Bodega : Le son du quartier
Musique

Bodega : Le son du quartier

Le groupe new-yorkais Bodega pourrait bien être la révélation de cette 17e édition de POP Montréal.

Encensé de part en d’autres par la presse musicale et sur la blogosphère, le groupe Bodega commence à sérieusement faire parler de lui, tout particulièrement depuis la parution de son premier album Endless Scroll en juillet dernier. Réalisé par le musicien de Parquet Courts Austin Brown, ce disque dévoile un sexy mélange de post-punk angulaire et d’avant-pop vitaminée qui viennent appuyer les manifestes anti-technologie ou les critiques socioculturelles du groupe, le tout ponctué d’une bonne dose de cynisme, d’ironie et de dérision.

Basé dans le quartier Bushwick à Brooklyn, le groupe est composé du guitariste et chanteur «Bodega» Ben Hozie, de sa conjointe, la claviériste, percussionniste et chanteuse Nikki «Trix» Belfiglio, du guitariste Madison Velding-Vandam, de la bassiste Heater Elle et de la batteuse franco-canadienne Montana Simone, qui a une longue histoire avec Montréal et dont le cousin gardait les buts pour… le CH!

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Le petit livre rouge de Bodega

Issus pour la plupart du milieu de l’art et du cinéma avant-gardiste new-yorkais, les cinq membres de Bodega ont commencé à répéter ensemble à l’été 2016, en sachant exactement où ils allaient, ou plutôt, où ils ne voulaient pas aller… «On avait une idée assez précise de ce que nous voulions faire avant même que le groupe ne soit formé», souligne Nikki Belfiglio, rejointe avec son copain Ben Hozie à New York au studio de montage vidéo où il travaille sur un documentaire d’une cam-girl sado-maso entre deux tournées. «On avait rédigé une liste de choses qu’on voulait faire et qu’on ne voulait pas faire», ajoute Ben Hozie. «C’était très conceptuel». Dans cette liste on retrouve des points tels que:

  • Ne faire aucune référence au rock garage
  • Pas de glam rock
  • Pas de pizza core (en référence à tous ces groupes qui parlent de boire des bières, manger des pizzas et faire du rock)
  • Pas de textes bourrés de platitudes
  • Pas d’effets sur les voix
  • Pas de répétitions dans les paroles

La liste s’étend encore sur plusieurs points, mais vous avez compris le principe. «Ce qui est comique. c’est que nous avons brisé chacune de ces règles ou presque», s’esclaffe Ben. «Notre première règle était d’être radicalement honnêtes», précise Nikki. «Mais personne ne l’est, c’est impossible de ne pas se mentir à soi-même ou aux autres. Être radicalement honnête en société c’est anti-productif». «Je pense que nous essayons d’être radicalement honnêtes envers nous-mêmes avant tout», reprend Ben Hosie. «C’est là que l’idée de l’honnêteté radicale est importante et c’est presque tout ce que Endless Scroll signifie. C’est pas mal contre nos propres hypocrisies. Si c’est un disque politique, ce ne l’est pas dans le sens où nous disons aux gens ce qu’ils devraient faire, mais plutôt nous qui analysons nos propres comportements. Mais je pense toutefois que c’est bon de partir le projet avec certaines règles. Nous ne sommes pas dogmatiques, mais nous voulions obtenir quelque chose de clair, de très spécifique. Je veux que les gens qui vont se rendre au pays de Bodega réalisent qu’il n’y en a pas deux pareils. Je crois que c’est bien de définir ce que tu n’es pas ou ne veux pas être dans un groupe, pas seulement ce que tu cherches à devenir».

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Non seulement le groupe avait-il défini ses règles au préalable, mais en plus presque toutes les chansons étaient écrites ou en chantier avant la première répétition du groupe. «J’ai démarré un groupe en 2013 qui se nommait Bodega Bay et Nikki nous a rejoints en 2014», relate le guitariste et chanteur de la formation. «On a sorti un album, Our Brand Could Be Your Life, mais ensuite on s’est séparés. Immédiatement après, Nikki et moi avons reformé un autre groupe en voulant garder les meilleurs éléments de Bodega Bay, donc on a tout simplement nommé le groupe Bodega. Puis, les trois autres nous ont rejoints. On se connaissait pas mal tous déjà. Bien sûr, ils ont mis leur touche. Madison a travaillé fort pour réarranger certaines chansons. Mais on n’est pas comme ce genre de band rock classique qui se dit «on va jammer et trouver notre son». Les bases de la plupart des morceaux étaient déjà jetées avant que le groupe n’existe».

Origines

La musique de Bodega est un mélange de différents styles qui laissent deviner des influences souvent évidentes, pour ceux qui sont familiers avec le punk, le post-punk, le new-wave et le no-wave du moins. Si la plupart des groupes n’aiment pas être comparés à d’autres ou tentent d’éviter le sujet des influences, les musiciens de Bodega n’ont quant à eux aucune gêne à parler des artistes qui les ont inspirés. Ça doit sans doute faire partie de leur honnêteté radicale. «Pour ce disque, je te dirais qu’on avait en tête quelques groupes britanniques des années 1970, tout particulièrement The Fall et aussi Wire. L’idée de jouer une musique punk-rock simple mais avec un solide cadre conceptuel, c’est très sculptural et c’est très Wire. Ceci dit, à part une ou deux chansons, nous ne ressemblons pas à Wire. C’est davantage l’idée intellectuelle de Wire qui nous séduit et que nous exploitons», admet Hozie. «Et puis il y a bien sûr des groupes de New York comme Velvet Underground, Talking Heads… Pas mal tous les bands auxquels on nous a comparé.».

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Sur Endless Scroll, Bodega fait de nombreuses références à son environnement immédiat, leur ville, leur quartier, le pont de Williamsburg ici, un bar de Bushwick là, les smoothies et cafés hors de prix, jusqu’au nom du groupe qui fait référence à la petite épicerie du coin. Ça n’en prenait pas plus pour que plusieurs qualifient Bodega de groupe typiquement new-yorkais, voire même bushwickien. Mais existe-t-il un son new-yorkais? «Il y a un son new-yorkais, mais t’es pas obligé d’être de New York pour l’avoir ce son», estime Bodega Ben. «New York, c’est plutôt un état d’esprit. Quand on me dit que New York c’est mort, que ce n’est plus là que ça se passe, moi je réponds qu’il y a toujours quelqu’un quelque part qui est à New York dans sa tête et qui comprend c’est quoi le son de cette ville. Alors oui, on est très New York. Ça se reflète dans le nom du groupe, dans notre attitude, dans notre fébrilité».

Nikki et Ben – qui se sont rencontrés à un concert de Of Montreal – ne sont jamais venus avec Bodega à Montréal. Pour ce premier concert chez nous, le groupe interprétera tout naturellement son premier album. Après avoir assisté à leur prestation au NXNE de Toronto en juin dernier, Bodega s’est révélé être un des groupes les plus excitants qu’on ait vus depuis un bon moment. Attendez-vous à un concert énergique, dynamique et sexy car c’est définitivement sur scène que le quintet prend tout son sens.

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Bodega en concert le 27 septembre à la Casa del Popolo

POP Montréal a lieu du 26 au 30 septembre, popmontreal.com