Parquet Courts : Rester éveillé
Musique

Parquet Courts : Rester éveillé

Parquet Courts vient présenter le tout récent Wide Awake, probablement l’album le plus éclectique et engagé de la formation new yorkaise.

Parquet Courts est sans doute un des groupes rock les plus originaux des dix dernières années. La force du combo réside particulièrement dans l’improbable tandem Andrew Savage/Austin Brown, les deux principaux compositeurs de la formation. Alors que l’un est plus vindicatif et inspiré par le punk, l’autre puise ses références dans le funk, le reggae et une certaine pop. Cette dualité a coloré tous les disques de Parquet Courts mais c’est sur Wide Awake qu’elle est plus marquée.

Si le son du groupe est paradoxalement caractérisé par une joyeuse nonchalance d’un bord et un côté frénétique de l’autre, comme si The Modern Lovers rencontraient Minutemen, il est ici sublimé par le travail du réalisateur Brian Burton, alias Danger Mouse (Gnarls Barkley, Gorillaz, Black Keys, Adele…). «Une semaine avant qu’on entre en studio pour enregistrer l’album, Brian nous a approchés, car il aime bien ce qu’on fait, alors que nous ne savions même pas qui il était. Ça nous a interpellés; il ne cadre tellement pas avec notre son qu’on s’est dit que ça pourrait être intéressant de voir où ça pourrait nous mener», précise Andrew Savage, rejoint chez lui à New York. «On tente de se renouveler à chaque disque, d’éviter de se répéter. Or avec Danger Mouse, vu le travail qu’il a fait pour Norah Jones, U2 et d’autres, on sentait qu’il nous sortirait de notre zone de confort et nous procurerait un son plus défini et puissant. Mais ce qu’il a surtout fait, c’est de nous forcer à nous surpasser, à travailler plus fort. Il n’a pas réellement influencé les chansons car celles-ci étaient toutes composées avant qu’on ne travaille avec lui. Certains pensent que parce qu’il y a plus de morceaux funky ou dansants sur ce disque cela découle forcément de son apport, mais il n’en est rien, on avait déjà tout ça avant qu’il n’embarque dans le projet».

Trump le monde

Wide Awake contient son lot de moments plus calmes mais beaucoup moins que sur le précédent Human Performance, paru en 2016. Total Football, qui démarre l’album, le couplé Almost Had To Start A Fight/In And Out of Patience, Normalization, NYC Observation et Extinction dévoilent toutes une énergie typiquement punk, et fun. Il va sans dire que la situation politique et sociale aux États-Unis a grandement influencé Andrew Savage. «Je pense sincèrement que si le résultat des dernières élections avait été différent, on n’aurait pas le même album. Mais en dehors de la colère et de la frustration, je tenais aussi à exprimer une certaine exaltation, tel que le sentiment amoureux peut apporter, et faire danser les gens», souligne le guitariste et chanteur, position qu’il partage avec son complice Austin Brown alors que son frère Max Savage garde la mesure derrière les fûts et que Sean Yeaton manipule la quatre cordes.

Parquet Courts (Crédit: Ebru Yildiz)
Parquet Courts (Crédit: Ebru Yildiz)

Je pense sincèrement que si le résultat des dernières élections avait été différent, on n’aurait pas le même album.

Andrew Savage

Des morceaux comme la pièce-titre ou Violence révèlent un côté dansant que Parquet Courts avait peu exploité auparavant. «Bien des gens, certains puristes punk surtout, ont dit ‘’oh c’est plus funk ou dansant, ça sonne comme du LCD Soundsystem’’, alors qu’on n’avait jamais écouté ce groupe avant de faire le disque. Moi je leur dis ‘’connais-tu les Big Boys ou les Minutemen ?’’. C’est funky, c’est groovy et pourtant c’est totalement punk. Wide Awake et Violence sont des chansons qui font autant danser que réfléchir», exprime Andrew Savage. «Je pense qu’on assiste depuis quelques années à une forme de conscientisation ou à des prises de position chez de nombreux artistes et pas seulement ceux associés au mouvement punk. C’est certain que tout ce qu’on vit politiquement et socialement ici aux États-Unis va affecter à court ou moyen terme le travail des artistes. On n’avait guère vu ça depuis les années Reagan.»

If The Kids Are United

En dehors d’un certain aspect vindicatif, Wide Awake aborde l’angle du collectivisme et du communautarisme. En entrée de jeu, la pièce Total Football va direct au but. «Je pense que bien des jeunes, particulièrement en Occident, cherchent une forme de collectivisme qu’ils ont du mal à trouver dans ces démocraties capitalistes où on tend à privilégier l’individualisme», détaille Savage. «Il y a un certain genre de collectivisme qui semble plaire ou attirer une grande frange de la jeunesse actuelle. Tu vois un tas de jeunes gens s’unir sous une forme d’idéologie qui va à l’encontre des valeurs véhiculées par l’administration Trump et l’ultra droite d’ici et d’ailleurs. Je ne parle pas de communauté internet, je parle de réelle mobilisation. Je pense que l’idée de collectivisme n’a jamais autant séduit les jeunes américains qu’aujourd’hui et c’est cette notion que Total Football soulève, c’est une sorte de chanson manifeste qui donne le ton pour le reste du disque».

Wide Awake (Rough Trade)
Disponible maintenant

Le 26 mai à 20h30 au Théâtre Fairmount (Montréal)

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