Ala.Ni : L'élégance même
Musique

Ala.Ni : L’élégance même

Lovée dans ses draps, Ala.Ni assemble les mots et agence les notes. La Londonienne conçoit une pop inclassable à ascendance jazz, des airs qui bercent les grands enfants, qui s’harmonisent aux longs baisers.

Elle a été choriste pour Damon Albarn, tant en solo qu’avec Blur, pour Andrea Bocelli, pour Mary J. Blige. Sa feuille de route est impressionnante. C’est aux côtés de ces grandes vedettes, à 20 pieds de la gloire, que la Londonienne a parcouru le globe et a appris son métier. Cette vie de nomade était belle, le salaire était bon, mais Ala.Ni est de celles qui sont nées pour briller. Après une brève incursion dans l’industrie de la mode, escale professionnelle qu’on devine émancipatrice, la musicienne cachottière révèle enfin le contenu de ses cahiers avec un premier long-jeu: You & I. On y découvre simultanément une voix sans âge, une écriture narrative et presque théâtrale (il faut entendre Roses & Wine) à l’écart des tendances.

L’auteure-compositrice-interprète allie passé et présent, prouesses techniques et non-conformisme avec une désinvolture qui rappelle presque Amy Winehouse. Sa musique ne sera jamais dans le Top 40, à moins bien sûr qu’elle ne trouve son Mark Ronson, mais il y a en elle un genre de supplément d’âme. Quelque chose d’unique, de la douceur; il émane en elle une forme de grâce. Son disque You & I a l’étoffe d’un classique même s’il reste, encore un an et demi plus tard après sa parution, un secret beaucoup trop bien gardé.


Lire votre curriculum vitae m’a, en quelque sorte, rappelé le documentaire Twenty Feet from Stardom. Est-ce que ces contrats ont déjà constitué une expérience aigre-douce ou même douloureuse pour vous, à l’époque?

Oh, fuck oui! Je ne peux pas tolérer de voir mon amour pour la musique se transformer en frustration… Quand ça m’arrivait, je démissionnais! Ça paraît dans mon visage quand je mens, ça paraît aussi dans mes actions, alors c’était difficile pour moi de faire un contrat seulement pour l’argent.

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photo : Alex Jonas

J’ai vu le film et, bien sûr, je m’y suis reconnue. J’ai tellement vu de chanteuses qui ont essayé de percer en solo, de faire leur propre truc, mais c’est dur. […] Tout le monde ne peut pas être Beyoncé ou Adele. Ce n’est pas impossible, mais tu dois vraiment faire ta place.

Quel est votre bagage académique?

De 5 à 16 ans, j’ai fréquenté une école de théâtre et chanté des chansons de comédies musicales. J’ai aussi commencé à suivre des cours de chant classique quand j’avais 12 ans. Je n’ai pas de formation en jazz. J’ai davantage tendance à écouter des femmes altistes comme Joni Mitchell, Roberta Flack, Karen Carpenter ou Dusty. L’autre jour, j’écoutais Olivia Newton-John et ça m’a rappelé à quel point j’aimais Grease quand j’étais petite. Récemment, c’est en chantant sur Hopelessly Devoted que j’ai réalisé que ma voix se mêlait vraiment bien à la sienne. Elle a clairement influencé ma façon de chanter.

«Intemporel» est le premier adjectif qui me vient en tête en pensant à votre musique. Était-ce votre ligne directrice au moment de créer votre disque You & I, un genre de direction artistique?

J’ai assis les bases de l’album quand j’ai finalement accepté que j’étais une femme noire à dreadlocks qui sonne un peu comme Judy Garland. J’ai exploré tant de styles et de timbres de voix, mais c’est cette façon de chanter et d’écrire qui est la plus naturelle pour moi. Après m’être avoué ça, les chansons ont mis environ trois mois à débouler.

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photo : Jean-Baptiste Mondino

J’ai enregistré mes démos sur mon iPad en version a cappella et, après, j’ai couché tout ça sur des partitions. J’ai même songé à conserver le micro du iPad lorsqu’est venu le temps d’entrer en studio. J’aime son aspect lo-fi. À la place, j’ai trouvé le parfait micro en Allemagne, un RCA Ribbon. C’est une histoire en soi. J’ai rencontré son propriétaire complètement par hasard sur une plage de Grenade. Je venais juste d’écrire Cherry Blossom sous une couverture de duvet à trois heures du matin…

Vos arrangements musicaux sont très simples, dans le bon sens du terme, on pourrait presque les qualifier de minimalistes. Est-ce que vos concerts à Québec et à Montréal seront en phase avec l’album?

C’est le premier disque que j’ai produit, donc j’ai dû garder ça simple. Quand j’ai commencé l’enregistrement, j’ai fait appel à un quatuor à cordes, une contrebasse, un piano, mais c’était un vrai casse-tête. Je n’avais plus de place pour mes backs vocals et je sentais que je perdais le contrôle sur mes propres compositions. J’ai donc choisi un autre instrument, un instrument plus facile à manier: la guitare. Il y a aussi d’autres sons: du steel drum, un lamellophone Hohner, de l’orgue, des percussions jouées dans un bain, et tout ça est très subtil.

La plupart du temps, je joue seulement avec mon guitariste. Ce sera le cas lors de mes shows au Canada.

Comment se construisent et se créent vos chansons? Est-ce que c’est la mélodie vocale qui sort en premier? Ou est-ce les mots?

Ça change chaque fois. Ça m’arrive d’écrire un poème en premier. Ou alors j’improvise des sons de voyelles et de syllabes et après je m’octroie la tâche de remplir ça avec des vrais mots. Au moment où je suis en train de te répondre, je suis entourée de mes feuilles, je travaille beaucoup à partir de mon lit. […] La chanson que j’ai écrite plus tôt aujourd’hui est née de quatre impros que j’ai enregistrées moi-même, question de voir où ça s’en allait. Ensuite, je me suis inspirée d’anecdotes récentes pour écrire le texte et ça m’a pris moins d’une demi-heure pour mettre tout ça ensemble… Mais ce n’est pas toujours aussi facile! J’ai été chanceuse aujourd’hui. Ça peut prendre des années avant qu’une chanson soit complète.

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Montréal : 
Jeudi 22 février à 20h
au Gesù
(Dans le cadre de Montréal en lumière)


Québec :

Vendredi 23 février à 20h
au Palais Montcalm