Musique

Philippe Brach: L’illusionniste

Fidèle à lui-même, c’est à travers un véritable «stunt» publicitaire que Philippe Brach a décidé d’annoncer son prochain album, Le silence des troupeaux. Mais le principal intéressé souligne que ce n’est pas une blague. Ce n’est ni plus ni moins qu’une illusion.

D’entrée de jeu, Brach est catégorique: «T’es aussi ben [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=sE32fXg3GC4″]de pas écrire que c’t’une joke. Le but c’est pas de rire de personne.[/youtube]» C’est ainsi qu’il décrit Troupeaux, cette chanson lancée en août dernier pour annoncer son prochain album qui ne s’y retrouvera finalement même pas. «On s’est inspirés de tounes qui vendent du 100 000 albums, mais c’est pas pour alimenter la machine à hate. Les gars (2Frères) avaient complètement compris le niveau du truc pis ils ont embarqué. Concrètement, la toune, on s’en câlisse. C’pas bon, c’pas mauvais, y en a pas de vérité dans la vie. Je voulais juste aller là où on m’attendait pas.» Dans le même ordre d’idées, ce n’est pas à d’autres chansons du genre qu’il faut s’attendre sur ce troisième opus de Brach. Au contraire, l’artiste y navigue dans des eaux plutôt novatrices et nous amène plus loin dans son univers musical, recrutant au passage Jesse Mac Cormack à la coréalisation et La Controverse (Gabriel Desjardins) aux arrangements.

C’est avec cette offre qu’il tire un trait sur ce que l’on pourrait qualifier de trilogie initiatrice: «Ces trois albums, c’est comme un triptyque. À chaque fois, j’y mettais en scène une présence animale pis moi-même, dans une volonté de reprise de mon instinct perdu. Sur La foire et l’ordre, j’en étais comme témoin, sur Portraits de famine, ça devenait vraiment plus familier et sur celui-ci, de façon vraiment plus incarnée, c’est moi-même qui deviens comme une créature entre l’humain pis l’animal. Le but de tout ça, c’était de me définir artistiquement, de sorte qu’après ça, je puisse aller dans d’autres zones sans constamment avoir à me définir ou à me justifier. Ces trois albums-là c’est comme: “Bon, voilà ce que je suis, astheure allons ailleurs pis posons-nous des questions.”»

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Justement, Philippe Brach n’est pas le genre d’artiste à éviter les questions. Témoin du monde moderne et de ses problèmes, il s’en est inspiré pour Le silence des troupeaux. «On est comme à un moment pas très glorieux pour l’être humain en ce moment. On dirait que dans toutes les sphères, y a quelque chose qui marche pas. Pis moi, ce que je fais à longueur de journée, c’est parler de moi? C’est quand même absurde. On a jamais été autant connectés, rejoignables, pis en même temps on dirait qu’on a jamais autant eu, collectivement, notre tête dans notre cul. Pis moi le premier, là! Je me suis dit: “Crisse, on peut-tu se poser des questions majeures pis essayer de faire de quoi avec tout ça?” C’est un peu ça, Le silence des troupeaux. Au final, oui, ça reste un album personnel, mais les thèmes abordés vont vraiment plus vers l’autre.»

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photo : Antoine Bordeleau

Parlant entre autres de la guerre et de racisme sur cet opus, Brach s’est demandé s’il ne faisait pas que tomber dans la redite et s’il n’allait pas être reçu comme rien de plus «qu’un autre» qui vient ajouter son grain de sel dans des débats clos. «T’sais, t’arrives en 2017 pis tu parles de racisme, tu te dis: “Hey, y en a du monde qui sont passés sur cette discussion-là, t’as peut-être pas ta place là-dedans, le grand.” Pis là, pendant qu’on enregistrait l’album, y a eu Charlottesville. Pis là, j’ai allumé. On a beau en avoir fait, du progrès, on est encore vraiment cons. Pis y faut encore en parler. C’est plate en ostie à dire, mais c’est encore dans l’air du temps.»

Du côté musical, Brach se réaffirme dans ses fondations folk-bluesy, mais la présence de l’orchestre se fait sentir fortement. Allant d’influences telles que Nat King Cole à l’ouverture du Sacre du printemps de Stravinsky, Le silence des troupeaux est une créature unique. «C’est sûr que le monde va me reconnaître, c’est du Brach. Mais je pense que c’est encore plus assumé, plus réfléchi, peut-être plus straight to the point, d’une certaine manière. Je savais où je m’en allais, je me suis entouré des bonnes personnes pour mener le projet au bout. On s’est gâtés, y a 41 musiciens sur cet album-là. J’pense que je tourne la page sur le triptyque dont je te parlais de la meilleure manière que je pouvais. Astheure, j’ai mis “quatrième album” sur ma to-do list. On va voir ce que ça va donner, ça.»

Le silence des troupeaux 
(Spectra Musique)
sera en vente dès le 3 novembre
sur toutes les plateformes habituelles ainsi qu’en magasin.