors me concentrer sur le côté plus ambiant et expérimental des rythmes. D’autres fois, c’est plus un événement de club où le rythme devient le point principal. En ce qui concerne l’expérience d’une écoute chez soi, c’est le flux constant et détaillé des rythmes qui devient le centre d’intérêt en ce qui me concerne; je passe beaucoup de temps à essayer de créer une structure sans échelle où plus tu écoutes, plus tu découvres. C’est de la musique autant pour une bonne paire d’écouteurs ou un bon système de son à domicile que pour n’importe quel environnement de performance live. Plus ton système de son sera efficace, plus l’objectif sera atteint.

Voir – Emergence se situe dans l’ensemble de ton travail, si tu le mets par exemple en parallèle à tes autres œuvres?

C’est certainement mon projet le plus abouti, qui rassemble tout au même endroit. C’est aussi mon album le plus récent, mais le prochain devrait être encore mieux et plus complet. C’est un voyage sans fin, il y a tellement à apprendre. Je ne cesse de lire, de penser et d’essayer de faire avancer les choses avec l’espoir que certaines personnes aimeront ce que je fais. Je me suis assez éloigné des trucs plus club traditionnels sur lesquels j’avais l’habitude de me concentrer, et je trouve cela désormais difficile de m’intégrer dans ce genre d’environnement parfois, mais heureusement, il semble y avoir assez de gens ouverts à mon genre de projets, donc je fais encore des DJ sets afin de garder toujours un pied dans le monde des clubs. Je suppose qu’avec le temps, je vais faire de moins en moins de DJ sets et me concentrer davantage sur les projets du label.

Voir – En plus d’Emergence, tu vas aussi présenter le projet Hyperform à la SAT. Chez Max Cooper, un projet n’attend pas l’autre?

En effet. J’ai un nouveau EP qui va paraître sur Mesh vers le mois de novembre et une compilation mixée au début de l’année prochaine, suivie d’un nouvel album à la fin de l’année, ainsi que de plusieurs projets collaboratifs avec des artistes, des architectes et des musiciens. C’est un horaire de travail trépidant, sans compter les tournées en plus de tout ça. Je vais devoir me calmer un peu bientôt mais, pour l’instant, il y a beaucoup de choses intéressantes sur la table. Il y a aussi le tout nouveau projet Hyperform qu’on lancera cette semaine à MUTEK. C’est avec l’artiste visuel Maotik et le mathématicien Dugan Hamac. Nous travaillons avec la SAT sur une expérience visuelle et audio «surround» totale dans le dôme, racontant l’histoire de la dimensionnalité – comment l’espace est construit et comment il peut envelopper le public dans plus que les 3 dimensions habituelles. La première a lieu mercredi!

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Max Cooper présente Émergence, le 22 août à la SAT; Hyperform le 23 août à la SAT

Mutek, du 22 au 27 août: mutek.org

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