Musique

Chasser les mécanismes

Benoit Pinette chasse les mauvaises herbes sur Désherbage, quatrième album de Tire le coyote, qui pourrait laisser place à un nouveau chapitre musical ces prochaines années.

«Pour être franc, c’est probablement l’album qui a été le plus dur à pondre», lance Benoit Pinette, alias Tire le coyote. À la suite du succès de son troisième disque Panorama (2015), le chanteur et musicien folk rock a vécu sa plus grosse tournée. Toutefois, ce rayonnement accru a créé une certaine pression chez lui quant à la direction de ce nouvel album intitulé Désherbage. «C’est toujours difficile de trouver l’équilibre entre évoluer et rester fidèle à son style musical, explique-t-il. Je me suis mis à imaginer les gens qui ont des gros succès populaires. Ça m’est jamais arrivé, mais je me dis que quand tu sors un nouvel album après un succès comme ceux d’Alex Nevsky ou de Patrice Michaud, ça doit être tough de juste se laisser aller sans penser à la mise en marché, le marketing et tout ça.»

Benoit Pinette s’est aussi lancé en terrain inconnu pour la création de Désherbage, son nouveau disque qui met en valeur sa poésie sensible au vocabulaire riche et sa voix si singulière rappelant Neil Young. Lui qui était habitué d’écrire des chansons ici et là, sur la route ou ailleurs, a composé cette fois-ci en bloc pendant quelques mois. Il explique que cette bulle créative s’est avérée être un défi supplémentaire. «C’est la première fois – financièrement – que je pouvais me permettre d’arrêter et de juste écrire. Ma tournée s’est terminée en septembre 2016 et je me suis donné jusqu’à Noël pour écrire le plus possible l’album. Bien honnêtement, j’ai pas aimé ça et je ne le referai plus! Ça met de la pression, avoir un temps précis pour écrire tant de chansons. Ça m’énervait.»

Mais lorsqu’on travaille ainsi sur un album, intensément sur une courte période, n’arrive-t-on pas plus aisément à un fil conducteur? «Je me suis posé la question aussi et la réponse est oui, pour la moitié d’un album, et à un moment donné, après cinq ou six chansons sur les mêmes sujets, j’ai besoin d’aller ailleurs. Même si je veux que ça se tienne, je peux pas réfléchir à un album comme un album-concept.»

Des thématiques abordées dans les textes de Désherbage, on retient l’enfance et la nostalgie. «Mes enfants sont rendus à cinq ans et sept ans, c’est pourquoi l’enfance revient quelques fois sur l’album, confie-t-il. Pour la pièce-titre, j’ai imaginé un genre de première peine d’amour quand t’es adolescent. J’ai voulu me plonger dans cette période qui est tellement importante dans une vie. C’est fou à quel point ça forge ce que tu vas devenir comme personne. C’est un moment dans la vie où tu développes certains mécanismes et on se rend compte en ayant ses propres enfants qu’on a besoin de s’en défaire comme parent pour ne pas recréer les mêmes patterns

Pour la confection de Désherbage, Benoit Pinette a demandé à deux amis guitaristes, Benoit Villeneuve (Shampouing) et Simon Pedneault, de se joindre à lui à la réalisation. Ensemble, ils ont trouvé la recette pour bien amalgamer l’énergie plus brute de Shampouing, collaborateur de longue date de Tire le coyote, et celle plus mélodique de Pedneault. «L’harmonie dans les guitares donne une puissance à l’album», commente Benoit Pinette. La palette de couleurs semble être plus large sur ce quatrième disque, en partie grâce à l’apport plus important de piano et de claviers. «On est encore dans le folk, mais le côté country et les racines de musique américaine sont moins présents et ça, c’est très volontaire, dit le principal intéressé. Y a des tounes qui demandaient à être plus “rentre-dedans”, mais les claviers amènent un côté plus ambiant. Donc c’était cette idée d’aller aux extrêmes, mais sans oublier que la toune était composée à la guitare acoustique et que ça reste du folk. Pour la suite, je pense déjà à un prochain album – qui ne sera peut-être pas du Tire le coyote – que je ferais à partir de claviers.»

Voilà qui pique notre curiosité. Tire le coyote tirerait à sa fin? Pas tout à fait, dit Benoit Pinette. Mais avant de penser à un cinquième album de son groupe, il sent l’appel de faire une parenthèse musicale. «Tire le coyote, ça va faire 10 ans que ça existe en 2018. Artistiquement, ça fait 9 ans que je ne fais que Tire le coyote, que je compose seul chez moi. Plus t’as d’albums, plus l’espèce de bulle de ce que t’as envie de dire comme artiste rétrécit. Pis là, je me suis demandé si j’étais pas rendu au bout de ce que Tire le coyote avait à dire. J’aurais envie de faire éclater la bulle. En changeant de nom, je pourrais vraiment aller ailleurs. Pas que je renie tout, parce que je suis super content de l’évolution de Tire le coyote, mais j’aime pas m’emmerder et je suis vraiment critique avec moi-même. Donc si j’ai pas l’impression d’amener le projet ailleurs, je peux pas le faire.»

Avant de découvrir Benoit Pinette sous un nouveau jour, on le suit avec grand plaisir dans les champs et on se «désherbe» l’esprit avec ce nouvel album.

Désherbage 
(La Tribu) 
Sortie le 22 septembre

Tire le coyote est l’un des porte-parole de la 22e édition des Francouvertes (francouvertes.com)