Hanorah : Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forte
Musique

Hanorah : Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forte

Elle aborde le viol et sa culture de façon frontale, bouleversant les codes lyriques du R&B et du funk. Hanorah s’impose comme une voix forte dans le paysage musical actuel – au sens propre et figuré.

«Dans ma tête, je suis encore une adolescente awkward de Pierrefonds!» Née Elizabeth Hanorah Hanley, l’auteure-compositrice-interprète de l’Ouest-de-l’Île incarne l’archétype de la Montréalaise. Contre sa langue, les mots français et anglais s’entrechoquent dans un mélange naturel, en tout point fluide. Les deux proverbiales solitudes cohabitent en elle.

Artiste complète, Hanorah s’est d’abord cachée derrière ses sculptures et ses toiles, à l’ombre de l’école des beaux-arts de l’Université Concordia. C’était avant sa première offrande (Post-Romantic Stress Disorder) parue en 2017, avant sa participation à La Voix. Le chant a, depuis, empiété sur sa pratique en arts visuels. À 24 ans et parce que la chance lui sourit, elle s’autorise une pause académique pour mieux se concentrer sur sa musique. Ces jours-ci, elle fait paraître un EP sous l’égide de Dare to Care, l’étiquette de disques de Coeur de Pirate – dont elle assure d’ailleurs les premières parties sur la route du ROC.

For The Good Guys and The Bad Guys, c’est le titre de ce maxi, s’avère être une oeuvre à forte valeur autobiographique. Hanorah y aborde l’agression sexuelle qui l’a changée et qui, au final, tout bien considéré, l’a rendue plus forte. «Je chantais avant, j’ai chanté toute ma vie, mais jamais d’une manière aussi feverish. J’avais une belle voix quand j’étais jeune, j’ai toujours aimé le soul, le R&B, le jazz, mais j’avais pas la confiance pour m’assumer. You know what I mean? Je savais pas comment prendre de l’espace.»

Portée par un message ultra intime mais aussi terriblement politique, Liz l’introvertie s’est métamorphosée. Elle s’est donné le droit de faire du bruit quitte à crier et même déranger. À l’instar de Lady Gaga, elle met son talent aux services des survivantes. «J’y retourne pas par exprès pour me faire du mal ou pour me créer des chansons. J’ai pas besoin de faire ça. Comme, c’est déjà là, mais j’ai plein de choses à l’intérieur de moi, pas juste cette expérience. La musique, je vois ça comme un outil pour apprivoiser le monde autour de moi, peu importe les épreuves que je traverse. Pour moi, l’agression sexuelle ça a été le déclencheur for being able to do that, mais c’est pas le seul sujet.»

GRL photographie

N’empêche, la résilience et le féminisme sont les thèmes centraux de sa démarche comme parolière. Un propos résolument contemporain (nous y reviendrons) que cette grande fan de Etta James et Otis Redding juxtapose à des sonorités Motown.«Traditionnellement, le R&B c’est plus romantique et le funk, c’est militant, mais j’ai jamais entendu aucune tune par rapport au [féminisme] dans l’un de ces deux genres. Bikini Kill l’ont bien fait dans les années 1980, mais c’est du punk et c’est pas mon style à moi. J’ai voulu apporter mon message dans les styles musicaux que je chante bien.»

Going Down, une pièce au groove irrésistible et bonifiée de cuivres, s’impose comme un vibrant hymne post #MoiAussi et #BlackLivesMatters. «Ça parle de performative wokeness. C’est surtout par rapport aux dudes qui vont prendre la parole au nom des femmes qui osent parler de leur propre expérience ou, no offense to anybody, aux personnes blanches qui parlent plus fort que les personnes noires pour se prononcer contre racisme, qui se proclament woke ou comme des alliés au lieu de se la fermer et écouter. […] Le titre For The Good Guys and The Bad Guys fait référence à ça. Soit t’es bon, soit t’es mauvais. Mais elles sont où, les preuves de ça? Est-ce que tu examines ton propre comportement avant de te dire allié?»

Les chansons d’Hanorah sont comme des cartes postales, des chroniques d’un monde qui change. Sa musique est plus qu’un baume pour les femmes rudoyées; c’est une ode à la résilience au sens large. «Pour moi, les plus belles choses du monde naissent dans la souffrance. Ça fait du sens.»

For The Good Guys and The Bad Guys
(Dare to Care)
Disponible le 22 mars

En concert
21 mars – Casa Del Popolo (Montréal)
22 mars – Maelstrom (Québec)
23 mars – Cabaret des Arts (Disraeli)
26 avril – Bistro Café Summum (Chicoutimi)
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