La sagesse lucide de Ludovic Alarie
Le chanteur montréalais nous épate encore une fois avec un nouvel album concocté avec des joueurs clés, dont Simone Pace de Blonde Redhead.
Si jeune, si talentueux. C’est ce qu’on se dit du compositeur, chanteur et musicien montréalais Ludovic Alarie depuis plusieurs années. En sortant de l’adolescence, il a composé des albums avec son groupe indie-rock The Loodies, puis deux autres en solo, plus récemment. Ludovic Alarie sublime la douceur avec ses élégantes chansons et il a cette grande habileté de ne jamais en dire trop.
Aujourd’hui, il a 25 ans, il vit de sa musique, il a sa propre étiquette de disques – chouchou records, créée avec la poète Tasia Bachir – et il fait un pied de nez aux traditions de marketing d’album en proposant un très joli zine-album, un objet unique concocté avec grand soin. Voilà un jeune homme à son affaire dont l’œuvre autant que la démarche dégagent une sagesse lucide.
«J’ai sorti trois albums sur étiquette Indica, puis un album chez Coyote Records, précise-t-il. J’ai toujours été impliqué dans tout ce qui est budget, administration, direction artistique de mon projet, donc ça faisait vraiment du sens de partir ma propre maison et d’optimiser chaque aspect du processus.»
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Le zine-album we’re a dream nobody wrote down qu’il propose maintenant est un disque 45 tours dans un petit livre incluant les paroles écrites par Ludovic et Tasia, des images et une pellicule 16mm unique tirée de vidéoclips des chansons. Le tout a été fait en collaboration avec l’artiste visuel Sylvain Chaussée et le designer graphique Jolin Masson.
«Avec le label, on veut aller à l’encontre de la musique en continu. On ne voulait pas faire de CD, mais trouver une autre manière de promouvoir le projet, avoir un objet artistique qui est le fun, indique le principal intéressé. On a voulu créer quelque chose de visuel, développer l’univers poétique de l’album.»
Associations créatives
On reconnaît l’univers onirique et douillet du Montréalais sur we’re a dream nobody wrote down – concocté avec son noyau fort, ses collaborateurs de longue date Warren Spicer (réalisation) et Adèle Trottier-Rivard (voix) –, mais Ludovic Alarie avoue qu’il a voulu cette fois-ci s’éloigner du folk pour aller vers quelque chose de plus hybride. L’enveloppe sonore a ainsi un peu plus de cran. «Ça fait six ou sept ans que je travaille avec Warren, dit-il. On fonctionne vraiment naturellement. Y a pas de décisions à prendre, les chansons s’orientent toutes seules puisqu’on est habitués de jouer ensemble. Je voulais faire un album différent. Warren est curieux, intéressé par plein de sortes de sons et de mood, donc on voulait expérimenter quelque chose de nouveau sans se donner de direction précise.»
Un allié de taille figure sur ce nouvel album: Simone Pace, batteur de l’influente formation basée à New York Blonde Redhead. Le musicien d’origine italienne qui a déjà vécu à Montréal a signé Ludovic Alarie sur sa maison de disques américaine, Asa Wa Kuru, et il joue de la batterie sur l’album. «C’est un ami d’ami d’ami, explique Ludovic. Je lui ai envoyé mon album et il l’a aimé. C’était fun de le rencontrer en faisant de la musique, puisqu’on s’est vus pour la première fois le jour où on rentrait en studio. Comme pas mal tous les musiciens, je suis fan de Blonde Redhead! C’est super motivant de jouer avec des gens que j’admire.»
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Ludovic Alarie assurera la première partie de Blonde Redhead pour quelques concerts en juin. Cette association avec ce brillant groupe crée des échos positifs chez les médias américains. «Même si mon nouvel album est majoritairement francophone, y a beaucoup de réponses des médias là-bas, comme Stereogum. La barrière de la langue n’a donc pas l’air d’être un enjeu pour le marché des États-Unis.»
Tous les sens
Parlons-en des mots. Ludovic Alarie les chantait en anglais avec The Loodies, en français sur ses deux derniers disques, et ici, sur cette offrande, c’est un amalgame des deux langues. Écrits avec Tasia Bachir, les textes évoquent la mémoire, l’existence, l’effacement, la peur d’être oublié. Du titre de l’album, on en comprend que si le rêve n’est pas mis sur papier, il est voué à disparaître.
Dans l’univers de Ludovic Alarie, qui chante si doucement, on retient son aisance dans l’art de laisser la musique parler. Il se peut que les mots n’arrivent qu’après les 60 premières secondes d’une chanson et cette liberté ne sonne jamais faux. Imaginons-le ainsi: le vent est plus doux quand il se laisse emporter dans les rythmes.
«Dans les mots, j’aime ça laisser la place à plusieurs sens, y aller dans l’ouverture plus que dans des trucs trop définis, dit le chanteur. C’est pour ça qu’il n’y en a pas beaucoup aussi. Chaque mot a son poids. On écrit les paroles après la musique, donc j’y vais vraiment avec la sonorité, le plus beau de ce que peut évoquer la musique. C’est pour ça qu’il y a de l’anglais. Il y a des mots et des mélodies que je voulais chanter, mais qui en français n’auraient pas été aussi sincères.»
Ludovic Alarie nous emporte encore une fois, dans une langue ou une autre, dans sa douce nostalgie.
Soirée de lancement
le 14 mai
au Cinéma Moderne
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