FEQ : Nul n’est prophète en sa province
Le hip hop impétueux de Brockhampton, le nu disco rafraîchissant de Chromeo et le R&B réinventé de The Weeknd se sont succédé sur les plaines d’Abraham hier soir. Retour sur un premier triple plateau riche en contrastes.
Ce sont les Texans de Brockhampton qui avaient pour mandat de mettre la table hier en ce premier soir de la 51e édition du Festival d’été de Québec. Ils sont entrés en scène en reprenant les codes esthétiques des boys bands, non pas sans un brin d’ironie, tant dans leur intro musicale sirupeuse que dans la dégaine, avant que le beat ne droppe et qu’ils ne mettent le feu aux poudres.
Ce qui plaît le plus chez ce groupe, c’est cette diversité de styles, la personnalité de chaque gars qui s’exprime de pièce en pièce. Kevin Abstract et Matt Champion sont capables d’envolées R&B, Merlynn Wood sort du lot avec sa voix voilée, Russell Boring enflamme carrément la scène avec sa voix très haute qui faillit parfois dans un excès de fougue alors que Dom McLennon se démarque avec son timbre nasillard si distinctif, son flow saccadé.
Malgré une longue transition précédent une balade générique absolument hors propos, Brockhampton a laissé une forte impression sur Québec, terminant avec un Boogie encore plus explosif que sur l’album.
Au sommet de leur funk
Armé d’un solide album fraîchement sorti, Chromeo a tout donné devant devant une foule ingrate qui a attendu que la nuit tombe, et donc les toutes dernières chansons, avant de se délier discrètement les jambes. Le duo Montréalais semblait avoir prévu le coup, pourtant, en intégrant un segment EDM au mash-up de Night by Night (l’une de leurs meilleures) et Tenderoni. Même les interventions étaient pensées, écrites, pour dégourdir le plus froid des publics. Or, les gens sont quand restés de glace devant leur offensive de charme, ce nu disco tellement frais qui a fait école partout dans le monde.
Ce tour de chant fort attendu, leur premier à Québec en près d’une décennie, a ravi et crevé le cœur de leurs admirateurs à la fois. Malgré l’impolitesse crasse du public, les Montréalais ont offert un concert sans fausse note, pavé de fioritures vocales inédites de Dave 1 et de nouveaux segments au talkbox, cet instrument insolite que Pee Thugg maîtrise si bien. Les guitares maniées par les deux musiciens étaient évidemment impeccables, elles aussi, à la hauteur de leur si dansant répertoire et du groove princier de la basse sur Bad Decision. C’était tellement bon, tellement prenant, qu’on oubliait de prendre des notes même si on avait le cœur gros en pensant à ce que les deux gars allaient se dire après le show, de retour dans leur loge.
Ultime Starboy
Le pape du PBR&B a eu, même si c’est un euphémisme de l’écrire ainsi, pas mal plus de chance avec les festivaliers qui scandaient déjà son nom avant même que Chromeo ne sorte de scène.
Accompagné d’un batteur, d’un guitariste (très présent!) et d’un bassiste, le Torontois avait toutefois troqué les choristes qu’il aurait pu engager pour des bandes préenregistrées sur lesquelles il s’accotait sans vergogne. Épuisé ou paresseux par moments, difficile de dire, The Weeknd s’est souvent accordé de petites pauses, mais sans jamais pousser l’audace jusqu’au lip-sync. On pense notamment à son interprétation Often, cette exigeante pièce qui laisse si peu de temps au chanteur pour qu’il reprenne son souffle. Toujours est-il qu’on lui pardonne presque sa nonchalance devant l’ampleur du défi.
Tout cela n’enlève rien à ses aptitudes vocales, ce falsetto à la Michael Jackson qui impressionne, ces notes si hautes qu’il semble pousser sans le moindre effort malgré la chaleur accablante. Il a vraiment rendu justice aux deux morceaux l’associant à Daft Punk (I Feel it Coming et Starboy), de même qu’à ses tubes radio hyper connus. Earned It, à cet égard, s’est avéré aussi spectaculaire que ces flammes qui ont jailli de The Hills lors du rappel. N’importe quel coach de La Voix le voudrait dans son équipe.
// Notre suggestion pour ce soir: Geoffroy et Bonobo au Parc de la Francophonie dès 20h