Petula Clark : «Je ne suis pas tellement nostalgique!»
Musique

Petula Clark : «Je ne suis pas tellement nostalgique!»

Les chanteuses vont et viennent à vive allure, la plupart des carrières musicales ne durent que très peu d’années. Petula Clark est de celles, les rares, qui ont su résister au passage du temps et des modes. Son répertoire, intemporel et défendu avec cœur, continue de fleurir, de se transmettre de génération en génération.

Jointe par téléphone au lendemain d’un concert à Port Macquarie, une ville côtière de 39 000 âmes localisée entre Sydney et Brisbane, Petula Clark exulte par-delà le combiné. Il est 22h pour elle, mais qu’à cela ne tienne. Sa voix est fraîche, limpide. Son humeur? Splendide. Généreuse et vive, loquace malgré la fatigue, elle nous semble dans une forme radieuse. Après tout, il y a longtemps que la Britannique s’est accommodée aux aléas de la vie en tournée. On la connaît de part et d’autre du monde depuis tant d’années déjà, de l’Australie en passant par la Suisse où elle réside aujourd’hui. Néanmoins, c’est à Montréal qu’elle a choisi d’enregistrer son plus récent disque. «Ça fait un peu con de vous dire ça, admet-elle, comme consciente du cliché sans cesse ressassé par ses collègues, mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour pour les Québécois. Pour le pays, pour le public.»

En même temps, la simple existence de cet album, intitulé Vu d’ici, parle d’elle-même. Louis-Jean Cormier et Antoine Gratton en sont les réalisateurs. «La première fois que je les ai rencontrés, c’était au premier jour de l’enregistrement! Je ne les connaissais pas du tout. Bien sûr, on était dans le studio, il y avait Antoine au piano, Louis-Jean qui était là avec sa guitare, et puis on s’amusait comme ça. Je les ai adorés tout de suite. Ils sont drôles, ils sont mignons, ils sont très musiciens et ça s’est très bien passé. Vraiment bien.» Cette offrande concoctée chez nous évoque l’esprit des sixties, l’ère Downtown en somme, avec ses chœurs prenants, ses rythmes galopants, son groove aux teintes Motown et ses orchestrations élaborées. «Vous n’êtes pas la première à me dire ça. Moi, je n’entends pas spécialement cette chose des années 1960. C’est peut-être parce que, personnellement, je ne suis pas tellement nostalgique! […] J’ai travaillé avec deux jeunes et je pense qu’ils n’ont pas essayé de retrouver ce son-là. C’est vrai, nous avons beaucoup enregistré en direct, sans trop de techniques électroniques. C’est que dans les années 1960, on n’avait pas tous ces trucs. On enregistrait en direct, avec les vrais musiciens, et c’est aussi ce qu’on a fait à Montréal, avec de très bons musiciens, d’ailleurs, des musiciens magnifiques.»

Après avoir chanté la prose de Serge Gainsbourg et Boris Vian, la brillante interprète (qui officie également comme auteure et compositrice à ses heures) prête sa voix aux mots de Nelson Minville, France D’Amour, Luc De Larochellière et Steve Marin, pour ne nommer qu’eux. Des compositions qu’elle a sélectionnées avec soin. «C’est très personnel, bien sûr, mais il faut dire qu’il a des chansons que j’aime mieux que d’autres, confesse-t-elle timidement. Parfois, ce sont les chansons que j’aime le moins qui marchent le mieux. C’est souvent comme ça. Mais avant, quand j’entends une chanson pour la première fois, il faut d’abord que ça me touche. Parfois, c’est la musique qui me touche. Parfois, c’est les paroles. Quand on a de la chance, c’est les deux!» C’est précisément ce qui est arrivé à Je reviens de loin, la plage 4, une partition signée Cyril Taieb sur laquelle Kevin Bazinet et Frédérick Baron ont su poser leurs rimes. Un texte sur l’amour qui guérit, que la grande dame, intense et vibrante, livre avec une rare intensité.

La fille de l’Angleterre, les pieds sur terre

Petula est pratiquement née avec un micro dans les mains. À 9 ans, déjà, elle chantait à la BBC pour motiver les troupes. La guerre finie, on la choisissait pour incarner le personnage de Pet dans The Huggetts, un genre d’équivalent anglais à notre famille Plouffe. Très connue, comparée à Shirley Temple et à d’autres enfants stars de l’époque, Petula Clark réussira néanmoins sa transition. Si bien qu’elle avoue ne jamais avoir envisagé un plan B, une carrière en dehors de la scène. «Je n’ai jamais fait autre chose et, en fait, je ne sais pas si je serais capable de faire autre chose. Non, mais vraiment!»

C’est à Paris, en 1957 et auprès d’un public qui ne la connaissait pas encore, qu’elle s’émancipera enfin de son image de gamine. C’est là, contre toute attente, que sa carrière comme adulte, et internationale de surcroît, va vraiment prendre son envol. «Quand on m’a demandé d’aller chanter à l’Olympia pour une soirée, je n’en avais absolument pas envie. Je ne parlais pas un mot de français et je ne comprenais pas pourquoi ils voulaient que j’aille à Paris! Mais bon, j’ai fait ce spectacle à l’Olympia et ça a fait un triomphe… Je n’ai jamais compris pourquoi, d’ailleurs! J’ai chanté en anglais, bien sûr. Je n’avais même pas le courage de dire “merci” ou “bonsoir”. J’étais terrifiée par le français. Puis, j’ai fait un disque en français, très mauvais en passant, parce que je l’ai enregistré à Londres et que je ne comprenais rien, pas un mot de la chanson. J’avais tellement un accent! Mais je pense que les Français, eux, ont trouvé ça plutôt amusant. C’était ça le début, en fait.»

La plaine n’aura plus de frontières

Passionnée comme au premier jour, comme cette fois où, peu après un raid aérien, elle avait entonné Mighty Lak’ a Rose sur les ondes hertziennes, Petula Clark éprouve encore un grand vertige avant le début de chaque récital. Plutôt que de s’en tenir aux succès maintes fois testés et éprouvés, la musicienne de 86 ans carbure aux défis et se plaît à sortir de sa zone de confort. «C’est toujours un peu impressionnant quand on chante une chanson pour la première fois sur scène. Bon, bien sûr, je vais forcément faire celles que tout le monde connaît. Cœur blessé, La gadoue, Chariot, tout ça. Ce sont des chansons sûres, mais avec les nouvelles, on n’est jamais sûr!»

De retour du pays des kangourous, l’infatigable voyageuse s’offrira des arrêts à Londres puis à New York, avant de débarquer dans la Belle Province. Décidément, Madame Petula, vous n’arrêtez jamais? «Vous savez, j’aime beaucoup ce que je fais. C’est pas du travail pour moi. […] Je fais vraiment ça par amour, je n’ai pas besoin de faire ça pour l’argent. Il y a quelque chose qui se passe sur scène entre le public et l’artiste, quelque chose qu’on ne retrouve pas ailleurs. Il y a des gens qui trouvent que c’est un peu comme de la drogue, mais je ne pense pas… C’est un énorme plaisir, et voilà! C’est tout ce que je peux dire.»

Vendredi le 14 juin à 20h
Au Théâtre Maisonneuve
(Dans le cadre des Francos de Montréal)
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