John Medeski : Triptyque improvisé
Le pianiste et claviériste new-yorkais John Medeski présentera non pas un, mais trois concerts, complètement différents, dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal. Entretien avec un virtuose au talent et aux collaborations apparemment sans limites.
«J’ai toujours adoré Montréal», lance d’emblée John Medeski lorsqu’on le questionne sur sa relation avec le FIJM. Véritable pionnier du festival devenu l’un des plus gros au monde, il a foulé ses planches pour la première fois en 1986 en compagnie du groupe be-bop Holliday Brothers. «C’est donc une très longue histoire qui me lie ici, puisque je suis repassé très souvent avec mes différents projets. Il y a toujours eu une excitation particulière à revenir à Montréal, c’est vraiment une ville inspirante où on a donné certains de nos meilleurs concerts.» C’était donc naturel pour le FIJM de lui proposer quelque chose d’un peu différent, après plus de 30 ans d’échanges. «Quand ils m’ont approché pour faire un genre de collaboration, c’était clair dans ma tête que ça devait être quelque chose de spécial. Je suis quelqu’un qui aime multiplier les projets, et l’idée est venue d’elle-même de présenter plusieurs concerts radicalement différents. Je me nourris de ces collaborations et c’est important pour moi de créer une variété d’expériences différentes pour le public. Je ne serais jamais capable de faire toujours la même chose.»
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Effectivement, lorsqu’on regarde la discographie (massive!) de John Medeski, on réalise rapidement que le jazzman est un véritable touche-à-tout. Piano, orgue, synthétiseur, Rhodes, Clavinet, rien qui possède des touches n’est à son épreuve. Côté stylistique, il est aussi à l’aise dans le funk et le be-bop que dans le jazz latin ou même la musique pour enfants, des genres qu’il a explorés avec un nombre incroyable de musiciens différents en plus de son trio iconique Medeski Martin & Wood. «Beaucoup de gens vont parler de leurs influences en mentionnant de grands musiciens qu’ils ont étudiés ou écoutés toute leur vie… Pour ma part, je pense que les gens avec qui je joue ont une influence beaucoup plus profonde sur mon jeu et ma conception de la musique que quoi que ce soit que j’ai écouté dans ma vie. Ce contact réel, ce transfert d’énergies et d’idées, c’est quelque chose qui s’imprime de manière indélébile dans l’esprit créatif d’un musicien, s’il est ouvert aux autres.»
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Justement, en matière d’horizons musicaux grand ouverts, John Medeski pourrait faire office d’exemple. Approchant la spontanéité musicale de façon très spirituelle et étant constamment à la recherche d’expériences inspirantes, il a passé pas mal de temps en Amérique du Sud, rencontrant des peuples indigènes et partageant avec eux quelques mesures. «C’est fascinant de rencontrer quelqu’un qui a des codes et des référents culturels complètement différents des tiens. À travers des discussions et des expérimentations musicales avec des shamans, j’ai découvert qu’ils utilisaient la musique comme forme d’aide aux rituels de guérison. Ça m’a confirmé ce que j’ai toujours cru au plus profond de moi-même: la musique est un langage qui peut alléger les souffrances de toutes formes dans une certaine mesure, qu’elles soient physiques ou spirituelles, et aider les gens à mieux accepter leur réalité et affronter leurs problèmes. Ça peut sembler ésotérique, mais je crois que c’est plutôt très psychologique.»
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Pour ce qui est de ses performances au FIJM, John Medeski prépare toute une brochette de prestations éclatées au public montréalais. La première soirée de son triptyque sera réservée à son «organ trio» avec le guitariste d’avant-garde Marc Ribot. Les deux musiciens ayant partagé de nombreuses scènes par le passé, leur formation risque de voler dans les hautes sphères de l’improvisation champ gauche. Le second concert mettra en vedette le projet Mad Skillet, un quatuor formé par Medeski lors d’un passage à La Nouvelle-Orléans. Guitare, claviers, sousaphone et batterie s’y mêlent dans des sonorités funk modernes, quoiqu’étant bien ancrées dans le jazz traditionnel de la NO. Pour finir en beauté, Medeski s’entourera de deux batteurs pour son troisième concert à Montréal: Mark Guiliana et son comparse de longue date Billy Martin. Il promet une soirée tout en subtilités percussives, alors que Martin se concentrera sur des éléments de percussion variés plutôt que la batterie à proprement parler. D’ailleurs, cet entretien se conclut sur un scoop: «Je suis vraiment content de jouer à Montréal avec Billy. On vient tout juste de terminer des séances d’enregistrement avec Medeski Martin & Wood, dans le but de sortir un nouvel album sous peu. À travers toutes les collaborations que j’ai réalisées à travers les années, il y a toujours quelque chose de magique à revenir avec MMW. On est comme un vieux band rock qui n’est pas capable d’arrêter de jouer ensemble.»