Floes : Dévier de la ligne
Musique

Floes : Dévier de la ligne

La musique de Floes évoque les grands airs, les espaces qui prennent vie à travers des sons minimalistes, épurés et doucereux. C’est la signature du trio électropop de Québec, qui revient aujourd’hui avec son deuxième EP, Passionals, projet furetant dans les mélodies angéliques et les rythmes accrocheurs. Entrevue avec les membres Samuel Wagner, Pier-Philippe Thériault et Simon Tam.

À l’été 2016, Floes avait fait tourner bien des têtes avec son premier EP Shade and Mirror. Le trio débarquait alors dans le paysage de l’électro soul pop au Québec avec un son nouveau, mené par la voix tendre et limpide de Samuel Wagner – chanteur de la formation indie folk Harfang – et les brillants arrangements de Pier-Philippe Thériault (PopLéon) à la guitare et de Simon Tam (PopLéon, Émeraude) aux beats. Après la production de l’album de Harfang l’an dernier et les nombreux mois d’essais-erreurs en studio, le trio doit aujourd’hui reconquérir le public qu’il avait séduit il y a deux ans. «On a attendu que le boom du premier EP diminue pour recommencer à composer. On a composé pendant six mois en studio [de l’hiver à l’automne 2017], mais on n’avait rien de nouveau à présenter», explique Samuel.

La création de Passionals s’est ainsi déroulée rapidement et intensément. Quatre des cinq chansons qui figurent sur le EP — hormis Last Night avec Ghostly Kisses — ont été enregistrées cet automne au Pantoum. Tout ce qui a été fait au préalable a été jeté à la poubelle. «On a décidé de changer de direction. On a changé de trip en plein milieu du processus. Ça ne nous tentait plus de sortir les chansons sur lesquelles ont avaient travaillé il y a un an, poursuit Samuel. On s’est viré de bord et on s’est ramassé avec la moitié du temps pour faire un album.»

Samuel, Pier-Philippe et Simon ne voulaient donc se donner aucune limite, aucune barrière de création. Violon, piano, chorales:  Floes ajoute de la profondeur à ses loops atmosphériques et ses rythmes hip-hop sur cette nouvelle offrande. D’après Simon, il s’agit de l’opposé du précédent projet, où, limités, ils composaient selon ce qu’ils pouvaient jouer en live. «C’est vraiment une exploration au niveau du son, mais aussi au niveau de notre approche créative. On a décidé d’essayer autre chose pour voir si ça fonctionnait mieux ou moins bien.»

De gauche à droite : Samuel Wagner, Pier-Philippe Thériault et Simon Tam.
De gauche à droite : Samuel Wagner, Pier-Philippe Thériault et Simon Tam. Crédit: Mathieu Rompré

Il faut dire que les trois gars de Floes ne sont pas seulement des compositeurs: ils endossent également les tâches de mixage sonore et de design sonore. Un atout indéniable pour un groupe indépendant dans un milieu comme celui de Québec, où les techniciens en studio se font plutôt rares. «On dirige nos propres sessions studio. Créativement, on n’est jamais limités sur le plan technique. Quand on a une idée, on est capables de la reproduire», soulève Pier-Philippe.

Si Elusive se fond dans une trame planante au refrain accrocheur, Come Back to Me allie judicieusement pop léchée et r&b funky, alors que Thrown For a Loop conclut l’EP sur une note poignante avec des boucles vocales sirupeuses. «Je joue quasiment pas de guitare [sur Thrown For a Loop], seulement une petite ligne de basse, précise Pier-Philippe. J’ai un regard différent étant donné que je ne suis pas tant impliqué. Il se passe de belles choses. Chaque fois que je l’écoute, je la trouve fucking bonne.»

Sur Passionals, Samuel s’est donné comme ligne directrice d’écrire des textes crus et authentiques, en y exposant les thèmes le plus abruptement possible. «Ça parle beaucoup de relations manquées, de rupture et tout ce qui vient avec. On entend toutes les étapes d’une rupture dans son acceptation», dit-il. Les cinq pièces ont d’ailleurs été co-écrites avec Vann Delorey (FurHats), qui a travaillé sur les textes de The Seasons et de Harfang. «On arrivait avec des ébauches et Vann nous aidait à structurer tout ça.» Dans Last Night, on peut entendre la ligne Where is the Love?, titre du (surjoué) succès des Black Eyed Peas, fait remarquer Pier-Philippe à Samuel. «J’aime beaucoup jouer avec la ligne du quétaine. Est-ce qu’on peut encore faire ça en 2018? Est-ce qu’on l’a trop entendu? L’exercice qu’on faisait c’était de toucher la ligne et ensuite dévier.»

À force de chanter haut depuis ses débuts avec Harfang, Samuel avoue avoir développé une certaine « écoeurantite » durant l’enregistrement de Passionals. Question de se diversifier, il a préféré opter pour l’autre créneau de sa voix. «J’étais écoeuré de chanter haut. Ceux qui écoutent du Harfang ou du Floes savent que je suis capable de chanter haut. Dans les dernières années — je ne sais pas pourquoi —, je montais de plus en plus haut parce que j’étais rendu à l’aise. Je voulais utiliser ma voix de chest un peu plus. À un moment donné, en tant qu’artiste, j’ai le goût d’explorer autre chose.»

Maintenant, le défi pour Floes sera de transposer sa pop électro ambiante et texturée en live. En effet, sans batteur, le groupe doit compenser avec l’énergie et le dynamisme qu’un percussionniste peut apporter sur scène en montant — à trois — un spectacle stimulant, qui préserve l’essence même du EP. «Avant, l’idée c’était de tout jouer à trois, mais on ne peut plus faire ça, affirme Samuel. Il faut faire des compromis. La solution qu’on a trouvée c’est de sampler nos propres chansons. Simon fait du DJing également.»

«À travers les spectacles, on a déjà hâte de composer, ajoute Simon. Le plan c’est de sortir des singles par-ci par-là. On veut continuer à sortir des trucs de façon récurrente. Composer constamment au lieu de faire ça en bloc compo-enregistrement-sortie-spectacle. On veut mélanger le tout.»

Passionals (EP), disponible dès aujourd’hui
Lancement le 3 mai au Maelstrom (Saint-Roch), 20h
Concerts au Zénob de Trois-Rivières le 4 mai et au Quai des brumes de Montréal le 11 mai