Dans la nature de Max Richter
Le compositeur allemand Max Richter compose depuis 30 ans la trame sonore d’un rêve qui nous ramène à l’enfance. Il sera de passage le 9 octobre à la Place des arts en compagnie de l’American Contemporary Music Ensemble. Voir en a profité pour discuter avec lui de Kubrick, du langage et de la politique-fiction qui a cours dans nos démocraties contemporaines.
«La musique, même si elle n’est pas précise, est un langage qui fait ressentir certaines émotions de façon très claire», explique le musicien né à Hamelin en Allemagne. «C’est la manière la plus facile de parler des choses qui me préoccupent. C’est plus naturel que les mots pour moi et la musique peut transmettre des choses que les mots sont incapables de faire. D’une certaine façon, c’est ma première langue.»
Max Richter a une voix très douce et posée, elle est en concordance avec sa musique. Le compositeur de musique minimaliste qui écrit pour le théâtre, le cinéma, la télévision, la danse est très réfléchi au bout du fil. On sent tout de suite qu’on s’adresse à un interlocuteur vif et subtil.
Max Richter est prolifique; il a recomposé sa version des Quatre saisons de Vivaldi à la demande de l’importante compagnie de disques Deutsche Grammophon, il a été l’élève de Luciano Bero, précurseur des musiques électroacoustiques, et a même composé une pièce de huit heures pour aider les gens à s’endormir.
Mais par-dessus tout, Max Richter est connu pour ses compositions que l’on entend un peu partout au cinéma. C’est lui qui est derrière la bande originale du film d’animation Valse avec Bashir du réalisateur Ari Folman. On retrouve sa musique dans les films de Martin Scorsese, André Téchiné et plus récemment dans Arrival de Denis Villeneuve. Il y a toujours des images qui surgissent quand on fait l’écoute des orchestrations de l’Allemand. Comme une musique de fin de cycle ou de fin du monde. On lui a demandé pour quel long métrage il aimerait composer s’il avait le choix parmi tous les films du monde.
«Si l’on me donnait le choix de revisiter une bande sonore d’un film, j’aimerais beaucoup travailler sur 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick ou encore Tree of Life de Terence Malick, qui nous offre un cinéma magique», nous révèle Richter.
Une des pièces qui représente bien l’univers du maître allemand est On the Nature of Daylight. Regardez le clip sublime tourné récemment avec Elisabeth Moss.
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C’est la pièce la plus connue de Richter. Elle fait partie d’un album écrit pour protester contre la deuxième invasion de l’Irak, The Blue Notebooks, sortie en 2004. Cet album et Infra, un album écrit en réaction aux attentats-suicides du 7 juillet 2005 à Londres, seront au menu du concert du 9 octobre. Quelques pièces de la très belle série de HBO, The Leftlovers, se rajouteront au répertoire de la soirée.
«The Blue Notebooks a été écrit en réaction à la politique-fiction qui avait cours sous l’administration de Georges Bush fils», poursuit Richter. «Nous vivons aujourd’hui dans un monde de politique-fiction encore plus prononcé, je trouve donc que cet album fait encore bien du sens aujourd’hui.»
C’est dire que ce concert sera hautement politique avec ces albums écrits en réaction à la violence contemporaine. Du baume sur les peines du monde actuel, on ressent un apaisement en même temps qu’une grande tension dramatique quand on écoute les pièces qui ponctuent ces albums.
«Nous vivons un moment historique intéressant. L’époque dans laquelle nous nous situons est remplie de gigantesques défis», répond le musicien. «Qu’ils soient politiques, environnementaux ou sociaux, il existe de grandes injustices. Mais il existe aussi beaucoup de nouvelles façons de faire les choses et il y donc un potentiel de changement positif. On peut considérer que nous sommes à un carrefour de l’histoire et qu’il est peut-être temps de se donner un nouveau départ. La musique a aussi son rôle dans cette histoire, elle donne des indications sur l’époque et elle peut la transformer. Pas seulement la musique d’ailleurs, mais la créativité en général qui peut donner d’autres alternatives au monde.»
C’est une invitation à changer le monde que nous donne Richter, une invitation qui prend corps au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, le 9 octobre prochain.