Ce spectacle s’inscrit dans la lignée des événements consacrés à la mémoire de Leonard Cohen. Mené par l’auteur-compositeur-interprète Randall Spear, Tower of Songs n’a toutefois pas été créé dans un esprit de commémoration, puisqu’il en sera à sa troisième représentation, dont la première a eu lieu peu avant le décès de l’illustre parolier.
Interprétée de façon très personnelle par chacun des musiciens, la prestation déjoue les attentes et sort des sentiers balisés propres aux shows de covers. «Ce n’est pas un hommage dans le sens où c’est comme si tu voyais Leonard Cohen sur la scène. C’est vraiment un collectif. Lily [Thibodeau] et Denis [Viel] chantent autant que moi», exprime humblement Randall Spear.
La touche organique
Complété par Stéphane Beaudin et Louis Solomon-Germain, le band ne cherche pas à imiter le son Cohen. «Lily est très jazz, moi je suis très folk, et Denis est très blues, décrit Randall. Dans la musique de Cohen, il y a beaucoup de ces trois éléments.» «C’est pas une reconstitution, renchérit Lily Thibodeau. C’est Randall Spear chante Leonard Cohen. C’est pas juste de jouer les pièces de Cohen, il y a une interprétation derrière. Quand on les joue, on ne fait pas les formes strictes des chansons.»
La période synthé de Cohen – on pense à l’album I’m Your Man – est donc exploitée de manière différente au sein du collectif. «Aller chercher les sonorités de Cohen, ça aurait détonné, il était très claviers dans les années 1980», expose Lily. «C’est très organique, notre affaire», complète Randall.
La touche féminine
Leonard Cohen adorait les femmes et ses muses enjolivent son œuvre poétique et musicale. En studio et surtout sur la scène, il prenait soin de s’entourer de choristes remarquables. La pétillante Lily Thibodeau est l’épice magique du collectif, alternant entre harmonies vocales et chansons intégrales. «Les femmes qui accompagnaient Leonard Cohen apportaient quelque chose de doux, d’enrobant, illustre Lily. Quand il y avait un highlight sur une chanteuse, là on lui donnait son moment, on oubliait qu’on était dans un show de Cohen. Mais sinon, c’était très sobre, très low profile.»
Le poète zen aurait même fricoté une nuit avec Janis Joplin. De cette relation est née la pièce Chelsea Hotel No. 2. Lily, à la barre des projets musicaux Tea for 20’s et Juke it Out, ne cache pas son excitation à interpréter le morceau en duo avec Randall lors du spectacle Tower of Songs. «Ça me fait triper de savoir qu’il était dans la gang à Janis!» s’exclame-t-elle. «C’est comme une interprétation qu’on fait, explique Randall. Moi, je fais la partie de Cohen et Lily fait la partie de Janis. C’est vraiment beau, il y a un country-blues dans ça.»
Mission poétique
Pour comprendre la musique de Cohen, Randall Spear a lu tous ses livres, analysé ses chansons et étudié le bouddhisme pendant deux ans. Ce qui le démarque d’autres artistes, selon lui? Son côté spirituel. «Il a toujours dit: c’est pas une émotion que tu mets dans le mot, l’émotion est dans le mot. C’est comme faire de la poésie, t’as pas besoin de crier, c’est là. Sa musique est comme ça aussi.» «C’est comme quelqu’un qui chuchote, t’as tendance à prêter l’oreille», réplique Lily.
L’univers lyrique de Cohen sera donc transposé avec respect. Voilà le pari de Randall avec ce projet en hommage au créateur montréalais. «Pour moi, c’est un peu une mission, de partager cette musique-là.»
Les joies de la maturité
L’inspiration majeure de Spear est sans aucun doute Cohen. Celui qui enseigne également l’anglais au Cégep de Sainte-Foy se déclare comme un «fan fini» de l’éminent parolier. «La première fois que j’ai vu Cohen à la télévision, j’avais 14 ans, et j’ai dit: c’est ça. C’est vraiment une énorme influence pour moi.»
Randall Spear, qui a grandi à Westmount – là où est né Cohen – et qui a vécu avec sa grand-mère irlandaise avant de s’installer à Québec pour étudier au Conservatoire de musique, a toujours interprété les pièces de Cohen dans ses spectacles. Mais Tower of Songs arrive à point nommé dans la vie du musicien folk. «Randall a la maturité pour jouer Cohen, croit Lily. Je dis pas que t’es vieux! [en riant vers Randall]. Mettons que tu prends Randall à 35 ans, je ne pense pas que ça aurait été le bon moment pour faire un hommage à Cohen.» Et Randall de conclure: «Tu as raison. Je me sens bien, très confortable.»
Tower of Songs
Une célébration de l’œuvre de Leonard Cohen
Vendredi 17 novembre
À L’Anglicane