Le défi créatif de St. Vincent
Musique

Le défi créatif de St. Vincent

Nous avons rencontré St. Vincent la semaine dernière dans le cadre du festival Osheaga. 

Pas surprenant avec un titre d’album comme Masseduction (séduction de masse) que St. Vincent ait opté pour un emballage un peu plus sucré pour les nouvelles chansons de son cinquième album studio, sorti à l’automne 2017. S’il s’agit là d’un virage plus pop pour l’artiste art-rock, Annie Clark nous dit qu’elle est dans une phase de sa carrière où elle veut avant tout faire les meilleures chansons possible.

Dans les derniers mois, elle s’est amusée à donner plusieurs vies aux pièces de Masseduction, comme le témoigne son remix pop-dance de Slow Disco, qui, sur disque, était une ballade. En début d’année, lors d’un passage promo à la station de radio de Seattle KEXP, elle assumait ses nouvelles pièces seule à la guitare acoustique, ce qui leur donnait une tout autre dimension. Et le concert de Masseduction est aussi voué à avoir plusieurs moutures. «Ma première tournée après la sortie de l’album était en solo, précise-t-elle en entrevue. Je joue aussi parfois en duo piano-voix avec mon ami Thomas Bartlett, comme ç’a été le cas récemment au Festival de folk de Newport. C’est vraiment bien parce que ça rend les chansons plus fortes et ça me rend plus confiante envers elles, sachant qu’elles peuvent vivre dans toutes sortes de contextes et demeurer puissantes.»

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La formule que la foule d’Osheaga a pu admirer le week-end dernier à Montréal, c’est la plus récente, celle où St. Vincent renoue avec les musiciens qui l’accompagnent sur scène depuis quelques années: la multi-instrumentiste Toko Yasuda, le claviériste Daniel Minstseris et le batteur Matt Johnson. Si les deux hommes sont anonymes sous leur costume beige-orangé et leur perruque blonde, les corps des deux femmes sont mis en valeur avec des vêtements moulants. Derrière le quatuor étaient projetées des images vidéo déroutantes. Il s’agit d’un travail créatif en continuité avec les plus récents vidéoclips de la chanteuse originaire du Texas.

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«J’ai tourné une vidéo bizarre avec Philippa Price, qui a réalisé le clip de ma chanson [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=7sfrCVYZV7k »]Pills[/youtube]. Pendant la création, le but était de se demander à tout coup: est-ce que ÇA c’est ok?! Le truc se veut à la limite du moment où on se dit: «ark». Pendant le tournage, j’ai eu une mante religieuse sur moi, on m’a frappée au visage au ralenti, j’ai été dans des positions douloureuses. J’ai fait de la chorégraphie aussi. Dans la vidéo, y’a une ballerine dans un «fatsuit» qui fait une improvisation incroyable. Tout ça dépasse le domaine de la narration linéaire. C’est plus dans l’inconscient.»

L’oeuvre de St. Vincent est donc un tout artistique fort percutant. Et lorsqu’on la voit en concert, on constate que ce n’est pas que des feux d’artifice. L’artiste américaine, qui a gagné en notoriété il y a une dizaine d’années en évoluant aux côtés de Sufjan Stevens et The National dans une scène indie-rock brooklynoise bouillonnante, est une guitariste et une compositrice hors pair. À l’écoute de ses disques, on ne sait jamais où elle nous mènera car sa musique et sa voix nous entraînent dans toutes sortes de directions.

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Ces dernières années, on a vu l’éclosion de la bête de scène qu’elle est aujourd’hui et on a l’impression qu’elle vise toujours encore plus haut. St. Vincent a su développer des performances éclatées, se mettant davantage dans la peau d’une extension de soi-même sur scène, avec des chorégraphies et des costumes moulants. Un tout sexy au possible. Son corps aussi est devenu un outil créatif, nous dit-elle. «Je joue avec l’idée du sexy au point où c’en est ridicule et absurde.»

St. Vincent considère que cette évolution a été très naturelle et mentionne qu’elle est toujours restée à l’écoute de son corps pour sa performance scénique. «Si on retrace ma progression en tant qu’artiste, l’énergie créative est partie du haut de mon corps et ç’a descendu de plus en plus. Masseduction est définitivement mon album qui vient le plus des tripes. Mais aussi, quand tu fais beaucoup de tournées, tu prévois le spectacle d’une certaine manière et puis ça devient beaucoup plus physique en cours de route. Lors d’une tournée y’a quelques années, je faisais du «stage-diving» et puis la tournée de mon quatrième album était très chorégraphiée et se terminait en un quasi-exorcisme. C’était là où j’étais à ce moment et c’est ce que mon corps voulait faire.»

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Maintenant qu’elle est reconnue comme une habile guitar hero – elle a d’ailleurs sa propre série de guitares Ernie Ball –, on lui demande en terminant si, pour elle, jouer de la guitare, c’est comparable à un entraînement de course, c’est-à-dire qu’on se pousse toujours plus pour atteindre des objectifs. «En musique, pousser plus fort ne veut pas dire jouer plus de notes, nuance-t-elle. Ça doit plutôt être synonyme d’un désir de véhiculer une expression plus profonde. C’est pas la même chose que de courir un kilomètre en sept minutes et de vouloir le faire en six, par exemple. Mais je sais de quoi tu parles parce que je dois m’entraîner pour ce spectacle. Je fais du pilates, de la course, Barry’s Boot Camp, des poids et tout ça. J’étais sur un tapis roulant plus tôt aujourd’hui, déchaînée sur du Tool! Mais en tant que musicienne, l’idée est plus d’avoir un défi créatif. Parfois, cela veut dire de faire en sorte qu’une seule note signifie le plus qu’elle puisse signifier. De plus en plus, pour moi, mon défi créatif est d’écrire de meilleures chansons et devenir une meilleure compositrice.»

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