Nick Murphy au FEQ : De quoi écrire à ta mère
Musique

Nick Murphy au FEQ : De quoi écrire à ta mère

Le premier jour du 52e Festival d’été de Québec s’est inauguré au son de Témé Tan, Les Louanges, Lou Doillon et Nick Murphy. Autant dire qu’on était déjà aux anges avant même ladite soirée ne commence, qu’aucun micro ne soit même branché.

C’est le Belgo-congolais Témé Tan qui avait pour mandat d’animer la foule un tantinet anémique, mais réceptive, massée dos à l’Assemblée nationale et la Fontaine de Tourny. Une plage horaire ingrate, certes, mais dont il a su tirer meilleur profit.

Témé Tan (Crédit: Sébastien Dion / FEQ)

Avec son approche de beatmaker et son arsenal d’instruments minimaliste à souhait, l’as du contrepoint rythmique s’est livré à un concert énergique et à la hauteur du disque vitaminé qu’il nous a servi il y a déjà deux ans.  

Justement, le musicien a été généreux en matière de morceaux inédits, levant notamment le voile sur une jolie pièce ponctuée de mots en lingala et écrite en hommage à sa grand-mère. Ludiques et ingénieux, les arrangements de ladite chanson se sont bien agencés à Améthys et Menteur, ses meilleures compositions en carrière jusqu’ici. 

 

Le prodige du 83

Après avoir jazzé les Jardins Jean-Paul-L’Allier sur le coup de midi et dans le cadre d’un Pop-Up FEQ fort couru, Vincent Roberge alias Les Louanges s’est vu accueillir en héros à la Place George V. On s’est ému de voir l’accueil que le public de la Rive-Nord a réservé au Lévisien, d’entendre tous ces gens entonner les paroles de Tercel (allongée pour l’occasion) et de la pièce-titre son premier long-jeu déjà primé à maintes reprises.

Les Louanges (Crédit: Stéphane Bourgeois / FEQ)

L’auteur-compositeur-interprète sait s’entourer. Tout ce concert durant, il aura été accompagné d’une cohorte d’instrumentistes triés sur le volet, dont le polyvalent Félix Petit qui manie saxophone et flûte traversière avec une vigueur presque déconcertante. D’ailleurs, les arrangements étaient plus riches, plus complexes encore que dans les versions studio. Musicalement, c’était un pur régal.

Ivre de joie pour des raisons évidentes, le savant alchimiste s’est même risqué à étrenner une nouvelle composition autobiographie intitulée Attends moi pas, le récit d’une étoile montante (bien qu’il soit bien trop modeste pour l’exprimer en ces termes) pris entre Paris et Austin.

N’en déplaise à ses proches qui le voient de moins en moins souvent, tout porte à croire que Roberge devrait poursuivre sa folle ascension et continuera à tourner par-delà nos frontières.

 

Née pour chanter 

Des vapeurs de flower power flottaient sur la scène Loto-Québec à l’arrivée de la charismatique Lou Doillon, l’héritière d’un patrimoine artistique familial qui dépasse réellement l’entendement. Au-delà de son arbre généalogique étincelant et auquel elle sera toujours un peu réduite par la force des choses, la demi-soeur de Charlotte Gainsbourg et fille de Jane Birkin s’est prêtée à un concert un chouia monotone, mais sans faille sur le plan musical. Elle était transcendante. 

Lou Doillon (Crédit: Stéphane Bourgeois / FEQ)

Enveloppée dans un écrin somme toute assez rock, mais aussi relativement folk par moments, la plus américaine des Européennes captivait avec son timbre bluesé, cette voix un peu éraillée et volontairement chevrotante qui fait sa marque de commerce. D’une aisance déconcertante, comme exempte de toute forme de trac et même d’adrénaline, la vocaliste et guitariste donnait l’impression d’accueillir les festivaliers dans son salon. 

Cette dégaine relax ne l’a pas empêché de livrer des interprétations très senties, carrément à fleur de peau. On la sentait presque au bord des larmes sur ICU, un souvenir de 2012, comme habitée d’un fantôme ou réellement chavirée par le sens de ses propres paroles. Elle est actrice à ses heures, faut dire. 

 

Corey qui?

Le néo crooner australien est entré en scène armé d’un archet allant et venant sur les cordes de sa guitare électrique, imposant d’emblée sa signature réellement originale et axée sur une certaine forme d’innovation. Sans faire dans la musique expérimentale, Nick Murphy sort vraiment des sentiers battus. 

Nick Murphy (Crédit: Stéphane Bourgeois / FEQ)

Lové sous des éclairages élaborés, souvent monochromes et frénétiques, celui qu’on appelait autrefois Chet Faker a donné le ton avec Hear it Now puis Sunlight, deux pièces issues de l’album sorti ce printemps. S’il a très vite su instaurer l’esthétique de Run Fast Sleep Naked, le multi-instrumentiste récemment rebaptisé nous a quand même gâté d’une relecture mordante de Gold, un titre phare de son répertoire. Arrosée d’une intro et d’un bridge à la limite des sonorités industrielles, sa nouvelle version de 1998 avait aussi de quoi surprendre – dans le bon sens du verbe. 

Un autre moment fort? Trouble et Birthday Card enchaînés sans répit et à la façon d’un DJ set, des chansons qui lui auront permis de repousser les limites de son registre, donnant lieu à des envolées vocales franchement prenantes puis à une partition de piano saccadée qui avait de quoi évoquer la trame sonore d’un saloon. Des tergiversations esthétiques qui s’imbriquaient naturellement les unes aux autres, formant un tout étonnamment homogène, mais jamais lassant. Bien au contraire!