L i l a : Magie blanche
Elle puise dans ses parts d’ombre, inonde ses pensées moroses de lumière. L i l a (née Marianne Poirier) ne se contente pas de musique. Elle crée une oeuvre multidisciplinaire et, surtout, diablement personnelle.
La première parution de L i l a sous ce sobriquet aéré remonte à l’hiver dernier, à février 2018. Le mini album s’intitule Songs from a Room, un hommage subconscient à Leonard Cohen sans doute, un bouquet de chansons enregistré depuis le sous-sol des parents où Marianne (prénom prédestiné?) demeure encore. La sortie de cette offrande, juxtaposée à ce second baptême, était une façon pour elle de rompre avec sa vie d’avant, de faire table rase. «C’est une renaissance autoproclamée. J’ai changé de nom le jour où j’ai mis ça en ligne.» Car si certains la connaissent par l’entremise des publicités de la maison de couture Coeur de Loup, d’autres, infiniment plus nombreux encore, l’ont vue et entendue à La Voix. Marianne Poirier était de la même cohorte que Matt Holubowski, son grand ami par ailleurs, ce soliste d’exception avec qui elle partage plus qu’un goût pour le chant. Ils sont tous deux auteurs-compositeurs, créateurs à part entière.
Le vaste univers de L i l a va jusqu’à transcender la barrière du son. Illustratrice à ses heures, on la reconnaît à son trait très fin, ses silhouettes graciles et presque fantomatiques. Des dessins au stylo bille qu’elle enveloppe de pochettes de plastique transparent et semi-rigide, des originaux vendus avec un code de téléchargement à sa table de marchandise lors de ses concerts. Elle écrit aussi de la poésie, des textes en français qu’elle cache jalousement dans ses carnets, et se pare d’étoffes, de vêtements en phase avec l’esthétique qu’elle préconise. Un petit chapeau de velours noir, une délicate blouse mauve aux motifs floraux vaguement surannés. Chez elle, tout est prétexte à la minutie. «L i l a, c’est une couleur, c’est une image, une texture. C’est un tout. C’est trop imagé pour que ce soit juste de la musique.»
Oui, mes chansons sont en anglais, mais je pense que j’écris plus en français. J’écris beaucoup de poésie qui n’est pas mise en musique. […] Aussi, les mots en français sont trop beaux et précieux pour ne pas qu’on les voit.
Cultivée, curieuse comme peu, la polyvalente Marianne se nourrit de l’art des autres. De danse, de théâtre, d’art contemporain. «J’en ai besoin, c’est ce qui m’inspire. Oui, j’écoute vraiment beaucoup de musique, mais je vois aussi beaucoup de pièces, je vais à des événements littéraires…» Quand Valérie Clio (sa mentore à L’Ampli) l’a présentée à Josué Beaucage, elle savait déjà à qui elle avait affaire. «Je voulais travailler avec lui parce que j’avais vu plein de spectacles pour lesquels il avait fait la trame sonore. Venir au monde, principalement, l’année passée, avec Lou-Adriane Cassidy et Crépuscule, le show de cirque.» C’est finalement auprès de lui qu’elle immortalisera les pièces de quiet as fire, son «premier truc officiel», une collection de composition intimistes emmaillotées dans un écrin folk et bonifiées d’éléments sonores cinématographiques comme le moteur d’avion sur great drama, la plage #1. Un bruit qui donne le ton et nous donne à croire qu’elle nous livre ses mots depuis une cabine pressurisée, du haut des airs, dans une bulle sans wifi ni réseau cellulaire.
Pourtant, la vocaliste de Québec n’avait pas la tête dans les nuages. Loin de là. Son disque, elle l’a enregistré dans un bâtiment mal en point de la Basse Ville, au studio La Strip. Une ancienne école de coiffure ravagée par la poussière et l’humidité où Josué a choisi de faire son nid, aménageant son douillet refuge dans le plus improbable endroit. Un fort contraste qui sied merveilleusement bien à la démarche de Marianne: «J’aime le côté trash des choses, en général. J’aime l’idée de sortir une petite affaire qui va être belle dans cette espèce de trashitude-là. Je pense à past & present. Un moment donné, ça atteint comme un apogée et c’est quand même rough. Il y a comme deux parties à ma chanson. Dans la première partie, à la fin, je crie le mot “shit” et il y a plein de voix qui s’emboîtent. Au début, c’était quand même doux, mais il y a toujours de l’angoisse et du tourment [dans ce que je crée].»
L’anxiété, la nostalgie et la mélancolie sont, de son propre aveu, des thèmes chers à son coeur, des sujets de prédilection qu’elle aborde sans rougir. C’est dans le noir, le silence, que L i l a s’entend le mieux réfléchir, terrée entre ces draps et ces lumières de Noël qu’elle a suspendus. Elle cherche la solitude, la chérie. C’est recluse qu’elle trouve son équilibre. «Autant que le soleil m’inspire vraiment, autant que j’ai pas envie de gaspiller cette lumière-là à ne pas la regarder. C’est vraiment bizarre. C’est comme… On dirait qu’il faut que je vive la lumière pour, après, absorber le noir et le retranscrire sur du papier.»
quiet as fire
(Indépendant)
Disponible le 30 novembre
24 novembre
À la Salle Multi
En première partie d’Helena Deland
Lancement:
7 décembre
au Knock-Out en formule 6 à 9