Dumas : le cours des années
Sur son nouvel album, Dumas mêle le passé au présent et le singulier au pluriel.
En décembre, Dumas annonçait un nouveau disque, Nos idéaux, et lançait un premier extrait pop-rock planant au thème fort: celui de la remise en question. «La chanson À l’est d’Éden, c’est le point de départ de l’album, mais aussi un point de départ du processus de ce sentiment d’être un peu perdu, de ne pas être sur son X, commente le chanteur. Tu te demandes si c’est un hasard ou une erreur que tu te sois rendu là, tu te questionnes sur tes choix dans la vie.»
Nos idéaux, qui arrive trois ans après un second album éponyme, est un disque bien ancré dans des questionnements du présent que l’on tente de résoudre en regardant dans le rétroviseur. «T’as pas les mêmes idéaux à 20 ans qu’à 38 ans… C’est une exploration de qui j’étais, de ce que je suis devenu, et de l’idée d’avoir de nouveaux rêves. Quand j’avais 20 ans, je voulais vraiment faire de la musique, et quand je suis arrivé à 30 ans, j’avais accompli de belles choses. J’ai eu une trentaine un peu bizarre où je me demandais ce que je devrais faire. L’album est l’aboutissement de toute cette réflexion.»
Les clins d’œil au passé sont nombreux sur Nos idéaux et on a même parfois des dates précises qui nous ramènent en arrière à des époques importantes de la vie et de la carrière de Dumas. La guitare acoustique et la nostalgie sont reines sur 1995 et puis sur Vertigo, chanson pop parfaite pour danser, on revient en 2003 à l’époque du disque phare du chanteur, Le cours des jours. «Dans 1995, je me remémore mes idéaux à 15 ou 16 ans, ce que j’appréhendais de la vie, commente Dumas. Pour Vertigo, je trouvais ça intéressant de revisiter cette époque spéciale, qui était comme un vertige avec le succès et la tournée.»
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Sobriété foisonnante
D’autres titres de Nos idéaux parlent de ses proches. La touchante Le déserteur de Fort Alamo est une chanson sur son père et l’énergique Bleu clair, menée par les claviers et pour laquelle le chanteur précise une influence d’Alain Souchon, est à propos de son fils. «J’ai jamais été si personnel, confirme Dumas. Je suis dans une période sans filtre. Je suis sobre depuis un an. Depuis ce temps, on dirait qu’un des gros effets, c’est que je n’ai plus de tolérance pour la bullshit, les trucs faux. Ç’a eu un gros impact sur l’album, sur l’écriture. Je restais concentré et je n’avais pas le goût d’être fake.»
Pour mener à bien cet album très personnel, mais dont les thèmes restent universels – d’ailleurs, le titre de l’album est à la première personne du pluriel, mais la chanson Mes idéaux, à la première du singulier –, Dumas a fait appel à son bon ami Jonathan Harnois, parolier et auteur. Un «ping-pong d’écriture» a été la genèse de ce nouvel album de la bête de scène derrière J’erre, Miss Ecstasy et Au gré des saisons. «Sans avoir de musique ou savoir si ça allait donner des chansons, on travaillait sur des textes ensemble. Jonathan a une super sensibilité, donc on s’est mis à creuser dans ce que je voulais dire. Il m’a fait assumer des choses. Les thèmes se sont dessinés tout seuls, instinctivement.»
Côté musique, Dumas brasse les cartes pour un second disque de suite. Après avoir travaillé avec Jonathan Dauphinais et Étienne Dupuis-Cloutier pour l’album Dumas en 2014, il s’est associé cette fois-ci au talent du réalisateur Gus van Go (derrière les plus récents albums des Trois Accords) et du duo de compositeurs Likeminds (Chris Soper et Jesse Singer, qui œuvrent davantage dans le hip-hop). Les trois partagent un studio à Brooklyn, où a été enregistré Nos idéaux. «En vieillissant, je trouve ça plus intéressant de m’ouvrir et de collaborer avec d’autres gens», indique Dumas.
«Au printemps passé, j’avais pas mal de chansons, mais je ne savais pas avec qui travailler. J’étais un peu perdu et je ne savais même pas si c’était encore pertinent de faire un disque aujourd’hui. Tu sais, tout ce questionnement existentiel par rapport à la création… Puis, un jour, comme ça, j’ai reçu un courriel de Gus van Go. Ça faisait longtemps qu’on voulait travailler ensemble. Il m’a dit: “On va essayer de faire une chanson, mais je tiens à ce que tu travailles avec les deux New Yorkais qui sont dans mon studio”. On a fait Mes idéaux en une journée. Tout ça, c’est un hasard qui a vraiment clarifié les choses dans ma tête.»
Avancer au passé
Si l’expérience s’est avérée «assez spéciale», puisque le trio n’était pas vraiment familier avec les albums de Dumas, le chanteur a été très attiré par une rencontre avec l’inconnu et une collaboration musicale qui ne tiendrait pas compte du passé. L’énergie a été renouvelée, bien sûr, mais on retrouve sur Nos idéaux toutes les qualités de mélodiste qui ont fait la renommée de Dumas, en plus du mélange planant/dansant qu’on lui connaît.
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Les musiques, plus synthétiques que sur les albums qui ont lancé la carrière du chanteur, s’avèrent toutefois en écho avec ses albums des débuts. «Assez instinctivement, les gars ont voulu explorer avec des beatbox et des synthétiseurs vintage comme le Juno, des choses que j’avais utilisées pour Le cours des jours, mais sans qu’ils l’aient entendu. Pour cet album, j’avais aussi décidé d’assumer le côté Talking Heads, LCD Soundsystem et beatboxing qui a toujours été là dans la musique que j’aime. Tout ça était aussi très présent dans la tournée que je venais de compléter.»
Cette collaboration, naturelle et instinctive, a permis à Dumas de mieux se concentrer sur la création de chansons, dit-il. Et c’est exactement ce qu’il recherchait puisque sa prochaine tournée sera en solo. La dernière tournée, Sur la piste de danse, en trio, l’a mené sur plus de 150 scènes. Cette fois-ci, il se mettra en danger seul sur scène avec ses chansons pour la première fois depuis au moins 10 ans. «J’ai vraiment un désir de revenir à la chanson. L’idée de la tournée solo – qui m’est venue à l’esprit avant même de faire l’album – vient de là. C’est de revenir à ce truc que j’aime le plus faire, donc j’ai le goût de le peaufiner. Pour moi, je le vois plus comme un nouveau départ.»
«J’aime ça me donner des défis, me garder actif et créatif», poursuit celui qui, on s’en souvient, avait bravé la crise du disque il y a quelques années en sortant cinq mini-albums en un an. «Se renouveler en vieillissant et rester pertinent, c’est un grand défi à long terme. J’avais peur de tomber dans un piège, de continuer dans l’ambiance très entertainer de la tournée en trio. J’avais le goût de revenir aux tounes.»
Un album fait au «nous» pour mieux s’assumer et revenir au «je», donc. Un nouveau départ, qui fait du bien à entendre, à vivre sur les planches cette année.
Nos idéaux
La Tribu
Sortie le 23 février